Catillon et les Francos en route pour la joie

| ven, 18. mai. 2012
Depuis mardi, Espace Gruyère vibre aux notes des Francomanias. Retour sur les trois premières soirées, avec notamment les prestations remarquées de Jamait, Brigitte, Zaz et Catillon, une des révélations de cette 12e édition des Francomanias.

PAR ERIC BULLIARD/CHRISTOPHE DUTOIT/MICHAËL PERRUCHOUD/LAURENT RUMO

 

Oser mettre la tête sous l’eau
Mardi. Frédéric Recrosio est un humoriste chevronné et un chanteur débutant. Aussi le premier vient-il tout naturellement au secours du second pour huiler les rouages et faire rire entre les chansons. Comme un enfant à la piscine qui n’ose pas mettre la tête sous l’eau, Recrosio a recours à ce qu’il sait faire pour ne pas jouer sans filet. Et c’est bien dommage. Car ce chanteur a du talent, surtout quand il dépeint les vies cabossées, la nostalgie, le mal-être… qu’il ne cherche pas à être drôle (magnifique J’aime pas la vie, j’fais pas de bébés).
Recrosio renoue avec la tradition qui voyait les humoristes pousser la chansonnette avec bonheur. On se souvient de l’immense André Bourvil qui, entre Salade de fruits et La tactique du gendarme délaissait sa panoplie de comique pour chanter La tendresse ou La valise, la voix humide d’une vraie mélancolie.
La chanson impose la nudité pour emporter l’adhésion. Bourvil le savait et, plus près de nous, Thierry Romanens l’a parfaitement compris. Ne doutons donc pas que Frédéric Recrosio apprendra à faire confiance au chanteur qui est en lui, à nous montrer ses tripes sans faux-fuyants. Car le potentiel du bonhomme n’est pas mince et c’est bien l’essentiel.
Devant un bon millier de personnes (plus que respectable pour un mardi: jamais une soirée assise n’avait attiré autant de monde aux Francomanias), Juliette ne s’est pas contentée d’un simple concert. Son No parano show est un spectacle complet, qui tient autant du théâtre que de la chanson.


Merveilles d’écriture
Entourée de six musiciens, Juliette a la gouaille, l’humour et la présence pour assumer et maîtriser ce genre. Mais l’ensemble paraît tellement écrit que la spontanéité et l’émotion peinent à affleurer.
Entre deux gags moyennement drôles, Juliette lâche des merveilles d’écriture et de finesse, tirées de son dernier album (Rue Roger-Salengro ou Une chose pareille chef-d’œuvre signé Adamo) ou plus anciennes, comme Lames. Des titres puissants, portés par sa voix de chanteuse d’une autre époque qui n’ont pas besoin de toute cette histoire de médecins, d’infirmière, de groupe de parole…
Ancien responsable des bénévoles du festival, Frédéric Rody a eu le lourd privilège d’ouvrir les feux sur la petite scène. Sous le pseudonyme Epheire, le Tourain a conjugué au plus-que-parfait les chansons tristes de son album Novembre. De la belle ouvrage, sans compromis, tendre et sublimée par les cordes des Barbouze de chez Fior (avec sa sœur Annick au premier violon). Aidée par une qualité de silence rare, la patinoire de Bulle a vibré aux accents shelleriens de Rody et à sa reprise tout en douceur de Reason to believe, chef-d’œuvre inégalé de Springsteen.

 

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D’l’amour, d’la joie et d’la bonne humeur sur les Francos
Mercredi. Avec l’envie sincère de tout partager avec le public, Zaz, Yves Jamait et Aldebert ont concocté une très belle soirée à Espace Gruyère.

Les grincheux peuvent étouffer leurs sarcasmes: oui, le son à Espace Gruyère est désormais parfait. Et, oui, les Francomanias ont vécu mercredi une de leurs mythiques soirées où le public ressort avec le sourire jusqu’aux oreilles. Vedette après seulement un album (et un live), Zaz a conquis les 2500 spectateurs présents, avec ses chansons trompettes et ses musiciens venus du Manouchistan. Boule d’énergie sur scène, la fée Isabelle Geffroy communique sa joie de vivre en sautillant, même si elle finit par lasser avec son coin-coin jazzy et ses chansons un peu trop similaires. Par chance, Zaz a la grandeur de reprendre Dans ma rue, sublime chanson de Jacques Datin, chantée en 1946 par Edith Piaf… Déjà, la marque des grandes!
Pour une grande partie du public, Yves Jamait faisait figure de découverte. Chargé de la transition entre deux artistes aux compositions plus légères, le Dijonnais a dû tenir le rôle ingrat du vétéran de la soirée. Ce qui n’a pas empêché le bonhomme de gagner rapidement la sympathie de la salle par sa spontanéité atypique.
Col de veston relevé, cravate lâche et casquette irlandaise, le Français à la démarche chaloupée lance d’emblée un «salut, ça va?» franc et sans détours, à la limite de la familiarité. Sa voix, qui porte le poids des galères d’une vie peu conventionnelle, a encore rouillé. Le public est troublé, mais prend confiance. «C’est la dernière au bar», chante-t-il avant de s’asseoir à sa petite table ronde pour deux gorgées d’une bière bien tiède.


