«Je ne lâche jamais le regard en premier»

| sam, 27. oct. 2012
Michel Lachat, président de la Chambre pénale des mineurs livre son parcours dans un ouvrage. Chaque chapitre est illustré à l’aide de cas particuliers. Selon lui, le modèle de justice suisse fonctionne bien.

PAR LARA GROSS


«Le juge doit être indépendant et impartial. Le suis-je toujours? Je le pense et j’aimerais qu’on retienne de moi ces deux qualités. C’est la vérité qui m’intéresse, que je doive arrêter la fille du roi ou le fils du clochard. Je suis ainsi fait.»
Le président de la Chambre pénale des mineurs, Michel Lachat a accepté de jouer le jeu des confidences dans un ouvrage présenté hier à la presse et publié aux Editions La Sarine.
Michel Lachat, le juge et les mineurs décrit, sous la plume de Micheline Repond, le regard acéré et expert de celui qui voit défiler des jeunes délinquants dans son bureau et sa salle d’audience depuis 1984. Si l’ouvrage est rédigé à la première personne pour plonger les lecteurs dans le quotidien et les réflexions du magistrat, il est le fruit de deux ans d’entretiens avec l’auteure.
On y découvre plusieurs thématiques telles que «la délinquance et le multiculturalisme», «la violence et les addictions», «les délits en bande» ou encore «les situations sans issue». Si chacun de ces chapitres est illustré à l’aide de cas particuliers vécus et traités par le Glânois, il lui permet aussi de poser un cadre plus statistique. Les premières pages du livre sont consacrées à la description des systèmes judiciaires pour les mineurs en Europe et en Suisse.


Le pouvoir de la médiation
Chiffres à l’appui, Michel Lachat rappelle combien il est convaincu par le modèle suisse qui privilégie l’encadrement et la réinsertion. «Le modèle de justice réparatrice a des visées éducatives. On observe des taux de récidive nettement supérieurs dans les pays qui pratiquent le modèle de justice punitive, 80% contre 35 à 45% dans les pays qui pratiquent une justice réparatrice.»
Cette justice fonctionne notamment grâce au service de médiation mis en place par Michel Lachat et son équipe. Le canton a d’ailleurs fait office de pionnier en la matière. «Recourir à la médiation en tant que juge des mineurs est d’abord un état d’esprit. Je n’ai pas le sentiment de perdre mon pouvoir en transférant un dossier au service de la médiation.»
Et du temps pour le dialogue, le juge n’hésite jamais à en prendre. Il suit les jeunes tout au long de la procédure, de l’instruction à la réinsertion. S’il admet être un juge sévère, il considère d’abord l’individu et le contexte avant les actes commis. «Je privilégie toujours le dialogue, les yeux dans les yeux. Je ne lâche jamais le regard en premier.»


Aussi fataliste qu’idéaliste
Michel Lachat apprécie également la transparence. Elle qui permet au public d’accéder et de comprendre cette sphère parfois opaque de la justice. Il l’a déjà prouvé en acceptant d’être suivi, six mois durant, pour la réalisation de deux épisodes de Temps présent. S’il aime diriger la communication sur ses affaires, il n’hésite pas à épingler les médias dans cet ouvrage.
«Aujourd’hui, j’ai l’impression que le thème de la violence est vendeur, de sorte qu’on en parle plus souvent. C’est vrai, on a observé une flambée de violence entre les années 1990 et 2006. Mais, depuis 2006, on constate une accalmie. C’est important de le relever.»
Des faits, des affaires médiatisées ou non, des statistiques, Michel Lachat en retrace beaucoup. Sa personnalité, sa sensibilité ou encore sa perception n’apparaissent qu’en filigrane. Quelques phrases disséminées par-ci par-là qui permettent de mieux cerner l’homme, qui se dévoile peu.
«Je suis fataliste face aux résultats négatifs et aux échecs programmés: malgré les nombreuses mesures entreprises et la folle énergie dépensée, l’envie me gagne parfois de tout “bâcher”, de tout abandonner. Je suis réaliste grâce à mon expérience qui m’évite de tomber dans un angélisme naïf: je ne peux pas sauver toute la planète. Enfin, je suis idéaliste par mon optimisme naturel: je crois aux ressources de la jeunesse à laquelle nous avons tous, adultes, appartenu, mais dont nous avons souvent oublié les écarts.»
 

Commentaires

Je crois que c'est un bon juge, droit et honnête, avec les jeunes leur expliquant bien leur situation. Avec lui. la justice va avancer sur le bon chemin et il a une pointe d'humour.
Je me demande ce qu'il serait advenu s'il s'était occupé de la juridiction d'une grande ville (Genève par exemple) plutôt que de la campagne fribourgeoise... Je reste néanmoins persuadé que si la Suisse romande avait eu plus de juges des mineurs comme lui, elle se porterait aujourd'hui beaucoup mieux ! Merci à lui !!

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