Didier Grandjean, président des férus de la petite reine

| jeu, 11. avr. 2013
Gruérien d’Albeuve, Didier Grandjean préside Pro Vélo Fribourg depuis trois ans. Situation du deux-roues dans le sud du canton. Bulle montre l’exemple.

PAR JEAN GODEL


Président de Pro Vélo Fribourg depuis 2010, Didier Grandjean est venu sur le tard à la petite reine. A 20 ans, son CFC de menuisier en poche, il part dans la région de Lucerne apprendre la langue et vivre l’autre Suisse, plus «cyclophile»: «Je me suis acheté un vélo et durant les week-ends, je partais à la découverte de la Suisse centrale. C’était génial.» Mais c’est à Bienne qu’il découvre le potentiel du vélo au quotidien: «De façon très pragmatique, c’était le mode de transport idéal. J’ai vendu ma voiture.»
Le Gruérien d’Albeuve refuse pourtant l’étiquette de «fondamentaliste». Revenu habiter dans son village natal avec son épouse et ses quatre enfants, il a de nouveau une voiture. Mais travaillant à Givisiez comme éducateur social, il profite des occasions offertes par le RER: «J’utilise le vélo le plus souvent possible, y compris pour aller travailler, en trafic combiné avec le rail. Et un maximum pour les loisirs.»


Le vélo en trois modes
Pour se faire avec lui une idée de la situation du deux-roues dans le sud du canton, il faut séparer ses différentes utilisations. Il y a d’abord le vélo loisir, demandeur de jolis chemins. La région est bien servie, quadrillée par le réseau national de mobilité douce Suisse Mobile. Avec pourtant quelques points noirs, comme le court tronçon, très dangereux, sur la route cantonale entre Saussivue et Enney.
Il y a ensuite le vélo pendulaire, pour aller le plus vite possible de A à B, avec places de parc à destination. Enfin, le vélo au quotidien, pour faire ses courses, aller à l’école ou boire un café. Là, ça se gâte. Modifiée il y a peu, la Loi cantonale sur les routes est pourtant porteuse d’espoir, elle qui prévoit que lors de constructions, mais aussi de réfections et de corrections de routes cantonales, l’aménagement de pistes ou de bandes cyclables est obligatoire. Sauf si la nature des lieux rend cet aménagement techniquement trop difficile ou trop onéreux…
«Des progrès se font à tous les niveaux, apprécie pourtant Didier Grandjean. Tout cela se complète, avec de nombreux acteurs à l’œuvre dont le canton et les communes.» Le problème, c’est que cet enchevêtrement entraîne des discontinuités dans le réseau cyclable. «Parfois, on a encore tendance à peindre quelques traits sur la route, sans mener vraiment une réflexion plus globale.» Du coup, la révision de la Planification cantonale du réseau cyclable, annoncée de longue date, «peine à avancer», selon le doux euphémisme du Gruérien.


Bon point pour Bulle
Dans le Sud, Bulle décroche une bonne note. Son projet d’agglomération Mobul a apporté de nets progrès, notamment son concept de mobilité douce, en cours de réalisation. «Bulle montre l’exemple.» Didier Grandjean cite les poteaux «papillons» pour garer les vélos, les nombreuses zones 30 ou encore les pistes et bandes cyclables réalisées dans le cadre des mesures d’accompagnement de la H189. «Ça se concrétise plus vite qu’à Fribourg…»
Pourtant, il reste du pain sur la planche, comme la réalisation de nouvelles liaisons de mobilité douce. Celle entre la gare et la zone industrielle de Planchy, prévue le long des voies du train, pourrait toucher des milliers de pendulaires. «Il faudrait maintenant que les autres communes de Mobul se calquent sur le chef-lieu.» Didier Grandjean pense surtout aux liaisons intercommunales, à améliorer.
La révision en cours de plusieurs PAL est une bonne occasion de corriger le tir. En attendant, venir à Bulle à vélo est encore bien souvent périlleux. «J’ai beau être un cycliste averti: à certains endroits de la Gruyère, je me fais peur.»
A l’entendre, Châtel-Saint-Denis fait aussi de gros efforts pour le vélo. En revanche, Romont reste un point noir: aucun parking digne de ce nom à la gare, un réseau de mobilité douce embryonnaire et des aménagements mal adaptés au vélo.


Prise de conscience
Le lobbyiste note pourtant une prise de conscience politique en faveur de la mobilité douce. Mais qui s’effrite souvent lorsqu’il s’agit de voter des crédits… Surtout, il remarque une hypersensibilité à toute mesure perçue comme une atteinte à la liberté de se mouvoir. En voiture, s’entend.
«Mais limiter un peu la liberté de mouvement de la voiture augmente beaucoup celle des autres modes de transport.» Sans parler de la qualité de vie: «Quand on pense à la place que prend la voiture dans l’espace urbain… Il y a d’autres manières de procéder.» Utopiste, Didier Grandjean? Non! Lui se revendique pleinement pragmatique. «A Berthoud, ville modèle pour le vélo, ça marche! Le commerce se porte très bien au centre.»
 

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Un potentiel sous-exploité
Didier Grandjean en est convaincu: en matière de cyclotourisme, la Gruyère a un potentiel énorme, mais sous-exploité. «Je rêve d’une gare de Bulle où un guichet fournirait des informations sur les offres touristiques de la région. Le voyageur débarquant du RER y trouverait aussi une vélostation avec tous les services liés aux deux roues.»
Certes, des offres existent déjà, reconnaît le président de Pro Vélo Fribourg, mais elles sont partielles et mal indiquées. A l’entendre, l’exemple à suivre, c’est Suisse Mobile, le réseau national destiné à la mobilité douce: son site internet centralise de façon très claire toutes les informations nécessaires: «On peut tout simplement y organiser ses vacances. Les offices du tourisme régionaux pourraient s’y greffer.»


Fribourg sur la bonne voie
Pour ce qui est de la mobilité combinée, la situation s’est décantée à Fribourg, estime Didier Grandjean: «La nouvelle direction des TPF a été à ce titre un immense changement.» Il en veut pour preuve l’amélioration des infrastructures prévues dans certaines gares du futur RER Sud. Le RER lui-même, avec son horaire cadencé et la possibilité de charger des vélos, est un plus indéniable.
Et puis l’essai, l’été dernier sur la ligne Bulle-Moléson, du transport de vélos sur des râteliers fixés à l’arrière des bus a été concluant. «Il faudrait étendre ce système à toutes les lignes touristiques du canton.» Reste que les TPF doivent maintenant clarifier leur offre en matière de transport de vélos: où, quand, comment et à quel prix peut-on embarquer des vélos à bord? Des clarifications nécessaires, assure Didier Grandjean. Non seulement pour les clients, mais aussi pour les chauffeurs. JnG

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