Sourire en coin
Au fil des titres, Yves Jamait se fait grave, puis tendre. Attendrissant même, lorsqu’il entonne Même sans toi. Malgré la morosité du propos, il sourit en coin. Il s’amuse, il danse. Il s’invente même guitar hero. «Ça donne un côté winner quand tu dois commencer une chanson à la guitare», se marre-t-il en se lançant dans une imitation mo­­queuse.
A bout de voix, Jamait doit tendre le cou pour aller chercher les dernières notes. Mais, sans prévenir, le public vient le soutenir pour un «Caresse-moi!» cri du cœur tragique et émouvant. Pour avoir laissé ses tripes sur scène, Jamait est sans conteste la bonne surprise de la soirée. Sans paillettes, sans pléthore de «la-la-la» incongrus et envahissants. Mais avec des coups de gueule incisifs et une dose de sincérité hors du commun.
Avant Yves Jamait, Aldebert signait son retour à Espace Gruyère, six ans après avoir éclipsé Raphaël. Aldebert, c’est une sorte d’application exemplaire du Petit manuel du parfait concert. Il fait tout juste, trouve les bons mots au bon moment, lâche des sourires complices, sautille, se laisse porter par la foule…
De plus, ce gars-là dégage une telle sympathie que tout paraît naturel, jamais forcé. Venu de l’image, il a sans doute proposé la meilleure présentation de musiciens jamais vue aux Francos. En remplaçant ce passage obligé rarement drôle par une série de clips hilarants.
Côté musique, Aldebert propose aussi ce qu’il faut, ni plus, ni moins. Guitare, basse, batterie et claviers/accordéon. Rien que du solide, du bien en place. Autant dire qu’avec tous ses atouts, Aldebert n’a guère de peine à charmer son public. On en vient même à oublier (ou presque) ses histoires un rien infantiles et ses textes qui n’évitent pas toujours la facilité.


Quand on sait y faire
En principe, un type qui chante «et puisque rien ne presse / en attendant le céleste / on veut du temps qui reste» devrait d’emblée nous hérisser le poil et nous faire tourner les talons… Mais non. En concert, quand on sait y faire, on réussit même à rendre sympathique ses rimes à deux sous et ses «la-la-la-la-la…» On tape dans les mains et on sort content.
Sur la petite scène, Pamplemousse ouvrait le bal dans une formation où les cuivres et l’accordéon se taillaient une bonne place. Bel équilibre des instruments et des voix pour un groupe fort agréable à l’écoute… Quant à Eléonore, elle mérite sans doute sa part d’éloges, mais sa voix mal mise en valeur entre une guitare et une batterie un brin trop forte nous a privés d’une bonne part de ce qu’elle avait à nous conter.

 

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L’évident bonheur de Catillon
Jeudi. Il restera comme l’une des révélations du festival: devant un public acquis à la cause de Cœur de pirate, Catillon a su convaincre par son enthousiasme.

Certes, à Espace Gruyère, Catillon jouait à la maison. La partie n’était pas gagnée d’avance pour autant: le groupe n’avait jamais pris possession d’une aussi grande scène et, même si les amis étaient là, la majorité des plus de 2500 spectateurs attendaient Cœur de pirate et Brigitte. N’empêche qu’ils sont restés, qu’ils ont tapé dans les mains, qu’ils ont été emballés par ce groupe gruérien à l’énergie sympathique et communicative. Sans conteste une des révélations du festival.
Début en trombe avec La ballade de Jimmy Apache, puis Mots à Lisa. Deux morceaux et Titi Sottas lâche: «J’suis déjà crevé…» C’est que le chanteur n’est pas du genre à s’économiser, porté par l’adrénaline, par la chaleur d’une salle bon enfant, où l’on a senti tout de suite l’envie de suivre Catillon sur ses routes.


