Une des dernières survivantes d’Auschwitz témoigne

| sam, 10. nov. 2012
Magda Hollander-Lafon
Magda Hollander-Lafon est en visite au monastère du Carmel ce samedi, au Pâquier. Elle livre au public son témoignage de survivante d’Auschwitz. Son cheminement intérieur fait également l’objet d’un ouvrage paru cette année.

Par François Pharisa

Au printemps-été 1944, des centaines de milliers de Juifs hongrois sont arrêtés et déportés vers les camps de concentration et d’extermination nazis. Magda Hollander-Lafon n’a que seize ans quand elle est acheminée à Auschwitz-Birkenau, ce lieu devenu symbole du système concentrationnaire nazi. Ce samedi soir au Pâquier, au monastère du Carmel, elle propose son témoignage au public.


A son arrivée au camp, ses bourreaux la séparent de sa mère et de sa sœur. Jeune et en bonne santé, elle est assignée au travail forcé. Pendant des mois, au bord de l’inanition, elle casse des cailloux, cloue des voiesferrées, évacue les cendres des fours crématoires… Elle vit l’inhumain, l’innommable.


Recueillie à la fin de la guerre par un orphelinat en Belgique, elle entame l’éprouvant mais nécessaire cheminement intérieur, qui l’a menée à la guérison. Alors seulement, elle a été en mesure d’être l’interprète de la voix des exterminés pour ne pas oublier, pour vivre, simplement. Aujourd’hui âgée de huitante-cinq ans et grand-mère de onze petits-enfants, elle témoigne avec retenue et dignité.


Comment recommencer à vivre après Auschwitz?

A la sortie des camps, j’éprouvais un sentiment de honte et de culpabilité. Je me reprochais d’être encore vivante, au milieu de tous ces êtres merveilleux disparus à jamais. Une question me hantait: pourquoi moi, une petite fille ordinaire, avais-je survécu? En fait, je continuais à mourir lentement, rongée par les remords. Le jour où j’ai compris que je donnais aux nazis un pouvoir sur moi en me culpabilisant de la sorte, tout a changé. Je n’étais plus une victime de la Shoah, mais étais devenue un témoin réconcilié.
J’ai pu alors commencer à guérir. Des petites réalités, des petits faits m’ont permis de retrouver le goût de la vie: un sourire, un regard, un geste ont le pouvoir de tout bouleverser. Un jour, peu après ma libération, j’ai croisé une dame, qui m’a lancé un sourire inoubliable. Cet instant comme d’autres plus tard m’ont sauvé la vie.


Pour se souvenir, vous avez dû apprendre à vous réapproprier votre mémoire…


Exactement, j’étais dans l’hiver. J’ai donc dû opérer un «dégel» de ma mémoire. Peu à peu, les souvenirs ont refait surface. J’ai accepté de m’y replonger. Ce travail sur moi-même a duré trente longues années. J’ai témoigné pour la première fois en 1977 dans mon livre Chemin du temps. Puis, il m’a fallu plus de trois décennies supplémentaires pour publier mon second écrit testimonial Quatre petits bouts de pain: Des ténèbres à la joie (2012). Encore aujourd’hui, il m’est difficile de mettre des mots sur les horreurs que j’ai vécues.
Comment justement communiquer l’incommunicable?
Il faut trouver des mots qui peuvent être entendus. Il faut prendre garde à la manière dont vous transmettez l’innommable et l’inaudible. Si vous le faites trop brutalement, vous conge-
lez tout le monde. Vous restez stupéfaits devant la cruauté
que l’homme peut imposer à l’homme. Je m’efforce de trouver les mots justes pour responsabiliser et pour rendre conscients les gens de ce qui s’est passé. Dans les années d’après-guerre, si je n’étais pas prête à exprimer ces choses-là, les gens n’étaient pas davantage disposés à les entendre. Personne ne voulait nous croire de toute façon.


A travers vos livres et vos rencontres avec les jeunes notamment, que souhaitez-vous faire passer comme message?

Mon témoignage est le fruit de mes traversées, auxquelles j’ai essayé de donner sens de vie. Il n’est pas focalisé sur la mort, mais se veut être un hymne à la vie et à la joie. En tant que survivante, je me devais de transformer cette mémoire de mort en appel à la vie. Je crois profondément en la force intérieure qui se cache en chacun de nous et dont nous ne soupçonnons pas l’existence. Tout est possible, même l’impossible. Si j’ai pu traverser cette épreuve, chacun peut surmonter ses difficultés. En livrant mon expérience, j’aimerais redonner goût à la vie à ceux qui me lisent ou qui m’écoutent. n

 

Le Pâquier, monastère du Carmel, rencontre avec Magda Hollander-Lafon, ce samedi à 19 h 30. Renseignements sur www.carmel-lepaquier.com

Quatre petits bouts de pain: Des ténèbres à la joie, aux Editions Albin Michel
 

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