«Priorité au canton»

| mar, 13. mar. 2012
Christian Levrat, dimanche 11 mars 2012
Facilement élu au Conseil des Etats, Christian Levrat revient sur la campagne et sur ses doutes d'avant le verdict. Surpris et ému d'être élu au premier tour, il se dit prêt à adapter son style à cette nouvelle fonction…tout en restant lui-même.

PAR JéRÔME GACHET

Depuis quelque temps, c’est le café de l’Hôtel de Ville de Bulle qui fait les meilleures affaires les soirs d’élection. Les socialistes, qui ont le vent en poupe, viennent y fêter leurs succès. Et dimanche soir, c’était au tour de leur leader, Christian Levrat, d’être porté en triomphe.
Le citoyen de Vuadens (42 ans) a fait fort, battant sèchement le candidat de la droite, le libéral-radical Jacques Bourgeois. Il remplace ainsi son ami Alain Berset, promu au Conseil fédéral.
Le ministre de l’Intérieur est là. Rien d’anormal. Ce qui l’est davantage, c’est la présence de l’UDC Jean-François Rime. «Malgré nos divergences politiques, j’ai toujours entretenu d’excellentes relations avec Christian Levrat, explique-t-il. Comme Bullois, je trouvais normal de venir le saluer.» Jean-François Rime ne cache pas qu’il n’a pas apprécié l’attitude du PLR, lequel a refusé un échange de bons procédés avec l’UDC en vue des prochaines échéances.
Le conseiller national ne traîne pas: après avoir félicité Christian Levrat, il s’en va. Quant au nouveau sénateur, il s’extirpe de la foule et répond à nos questions.

Vous étiez très tendu avant cette élection. Ne vous attendiez-vous pas à cette issue?
Non. Je suis assez surpris. Sur le papier, c’était un truc impossible au vu des forces politiques. Je ne pensais pas être élu. L’élection au Conseil des Etats est une question de personnes. Ici, les gens me connaissent, ils savent quelle est ma manière de faire de la politique et peuvent juger des résultats que j‘ai obtenus ou non.
Cette élection est une marque de confiance très large de la part de la population. Cela va au-delà des appareils partisans. Je trouve cela assez émouvant. J’y vois aussi une volonté des Fribourgeois de maintenir un équilibre PS-PDC dans la représentation à Berne. Un signe de sagesse à mes yeux.

Sur le plan tactique, qu’est-ce qui a été décisif?
Je pense avoir bénéficié d’un soutien large dans l’ensemble de l’électorat. Signe qui ne trompe pas: je suis devant dans tous les districts. Il faudra s’en assurer dans l’analyse de détail. Il semble aussi que j’ai réalisé un très bon score dans les communes traditionellement PDC.

Ce n’est pourtant pas chez vous, en Gruyère (52,7%), que vous réalisez votre meilleur score…
Je suis quand même très content de ce résultat. Le rapport de force politique ne parle pas en notre faveur. Obtenir la majorité absolue en Gruyère est une belle satisfaction.

Sur la question du style, Urs Schwaller dit que ce n’est pas le Conseil des Etats qui va s’adapter à Christian Levrat, c’est Christian Levrat qui devra s’adapter au Conseil des Etats. Prêt à changer, vraiment?
Ça me paraît logique. Tout le monde adapte son style à son auditoire. Parler à 46 conseillers aux Etats qui vous écoutent n’est pas pareil que de s’exprimer devant les 200 parle-
mentaires du Conseil national. Mais si le style et le ton sont forcément différents, l’objectif reste le même: convaincre.

Mais êtes-vous prêt à arrondir les angles?
Ce n’est pas tellement la question. Je ne pense d’ailleurs pas me changer. Si ce canton a eu du succès, c’est aussi parce qu’il compte des personnalités fortes. Je n’ai jamais compris cet éloge de la souris grise. Malgré les caricatures médiatiques, les électeurs ont bien compris que les politiciens ont cette flexibilité. Je me réjouis de siéger au Conseil des Etats.

Quand vous montiez à la tribune du National, c’était comme président du PS. Désormais, comme sénateur, vous devez défendre le canton. Comment allez-vous concilier vos deux rôles?
Ce n’est pas si différent d’une chambre à l’autre. Certes, il y a des débats de politique générale: est-on pour ou contre l’augmentation de l’âge de la retraite ou la sortie du nucléaire? Sur d’autres dossiers, l’intérêt du canton est directement engagé. Et là, j’attends des conseillers aux Etats, comme des conseillers nationaux d’ailleurs, qu’ils défendent avant tout l’intérêt du canton. Quand l’intérêt du canton est en jeu, il a la priorité, quelle que soit la position du parti. Je l’ai notamment fait sur la politique agricole ou sur la péréquation financière malgré les hurlements des cantons-villes.

Etes-vous certain de rester président du PS suisse?
Non seulement ces deux mandats sont complémentaires, mais ils s’enrichissent l’un l’autre. Il est sain pour le parti  de bénéficier de gens qui siègent aux Etats, tout comme il est sain pour les cantons de pouvoir compter sur des élus qui ont de l’influence dans leur parti. Mais je ferai un bilan en 2013 et, s’il devait y avoir des incompatibilités, j’en tirerai les conclusions.

La campagne a été marquée par des coups de griffe. Sur les panneaux électoraux, «Levrat» et devenu «Le rat», tandis que la Weltwoche a prétendu que vous aviez des idées proches de l’extrême droite dans votre jeunesse. Comment l’avez-vous vécu?
La campagne est terminée, il faut laisser ces gamineries-là où elles sont. J’ai apprécié les débats avec Jacques Bourgeois. Débattre ensemble, projet contre projet, est déterminant. C’est là qu’on doit juger les politiciens. Visiblement quelques têtes brûlées se trouvant dans l’environnement du PLR ont eu de la peine à être contrôlées.

En parlant de gaminerie, est-ce que ce ne sont pas les socialistes qui ont commencé en attaquant Jacques Bourgeois sur le temps qu’il passe à faire du sport?
Non, c’est un mauvais procès qu’on nous fait là. Ce n’est pas ce que voulaient dire les gens qui ont abordé la question. Cela aurait été d’autant plus absurde que je roule moi-même 3000 km par année.

Vous avez entamé votre troisième mandat à Berne. Estimez-vous que, comme vous passez au Conseil des Etats, les compteurs repartent à zéro?
Je ne sais pas ce qui va se passer. Mais il ne serait pas raisonnable de ne m’engager que pour un mandat. Je dois m’intégrer à un nouvel environnement, trouver ma place, gagner de l’influence. Il est donc vraisemblable que je serai à nouveau candidat en 2015.

Pouvez-vous imaginer la vie sans la politique?
Le jour où j’arrêterai, je le ferai clairement. Mais je ne sais pas quand ça arrivera. Quand j’entreprends quelque chose, je m’investis à fond.

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