Moment de pure grâce
Outre le groupe habituel (Christophe Grandjean à la guitare, Grégoire Gurtner à la basse, François Rigolet à la batterie et André Schibler au clavier et à la guitare), Catillon a profité de ce vernissage pour inviter quelques musiciens qui ont participé à l’enregistrement de son premier album, Combien de routes… Comme Daniel Piller à l’accordéon et Alain Thiémard à la flûte. Quant à Frédéric Rody au violon et Céline Bouzenada Sottas, épouse du chanteur, au piano, ils sont montés sur scène pour L’éphémère, titre phare du disque. Moment de pure grâce.
Sans prise de tête, Catillon a la fougue enthousiaste des jeunes groupes. Tout ne paraît pas encore parfaitement en place, mais le potentiel est indéniable. Il permet aussi de largement compenser quelques faiblesses du côté des textes. On suit sans peine Titi Sottas quand il trouve les mots justes pour chanter l’intime, l’émotion. Moins quand il bascule dans la chanson engagée, genre particulièrement casse-gueule. «Marcher vers son destin, sous les balles meurtrières de la junte militaire…» Mouais.


Un plaisir à la Cali
Jeudi soir, l’essentiel était toutefois ailleurs. Dans cette atmosphère débridée, cette joie que dégage Catillon, grâce à ses chansons-rock classiques et bien tournées, ses mélodies enlevées. Dans le charisme et la voix charmeuse de Titi Sottas, aussi à l’aise dans les chansons graves que dans l’énergie pure.
Au cours d’une soirée que le groupe n’est pas près d’oublier, Titi Sottas s’est même offert le privilège d’un bain de foule, «à la Cali» lui qui avoue volontiers que le show décoiffant du chanteur français à l’Hôtel de Ville en 2006  lui a donné envie de monter sur scène. Au final, Catillon aura passé avec brio et un bonheur évident le cap du premier concert sur une grande scène. Pour tout dire, rarement les sourires d’un chanteur aux anges n’auront autant fait plaisir.

 

Blonde, brune et tatouée: trois nanas pour guincher à Bulle

Elles sont plus acidulées que décapantes et peut-être un peu moins folles qu’on pouvait l’espérer, mais les deux chanteuses de Brigitte ont fait le plus grand bien au festival. Côté spectacle, tout est parfaitement rodé, de la batterie au tambourin, et le public se sentait des démangeaisons dans les jambes. Il manque peut-être au répertoire une ou deux chansons qui déménagent et qui auraient vraiment fait décoller le concert… Mais dire ça, c’est faire la fine bouche. Car Brigitte nous en a donné pour nos oreilles et pour nos yeux.
Robes étincelantes, tout en paillettes et en sourires, il y avait du bonheur sur la scène, du plaisir à jouer. Et rien que cela nous changeait avantageusement du concert précédent (Cœur de pirate, pas Catillon…)
L’ambiance, elle, s’est plutôt conjuguée dans le tendre… J’veux un enfant, Encore un verre, les brûlures de la vie ne sont pas absentes du répertoire de Brigitte, qui démontre à cette occasion toute la sincérité d’une démarche.
Pour le reste, Ma benz, reprise de NTM, est un véritable morceau de bravoure et Battez-vous possède tous les attributs du tube intelligent (eh non, il n’y a pas forcément contradiction dans les termes).
En milieu de soirée, elles sont venues, elles étaient toutes là (les jeunes filles) pour écouter Cœur de pirate, l’idole des ados au cœur grand comme ça. Visiblement, toutes n’ont pas été déçues par le service minimum de la Québécoise, certes bien rendu par deux guitaristes à la coupe de cheveux fantasque.
Tantôt au piano (ce qu’elle fait de mieux au demeurant), tantôt en train de se dandiner malgré un ventre habité depuis quelques semaines, Béatrice Martin a donné un bien piètre spectacle, avec ses airs de jean-foutre et sa diction incompréhensible (elle ne peut en aucun cas se cacher derrière un problème de sono). Une prestation plus fade que mauvaise d’ailleurs, trempée dans une sauce rock sans relief et – c’est bien là le hic – avec un lot de chansons sabordées sur l’autel d’un succès trop rapide.


Manouches et polissonnes
En début de soirée, les Bullois de Django Dass (ils sont venus à pied depuis leur local de répétition) ont chauffé la petite salle avec leurs chansons manouches et polissonnes. François Corona (aux solos), Stéphane Rochat (à la pompe) et Patrick Quartenoud (au chant et à la contrebasse) ont décliné des classiques du grand Django et de ses suiveurs, mais adaptés avec des textes de leur cru. Devant un public bon enfant, ils ont notamment livré une gaillarde adaptation du Poinçonneur des lilas de Serge Gainsbourg, où tout à coup le Mécano de chez Renault «pose des roues, des petites roues, toujours des petites roues». Juste phénoménal!
Toujours sur la scène locale, LiA a cousu une camisole de force à ses chansons rock devant un public hagard, mais visiblement conquis.

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