«Je pensais qu’elles feraient beaucoup plus de bruit!»

| mar, 30. avr. 2013
Le Châtelard et Grangettes mènent actuellement un projet de parc éolien. Pour se faire leur propre idée, autorités et citoyens ont visité le parc du Mont-Crosin. Les machines géantes ont surpris les visiteurs. Reportage.

PAR YANN GUERCHANIK

Samedi matin, un peu avant 9 h, les bus ronronnent. Tout le monde est là ou presque. Une cinquantaine d’inscrits pour le Châtelard, une vingtaine du côté de Grangettes... et pas moins d’une quarantaine de Sâlois. «T’as vu? Ceux de Sâles, ils sont quand même venus!» murmure-t-on dans les rangées de sièges.
Dans le car du Châtelard, Eddy le chauffeur demande à tout le monde d’attacher sa ceinture. Direction le Jura bernois et le parc éolien du Mont-Crosin. On ne pense pas encore aux machines géantes, on parle d’abord des absents. Ceux qui sont restés pour préparer la première communion de dimanche laissent de tendres sourires sur les visages. Mais les mâchoires se resserrent quand on évoque ceux qui ne sont pas venus parce qu’ils passent les tests.
La tuberculose plane et certains doivent présenter leurs vaches aujourd’hui. Les regards se font sombres. Les agriculteurs tiennent Le Châtelard à bout de bras. Avant de penser aux pales qui tournent dans les airs, ils s’inquiètent pour les bêtes qui foulent leurs terres. L’ambiance ne tarde pourtant pas à s’éclaircir et à virer bon enfant. Entre Betty qui n’a pas son pareil pour repérer les chevreuils à travers la fenêtre et le verre de vin blanc qu’on tend à François et Johnny.


Approcher ces épouvantails
Presque tous ceux qui font le déplacement sont acquis au projet. Ils l’ont suivi depuis le début, depuis que la commune du Châtelard a lancé l’idée d’installer un parc éolien sur la chaîne du Gibloux en collaboration avec Ennova SA, une société spécialisée basée au Landeron (NE). Ils n’en ont pas moins quelques doutes, mais ils demandent à voir.
«Cette visite va nous permettre de nous rendre compte de quoi il s’agit concrètement», commente François Uldry, vice-syndic du Châtelard. Parmi les visiteurs du jour, le préfet Willy Schorderet. Pour lui, il en va de cette excursion comme de l’étude de faisabilité (lire ci-contre): «Ce sont des réponses dont il est dommage de se priver.»
Si les Sâlois sont venus en nombre pour trouver ces réponses, ils ne pourront pas s’en servir. En février dernier, une assemblée extraordinaire avait débouché sur une rupture: Sâles refusait à bulletins secrets tout projet de parc éolien sur la commune et se retrouvait ainsi écarté d’une étude de faisabilité pourtant peu compromettante.
«C’est bien dommage que quelques-uns ne soient pas venus pour se faire une idée en vrai», déplore Jean-Marc Piguet. Aujourd’hui, le syndic sâlois regrette une seule erreur: «Le mât de mesure a été trop vite mis à l’enquête sur les hauteurs de Romanens.» En octobre dernier, la démarche avait soulevé là-bas un noyau dur de résistants. Très bien organisés, ils ont fini par avoir gain de cause. De son côté, le syndic du Châtelard David Fattebert se félicite que les citoyens de sa commune aient pu s’approprier le projet et se laisser du temps pour le faire mûrir.
Deux heures de route plus tard, les bus arrivent au Mont-Crosin. Il est temps de faire face aux éoliennes, ces épouvantails géants qui fascinent autant qu’ils inquiètent. La descente du bus est rude. Les visiteurs sont accueillis par la neige et le froid. Pour protéger les têtes, les responsables de chez Ennova ont tôt fait de distribuer des casquettes estampillées. Au programme de cette excursion tous frais payés par la société spécialisée: balade au pied des éoliennes, exposés didactiques et repas chaud.


Un bruit qui ne court pas
La masse de visiteurs s’enfonce dans un brouillard à couper au couteau. On lance des regards au-dessus des parapluies sans rien voir. Soudain, elle est là, juste sur les têtes. Personne n’avait entendu cette gigantesque cigogne de 140 mètres. On perçoit presque l’amusement chez Guillaume Favre, de Thierrens, le chef du projet chez Ennova. Tout le monde se regarde et chacun se dit la même chose: «Je pensais que ça ferait beaucoup plus de bruit.»
A mesure que le groupe avance entre les 16 éoliennes du parc, les impressions se font entendre. «Je croyais que ça prendrait plus de place au sol. C’est presque rien, tu mets tes vaches autour sans problème.» «Au niveau du paysage, ça va encore. C’est pas pire qu’une villa bleue à côté d’une villa verte.» «Je trouve ça quand même un peu haut.» Et puis, il y a ce retraité sâlois qui finit par se confier: «Moi je trouve ça beau, aérien, comme un grand oiseau.»
C’est lui qu’on retrouve à la fin de l’excursion, bien au chaud dans le bistrot: «Je ne crois pas qu’on arrivera à réduire notre consommation électrique. Alors, Il faudra bien trouver un moyen pour en produire, surtout s’il n’y a plus de centrales nucléaires.»
 

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Un mât de mesure au Châtelard
Le permis a été obtenu, un mât de mesure sera érigé sur la commune du Châtelard d’ici une dizaine de jours. La mise en place de cette installation haute de 90 mètres marquera le début des études qui pourraient durer durant deux ans. Celles-ci doivent permettre une implantation optimale des futures éoliennes. Il faut non seulement réunir les conditions pour une meilleure production d’énergie, mais également prévoir et réduire l’impact sur les activités humaines – agricoles notamment – ainsi que sur la faune, en ce qui concerne les oiseaux et les chauves-souris principalement.
Le projet prévoit trois à cinq éoliennes sur les communes du Châtelard et de Grangettes. Mesurant entre 140 et 180 mètres, une machine pourrait produire entre 4 et 5 GWh/an, autrement dit la consommation de 1200 ménages. Son niveau sonore devra de toute façon se situer en dessous du seuil limite de l’Ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB), soit 45 décibels.
A l’issue de la visite au parc éolien du Mont-Crosin, le syndic du Châtelard David Fattebert est réjoui: «Maintenant on pourra débattre sur du concret, non plus sur des plans ou des projections.» La prochaine étape aura lieu le 23 mai. Il s’agira de voter en assemblée le droit de servitude pour la société spécialisée Ennova SA. Idéalement, la convention de collaboration serait présentée en même temps.
Le projet représente un espoir financier pour Le Châtelard. La commune dépense beaucoup pour des routes qu’elle désespère de voir passer un jour à la charge du canton. Le 23 mai, l’assemblée fera également état de comptes difficiles qui devraient nécessiter une augmentation significative d’impôt. YG

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