A Bellechasse, cet étonnant lieu de vie et de travail

| mar, 14. aoû. 2012
Photo Mélanie Rouiller
Son nom parle à tous les Fribourgeois, mais Bellechasse fait partie de ces endroits que l’on espère ne jamais connaître de l’intérieur… Visite d’un lieu surprenant, plein de vie et d’idées reçues. Premier volet d'une série de trois.


PAR ERIC BULLIARD


Hauts grillages surmontés de barbelés, caméras: Etablissements de Bellechasse, à quelques pas du lac de Morat. Le nom sonne comme une menace, mais l’accueil est souriant à la centrale. Là où, sur une vingtaine d’écrans, arrivent les images vidéo, où sont contrôlées toutes les allées et venues. La centrale, quoi.
Poignée de main ferme, Fredi Benninger sera notre guide pour ces quelques jours. Gardien-chef, vingt-huit ans de maison, «il connaît Bellechasse comme sa poche», assure Franz Walter, nouveau directeur. Un café pour faire connaissance, avant de plonger dans ce labyrinthe de couloirs et de portes.
Quelque 200 détenus vivent ici, répartis entre le bâtiment cellulaire (100 places), le pavillon (40), les EAP (40, pour les Exécutions Anticipées de Peines) et La Sapinière (20), plus à l’écart. Au bâtiment cellulaire, peu de monde dans les couloirs, ce matin, à part les préposés au nettoyage: tout le monde est au travail, obligatoire. Bellechasse comprend en effet des ateliers de menuiserie, de peinture, d’électricité, de serrurerie, un garage… Sans oublier la partie agricole. Tout travail méritant salaire, il atteint ici 25 francs par jour. Des retenues sont prévues, si le lit n’est pas fait, par exemple.


Une prison ouverte
«Quand un détenu arrive, il passe un ou deux mois en cellule à trois, explique Fredi Benninger. Avant de rejoindre une individuelle.» Un lit, une table, une chaise, un lavabo, des toilettes. Fenêtre avec barreaux et télévision pour ceux qui veulent la louer. C’est là que le prisonnier est enfermé dès 20 h. Réveillé à 6 h 30, il part au travail à 7 h 35, revient pour dîner (pris dans les corridors ou en cellule), reprend le travail jusqu’à 17 h. Repas du soir à 18 h.
«Bellechasse est une prison ouverte, avec une section fermée», précise Fredi Benninger. Pour la partie fermée, avec atelier sécurisé, une promenade d’une heure par jour est permise dans la cour. Avec deux pistes de pétanque à disposition. «Mais sans pastis», précise un gardien en rigolant.
A l’infirmerie, à l’étage, cinq professionnels (3,8 équivalents plein temps) distribuent les médicaments, assurent les premiers soins, pour les détenus comme pour le personnel. «Je me suis planté un clou dans le doigt, c’est rien», lâche ainsi un employé, la main en sang, interrompant la conversation avec Carina Gafner, infirmière.


Un cadre clair
 «Pour les détenus en traitement, nous faisons trois distributions de médicaments par jour, reprend la jeune femme une fois le doigt pansé. La nuit et à La Sapinière, les gardiens s’en chargent.» Somnifères («surtout au début»), méthadone («moins que ce que l’on peut imaginer»), antidouleurs: tous les médicaments sont pris sur place, écrasés ou dilués. Le service médical (où sont aussi effectués les tests d’urine) comprend en outre un psychiatre, ainsi que deux psychologues, un médecin, un physio et un dentiste, présents un jour par semaine.
Question de profane: n’est-ce pas difficile de travailler dans ce milieu quand on est une jeune fille blonde? «Je n’ai jamais eu de problème à m’imposer, coupe Carina Gafner. J’aime le lien avec les détenus et j’ai toujours posé un cadre clair. Ce qui est pénible, c’est les négociations avec ceux qui ne veulent pas aller travailler…»
Retour dans le dédale de couloirs. Fredi Benninger présente le service de la formation, la bibliothèque, puis la salle des visites ordinaires (une heure par semaine), qui accueille aussi concerts et spectacles, organisés par le service social, une fois par trimestre.


Scies et tournevis en main
Dans les ateliers, nous saluons les détenus au travail: ils réalisent des bougies finlandaises, ajustent des vis, démontent de vieux téléviseurs pour des entreprises extérieures. Avec en main des scies et des tournevis qui étonnent le visiteur, malgré les passages obligatoires par un détecteur de métaux. «L’agressivité reste assez rare, explique Fredi Benninger. Elle survient le plus souvent entre eux. Par exemple, quand quelqu’un a pris un coup au match de foot de la veille…»
Au bout d’un long couloir souterrain, nous voici aux EAP, inaugurés en 2010. La partie de haute sécurité, où vivent les détenus pas encore jugés. Ici, on ferme les cellules à 18 h 30 et le travail a lieu à mi-temps. Un fitness et une salle de gym (deux fois par semaine) permettent de se défouler. Au sous-sol, huit cellules fortes. Le cachot, le mitard. Lit en béton, toilettes à la turque. Aucune distraction. Frissons. C’est ici que se retrouve un prisonnier sanctionné, par exemple, pour un refus de travailler. Avec une heure par jour de promenade, dans une cour minuscule.


Dans l’histoire
Au pavillon, à quelques dizaines de mètres, de l’autre côté de l’église, les conditions sont moins strictes. Il abrite la cuisine, la boulangerie, quatre étages de cellules. Jusqu’en 1971, c’était ici le pavillon des femmes. Plus loin encore, l’ancienne colonie pénitentiaire, le premier bâtiment du site, construit en 1898, regroupe différents ateliers.
Visiter Bellechasse, c’est ainsi également plonger dans plus d’un siècle de son histoire. Découvrir qu’il existait un pavillon pour mineurs, Les Vernes, aujourd’hui habité par des employés, et un autre pour les alcooliques, La Sapinière. Un petit monde à elle seule, que nous n’allons pas tarder à découvrir.

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