«Un pape qu'on aimerait avoir comme grand-père»

| sam, 16. mar. 2013
Le nouveau pape, vu par Frédéric Michaud
Les catholiques d’ici et d’ailleurs apprennent à connaître le nouveau chef de l’Eglise. On voit François comme un pape «normal», qui dit «bonsoir», et «bonne nuit». Personne ne se fait cependant d’illusions: l’Argentin est un conservateur.

Jérôme Gachet


Après le président «normal», François Hollande, voici le pape «normal». Mercredi soir, en s’adressant à la foule depuis le balcon de la loge des bénédictions de la basilique Saint-Pierre, le pape François a commencé son intervention en disant «bonsoir» et l’a terminée en souhaitant «bonne nuit et bon repos». Comme s’il avait croisé un pote ou une connaissance.

Un coup de génie aux effets planétaires. «Il a donné l’impression d’être sympathique, un pape qu’on aimerait bien avoir comme grand-papa», se réjouit Jean-Bernard Repond, président de la paroisse de Bulle.

La manière de vivre de Jorge Mario Bergoglio conforte ce sentiment de simplicité: il se rendait au travail à vélo ou en métro, vivait auprès des plus démunis de Buenos Aires et bataillait ferme contre la politique ultralibérale du couple présidentiel Kirchner. Un profil d’homme de terrain qui tranche avec celui de Benoît XVI, intellectuel de haut vol.

Impliquée dans la vie de l’Unité pastorale de Notre-Dame de Compassion, Céline Ruffieux constate que le souverain pontife faisait le même effet aux plus jeunes. «Je donne des cours de catéchisme à des enfants de
9-10 ans qui vont faire leur première communion. Ce sont eux qui sont venus sur le sujet du pape. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il était un chrétien parmi les chrétiens et que chacun a son boulot et chacun doit être reconnu comme tel: lui pour guider l’Eglise, eux pour préparer leur première communion.»

«Combinaison intéressante»
Comme tout le monde ou presque, l’abbé Petru Popa, curé modérateur de Châtel-St-Denis, apprend à découvrir le nouveau chef de l’Eglise à travers les médias. «Son élection est une surprise, mais une surprise agréable pour beaucoup de monde, avance l’ecclésiastique roumain. C’est un Jésuite à la spiritualité franciscaine. J’aime cette combinaison d’un ordre réputé pour sa dimension intellectuelle et d’un autre pour sa simplicité, sa piété et son rapport à la nature.»

Aux yeux des fidèles comme des instances dirigeantes, le pape a réussi son oral. «Un ami réformé m’a même dit qu’il pourrait lui aussi s’identifier à cette personnalité», lance Jean-Bernard Repond. «J’ai ressenti un soulagement auprès de nombreux paroissiens, qui craignaient l’élection d’autres cardinaux», ajoute la Bulloise Céline Ruffieux.

Dossiers toujours fermés
Au sujet de son règne, les attentes restent cependant modestes sur un certain nombre de points sensibles. Personne ne voit en lui un «progressiste». Il est, comme les 114 autres cardinaux-électeurs d’ailleurs, un conservateur. Mariage des prêtres et ordination des femmes semblent des dossiers fermés pour quelques lustres encore.

«Il s’agit de questions plus sociales que dogmatiques. Si, en Europe, la plupart des catholiques souhaitent une telle évolution, ce n’est pas le cas sur d’autres continents», expose Jean-Bernard Repond. Qui ne s’attend pas à une révolution: «Les fondamentaux de l’Eglise ne vont pas changer de sitôt. En revanche, on peut espérer que le nouveau pape donne une plus grande marge de manœuvre à la base. Par sa manière d’être, par sa simplicité, il peut aussi réveiller la foi de certaines personnes qui se trouvent dans la “zone grise”, ni croyantes ni non croyantes.»

Parmi les points négatifs, l’âge avancé de l’élu – il va sur ses 77 ans – revient le plus souvent. Pas un mot en revanche sur son passé et ses liens avec la dictature argentine.

Après l’effervescence, le quotidien va reprendre le dessus. Un quotidien qui sera à l’image de ce nouveau pape: normal.

 

Malgré son pouvoir, il ne pourra pas tout changer
Ancien diplomate du Vatican (1975-1983), Paul Grossrieder connaît l’Eglise catholique de l’intérieur. Lorsqu’on lui demande quel est le pouvoir du pape, le Charmeysan répond par un exemple: «Je me souviens d’une séance avec Jean Paul II et mon chef de l’époque sur un document que j’avais préparé. Quand j’ai voulu donner mon point de vue à la suite d’une remarque du pape, mon chef m’a donné un coup sur le genou: on ne conteste pas ce que dit le Saint-Père. Il a le pouvoir absolu. Ça, ça n’a pas changé.»

Dans les faits, le souverain pontife ne peut pas tout changer pour autant. «On entend souvent dire qu’il doit réformer la Curie romaine, à savoir l’administration du Vatican. C’est comme si on décidait de supprimer le Conseil national au Palais fédéral! Pour réformer la Curie, il faut d’abord réformer le code du droit canon. Une démarche qui prend du temps. Le code actuel date de 1983 et le précédent de… 1915.»

Paul Grossrieder attend de voir à l’œuvre le nouvel élu. «Il peut en revanche rapidement changer les personnes à la Curie et apporter sa touche personnelle. Je suis curieux de savoir qui il va choisir comme secrétaire d’Etat.»

La question est de savoir si le nouveau pape prendra le taureau par les cornes, à la différence de Benoît XVI, peu à l’aise dans le rôle du manager. Sa distance avec le Vatican donne au Sud-Américain un atout certain.  «Le pape François me semble avoir un sens prononcé de la gouvernance. Il était d’ailleurs responsable des Jésuites argentins et archevêque de Buenos Aires. Un esprit brillant et rapide, malgré son âge», poursuit Paul Grossrieder.

François pourrait par exemple instaurer un retour à des valeurs plus évangéliques et charitables dans une Curie qui a parfois montré trop d’intérêt pour le pouvoir et l’apparat. Paul Grossrieder, ancien Dominicain, estime également que le nouveau pape pourrait aussi redonner du pouvoir aux évêques, ce qui aurait des conséquences concrètes pour les fidèles.

Le Gruérien, ancien directeur du CICR, s’attend enfin à ce que le pape prenne des prises de position publiques sur des questions comme l’ultralibéralisme économique: «S’il le fait, les médias vont se concentrer là-dessus et moins sur des dossiers comme le mariage des prêtres ou l’ordination des femmes.»

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