Une seule dépense et tout peut basculer

| sam, 19. mai. 2012
L’association Caritas fait face à une croissance des demandes d’aide. Une certaine précarisation du marché du travail serait en cause.


PAR DOMINIQUE MEYLAN



«En tout cas, la pauvreté ne diminue pas», répond Petra Del Curto, directrice de Caritas Fribourg, lorsqu’on lui demande un état de la situation. Selon le rapport annuel de l’association, le nombre de demandes d’aide en consultation sociale a considérablement augmenté: de 245 en 2009, il est passé à 276 en 2010 et même à 460 en 2011, ce qui représente une hausse de 66%.
«L’équilibre devient plus fragile, estime Petra Del Curto. Peut-être les gens arrivent-ils à des situations limites plus facilement.» Une part de cette augmentation est toutefois due à un facteur extérieur: l’ouverture du guichet social. Cette consultation anonyme, proposée depuis l’été dernier par l’Etat, réoriente les personnes en difficulté. Caritas est l’organisation la plus sollicitée.


Multiples difficultés
Souvent, il n’y a pas une, mais plusieurs raisons à une situation précaire. «Les problématiques s’imbriquent les unes dans les autres», explique Caroline Vannay, responsable de la consultation sociale chez Caritas Fribourg. Il peut s’agir d’aspects purement financiers, couplés à des maladies physiques, psychiques ou à des difficultés familiales.
Une certaine précarisation du marché du travail se ressent, selon les responsables de Caritas. Il y a de plus en plus d’emplois temporaires, ce qui implique une variation des revenus. Par exemple, pour les personnes payées à l’heure, deux jours fériés dans un mois ou des vacances d’été forcées suffisent à bouleverser un budget fragile.
«Les personnes ont de la difficulté à obtenir des contrats à durée indéterminée, raconte Caroline Vannay. Même pour les familles qui ont un travail à 100%, il est parfois difficile de joindre les deux bouts.» La durée de la formation s’allonge: des étudiants déjà parents ont de la peine à faire vivre leur famille.
Le cas est classique... Une paire de lunettes à payer ou des frais médicaux inattendus et le loyer ne peut plus être réglé. Ces personnes courent ensuite le risque de voir leur bail résilié. Si elles sont déjà aux poursuites, il leur devient presque impossible de trouver un nouveau logement.


Pas de nationalité
Le profil des personnes qui s’adressent à Caritas est varié. Les personnes sont aussi bien suisses qu’étrangères. Celles qui sollicitent le service de désendettement sont d’ailleurs majoritairement helvétiques. Il peut s’agir de familles nombreuses, de parents divorcés, mais aussi de personnes en formation ou en cours de réinsertion.
Caritas ne propose pas de solutions types. La première recette est l’écoute. S’adresser à une telle association n’est pas une démarche facile. Les personnes en difficulté arrivent souvent tard, après avoir tenté toutes les issues de secours possibles. La pauvreté est encore un tabou en Suisse. «Souvent, les personnes commencent par l’aspect financier, puis révèlent ce qu’il y a derrière», explique Petra Del Curto.
Après les premiers conseils, il y a la recherche de soutiens administratifs, la prise de contacts avec les éventuels créanciers ou les régies immobilières. Dans certains cas, Caritas peut solliciter des soutiens financiers auprès de fondations privées.
Avant la rupture, il existe aussi quelques aides simples pour alléger un budget. Au milieu de sa gamme de soutiens, Caritas propose une carte culture, également à Bulle. Ce sésame permet un accès facilité aux offres sportives, culturelles et aux formations.


Du nouveau personnel
Pour répondre à cette augmentation de la précarité, Caritas Fribourg cherche des financements. Le but est d’augmenter sa dotation en personnel d’ici à l’année prochaine. «Nous sommes surtout inquiets de ne pouvoir répondre à la demande», explique Petra Del Curto.
L’association avoue ne pouvoir offrir d’analyse exhaustive de la situation fribourgeoise. Ne serait-ce qu’en raison de toutes ces personnes qui ne s’adressent pas à ses services. Le canton est en train de rédiger un rapport sur cette question qui devrait amener des précisions sur les raisons et les causes de la pauvreté.

 

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La détresse des Portugais
La grave crise économique et sociale au Portugal se fait ressentir jusque dans le canton de Fribourg. «Les missions ont pu aider jusque-là le nombre important de personnes en difficulté qui arrivent dans le canton, explique Petra Del Curto, directrice de Caritas Fribourg. Mais, elles n’y arrivent plus.» Son association est donc sollicitée. Le même problème semble se dessiner pour la communauté espagnole.
Célia Lisboa Lopes, auxiliaire pastorale auprès de la Mission catholique de langue portugaise à Fribourg, a été invitée la semaine dernière à l’assemblée générale de Caritas pour apporter un éclairage sur la situation. Elle estime à plusieurs centaines le nombre d’arrivées dans le canton de Fribourg depuis l’automne dernier. La situation serait catastrophique: «Beaucoup dorment dans les gares, les trains, les voitures, sous des ponts. Ils sont démunis, n’ont aucun bien, pas d’argent, pas de travail.»
Les demandes d’aide à la Mission auraient augmenté de 80% en l’espace de quelques mois. Les immigrés, qui n’ont souvent plus de travail ni de logement au Portugal, pensent trouver une situation meilleure en Suisse. Toutefois, ils ne préparent que sommairement leur voyage. Ils arrivent sans contrat, sans permis de séjour et sans contact dans le canton. Souvent, ils n’ont jamais entendu parler des assurances obligatoires en Suisse, raconte Célia Lisboa Lopes. Même qualifiés, ils peinent à trouver un emploi et se retrouvent rapidement dans une situation très précaire, en y entraînant parfois leurs enfants. DM

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