PAR THIBAUD GUISAN


L’énergie verte est dans le vent. Mais à quand la première éolienne installée dans le canton? Alors qu’il existe 33 machines en Suisse, la question mérite d’être posée, tant les blocages sont importants. C’est bien simple: aucun projet n’a abouti à ce jour. A tel point que les promoteurs n’osent presque plus parler de calendrier en évoquant leur projet.
Dans le Sud fribourgeois, les projets se multiplient depuis des années. On assiste même à une nouvelle ruée vers l’or éolien, avec une ébauche de parc au Gibloux par l’entreprise Ennova et des études de la part de Greenwatt, la société fille de Groupe E. Même le projet de la société SwissWinds à Semsales, en route depuis 2007, n’est pas enterré.
Directeur de Greenwatt, Jean-Michel Bonvin se risque à un pronostic sur l’arrivée de la première éolienne. «Dans cinq ans, ce serait miraculeux. Dans dix ans, ça paraît possible et dans quinze ans si les choses traînent.»
A ce jour, le projet le plus avancé est justement porté par Greenwatt. Prévu sur la crête du Schwyberg, au-dessus du Lac-Noir, il est le seul à avoir fait l’objet d’une décision formelle (et positive) du canton. Il est toutefois bloqué par un recours.
Pas découragé, Greenwatt continue à prospecter. La compagnie axe sa stratégie sur les crêtes boisées. «Nous étudions toute la zone qui s’étend du Mont-Pèlerin au district du Lac, note Jean-Michel Bonvin. Mais le sud du canton a une longueur d’avance. Des mesures de vent sont en cours depuis plusieurs mois grâce à des anémomètres posés sur des pylônes électriques de Groupe E.» L’idée de Greenwatt est de construire en forêt, «ce qui permettrait de rester éloigné des habitations.»
Le Gibloux, convoité aussi par son concurrent Ennova est un objectif. Dans ce but, Greenwatt effectue des mesures de vent sur la tour du Gibloux (La Gruyère de jeudi). «Un groupe de travail est mis sur pied dans cette région, note Jean-Michel Bonvin. Il réunit Greenwatt, les communes et l’Etat. La première réunion aura lieu en mai.

Sept communes s’associent
Le directeur de Greenwatt précise que les communes de Sorens, Pont-en-Ogoz, Marsens, Riaz, Villorsonnens, Vuisternens-en-Ogoz et le Glèbe ont accepté de s’associer à la réflexion. Manquent logiquement à la liste Le Châtelard et Grangettes, qui ont choisi de collaborer avec Ennova.
Des groupes de travail ont aussi été constitués pour la Glâne du sud (région de Siviriez), la Glâne du nord (région de Romont, La Folliaz, Châtonnaye). Mais Greenwatt s’intéresse également à la Veveyse. Outre un projet aux Paccots, elle s’intéresse au Mont-Vuarat, près d’Attalens. «Certains projets vont s’arrêter après six mois ou une année. D’autres, vont, je l’espère se réaliser.»

Une autonomie de 30%
Greenwatt n’a pas d’objectif chiffré. «Une chose est sûre, le canton de Fribourg ne produit que 30% de l’énergie  qu’il consomme. Or, il faudra augmenter cette proportion. L’avenir de l’électricité passera par une production décentralisée. Après, ce sera à chaque région d’utiliser ses atouts et ses ressources.»
Et le directeur d’ajouter sur le ton de la provocation: «Le jour où il y aura des coupures de courant, liées à un manque d’électricité, on nous embêtera moins pour installer des éoliennes.»
Car, avec les oppositions et la complexité de la procédure, il faut avoir le feu sacré. «Sur trois projets qu’on développe, on pense qu’un seul verra le jour», prédisent les chargés de projet d’Ennova.

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Des recettes bienvenues
Autre lieu, autre ambiance. Jeudi, une septantaine d’habitants du Châtelard et de Grangettes ont religieusement suivi la séance d’information du projet de parc éolien prévu sur les deux communes. Rien à voir avec l’assemblée communale chahutée du 26 février à Sâles qui a refusé l’étude de faisabilité.
Au Châtelard, aucun vote n’était prévu. Les personnes présentes ont cependant montré beaucoup d’intérêt aux explications étayées des responsables d’Ennova SA, une  société basée au Landeron (NE), qui envisage de développer ce parc éolien.
Avec le retrait de Sâles, le projet a été redimensionné. De douze éoliennes au maximum, on est ainsi passé à quatre unités au minimum et sept au plus. Chef de projet chez Ennova, Guillaume Favre de Thierrens a dressé la liste des innombrables paramètres à gérer et a proposé des simulations visuelles et sonores à un auditoire qui n’a, semble-t-il, pas été effrayé.
Pour l’heure, rien n’est défini, à commencer par les emplacements. On sait juste que les éoliennes auront une hauteur de 140 à 180 m, qu’elles tourneront à une vitesse maximale de 25 tours/min, et qu’elles seront distantes de 400 m environ. Et comme le veut la loi, les premières habitations devront être suffisamment éloignées pour que le son ne dépasse pas les 45 décibels.
Environ 50000 fr. par an par éolienne
Syndic du Châtelard, David Fattebert a mis en avant la dimension écologique du projet, mais a également abordé la question des finances. Celles de sa commune sont précaires et la manne qui pourrait tomber des éoliennes serait la bienvenue. La commune toucherait en effet 5% – 2,5% comme commune siège, 2,5% comme propriétaire des terrains – du chiffre d’affaires. Une éolienne pouvant générer un million de francs par an, la commune peut espérer une somme de 50000 francs. Multipliée par le nombre de machines, l’affaire est intéressante.
Prochaine étape: la pose d’un mât de mesure. Au terme de deux ans d’analyse du vent, Ennova saura si l’affaire est jouable. Quant à la commune, elle aura plusieurs occasions pour se prononcer. On est encore loin de la construction. Une première inconnue sera levée le 23 mai: les habitants du Châtelard devront accepter ou non le droit de servitude des terrains communaux qui pourraient accueillir les éoliennes. JG