Jean-François Rime: «Les PME méritent d’être défendues»

| mer, 23. mai. 2012
Jean-François Rime a été élu mercredi président de l’Union suisse des arts et métiers. Le Bullois est le premier Romand à occuper cette fonction en 133 ans d’histoire. Puissant, le président de l’USAM est à la tête d’un d’un réseau de 300000 PME.

PAR THIBAUD GUISAN


Pour un patron, c’est une consécration. A 60 ans, Jean-François Rime accède à la présidence de l’Union suisse des arts et métiers (USAM). L’industriel et conseiller national UDC a été élu hier à Berne par le Congrès suisse des arts et métiers. Membre du comité directeur depuis cinq ans, le Bullois est le premier Romand à accéder à cette influente fonction.
Plus grande organisation faîtière de l’économie suisse, l’USAM réunit 250 associations professionnelles, qui constituent un réseau de 300000 petites et moyennes entreprises (PME). Sa présidence était vacante depuis la démission, en décembre dernier, de Bruno Zuppiger (udc/ZH), soupçonné d’irrégularités dans une affaire d’exécution testamentaire.

Qu’est-ce qui vous a incité à briguer la présidence de l’USAM?
Jean-François Rime. Je suis chef d’entreprise depuis trente-quatre ans. Les PME, ça été toute ma vie: elles méritent d’être défendues. Ça peut paraître bateau, mais elles constituent l’épine dorsale de l’économie: elles forment les apprentis et elles occupent les gens dans les régions périphériques. Et puis, j’ai toujours été actif dans les associations professionnelles.

Vous voilà à la tête d’un réseau de 300000 PME. Quelle sera votre influence?
L’USAM a connu sa grande période dans les années 1970 à 1980. Son directeur, Otto Fis-cher, était une des éminences grises de la politique économique suisse. Aujourd’hui, la politique a pris la main sur l’économie. Mais avec Economiesuisse – représentante des grandes entreprises – l’Union suisse des paysans et l’Union syndicale suisse, l’USAM reste une des quatre grandes organisations professionnelles du pays. Elle a assez de poids pour déposer des référendums, lancer des initiatives et jouer un rôle politique. Nous avons d’ailleurs des contacts réguliers avec les conseillers fédéraux.

En 133 ans, vous serez le premier président romand de l’USAM. Une fierté?
Il est important que la Suisse romande soit un jour représentée à ce poste, même si, pour moi, le Roestigraben n’existe pas. J’ai l’habitude d’aller me défendre parmi les Suisses alémaniques. Par contre, j’espère améliorer la présence de l’USAM dans les médias romands.

En quoi consiste ce rôle de président?
La fonction devrait m’occuper deux jours par semaine à Berne. Avec un comité de 13 ou 14 membres, le président fixe les grandes stratégies et adopte les positions lors des votations. L’USAM est ensuite particulièrement active sur les dossiers de la formation professionnelle, de la fiscalité, de la politique énergétique et des infrastructures. Le président a aussi un rôle de porte-parole et il représente l’association dans un certain nombre d’organisations.

Quel est le défi actuel des PME?
Le grand problème, c’est la force du franc. Le taux plancher fixé par la Banque nationale suisse avec un euro à 1 fr. 20 est une bonne solution, mais probablement la seule. Il est illusoire de penser qu’on pourrait fixer ce plancher à 1 fr. 30 ou à 1 fr. 40. Etant donné la situation dans la zone euro, je ne m’attends pas à une grande amélioration. Dans ce contexte, je suis étonné de voir les chiffres du chômage baisser en Suisse alors qu’ils augmentent partout ailleurs.

Quelles sont les perspectives?
Nos PME tirent leur épingle du jeu: c’est la preuve qu’on a de bons entrepreneurs. Mais il faudra éviter de charger le bateau de tous les côtés. La politique ne peut pas changer la conjoncture. Par contre, elle peut prendre des mesures qui sont négatives pour l’économie: par une bureaucratie surabondante, des taxes, une fiscalité trop élevée, des demandes d’autorisations fastidieuses, etc. Aujourd’hui, on a le franc fort. Mais si on ajoute une augmentation des charges sociales, du prix des carburants pour financer le rail et une hausse probable de 30% du prix de l’énergie parce qu’on a décidé de sortir du nucléaire de façon précipitée, certains patrons diront: «Je ne joue plus» ou «Je ne peux plus jouer».

Le tableau est-il si noir?
Non, pas pour le moment. Je suis optimiste. Et comme Fribourgeois du Sud, on peut être euphoriques avec UCB à Bulle et Nespresso à Romont. Il faut dire que la Suisse a des atouts à faire valoir au niveau international: une stabilité politique, des lois du travail flexibles, mais qui garantissent les droits des travailleurs, et une faible inflation. D’ailleurs, les horlogers préfèrent construire une usine au Locle, plutôt qu’à 30 ou 40 km de la frontière, côté français. Ils paieraient pourtant leurs employés moins de la moitié.

 

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«Pas un lot de consolation»
La présidence de l’USAM est-elle un lot de consolation après vos deux échecs à la course au Conseil fédéral?
Non, je ne fonctionne pas comme ça. J’ai été candidat au Conseil fédéral parce que, en 2010, personne ne voulait y aller. En 2011, l’UDC a décidé de présenter deux candidats. Comme j’avais fait l’exercice en 2010 et que je n’avais pas trop mal réussi, j’y suis allé…

Vous vous voyiez quand même mieux président de l’USAM que conseiller fédéral?
Je me serais bien vu conseiller fédéral (sourire). Quand vous êtes candidat, vous espérez être élu. Quand je vois les conseillers fédéraux en place, je n’aurais pas de peine à faire aussi bien que la plupart d’entre eux.

Que change cette présidence de l’USAM pour votre mandat de conseiller national?
Ça restreint un tout petit peu ma liberté d’action, parce que – c’est une règle – je me suis engagé à défendre les positions de l’USAM avant les idées de mon parti. Mais ça ne me fait aucun souci. A part certains sujets qui touchent à l’Union européenne, l’UDC est probablement le parti qui est le plus proche de l’USAM et des PME.

Exemple de conflit d’intérêt: vous êtes membre du comité de l’initiative de l’UDC contre l’immigration massive. L’USAM est contre ce texte. Comment allez-vous gérer cela?
Je ne peux pas sortir du comité d’initiative. Mais je me suis engagé à rester en dehors de la discussion dans cette campagne.

Vous êtes élu pour un premier mandat de deux ans à la présidence de l’USAM. Combien de temps pensez-vous occuper cette fonction?
Je suis élu jusqu’en 2015 au Conseil national. Si je n’ai pas de problème de santé ou autre, je m’engagerai jusqu’à cette date. Si je veux être président au-delà, il faudra que je me représente et, surtout, que je sois réélu au Conseil national. C’est en effet quasiment une clause: le président de l’USAM est un parlementaire.

Alors, vous représenterez-vous en 2015?
Je ne le sais pas aujourd’hui. Mais il est clair que cette présidence de l’USAM change un peu la donne. Pour le reste, ça dépendra de mon parti, de sa forme au moment des élections et des candidats. TG
 

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