La révélation Barcella, ou l’art du bateleur qui «kiffe la vibe»

sam, 11. mai. 2013
photo chloé lambert
Mercredi, les Francomanias de Bulle ont vécu un de ces concerts dont on rêve. Barcella a enchanté Espace Gruyère. La veille, Jacques Higelin a donné un concert aussi sérieux que généreux.

PAR ERIC BULLIARD ET CHRISTOPHE DUTOIT

Le genre de concert dont on rêve: un artiste que le public présent ne connaît quasiment pas et qui emporte la salle. On appelle ça une révélation et on en a eu une mercredi, avec Barcella. Quelques minutes lui ont suffi pour mettre Espace Gruyère dans sa poche.
Avec sa tchatche et cette manière de bouger, d’utiliser ses bras et tout son corps, de se mettre debout sur son tabouret, de demander la participation du public, Barcella est un showman. En version bateleur de rue qui «kiffe la vibe».
Mais le bonhomme n’est pas qu’un amuseur au débit impressionnant, un spécialiste des virelangues: son énergie communicative se double d’un vrai talent d’écriture, que ce soit dans la légèreté de Mixtape («juste pour le fun») et de Claire Fontaine ou dans l’émotion de Mademoiselle et de L’âge d’or.


Comme Bénabar en 2002
Avec seulement deux albums au compteur, Barcella s’est créé un univers bien à lui, qui mêle tradition (contrebasse, piano, guitare, batterie) et modernité («On est jeune, on est ouf, on fait du beatbox…»). Un tout beau moment, où l’on hurle Salope en rigolant, après avoir été ému par un couplet du Sud de Nino Ferrer. Tant pis pour ceux qui sont restés au bar: ils ont raté LE concert du début des Francos.
Coïncidence, ce succès a rappelé une autre révélation, celle de Bénabar, qui avait soulevé l’Hôtel de Ville, en 2002. Depuis, il a fait du chemin et le revoici tout bien coiffé. Il a gardé la gouaille et le sourire canaille, ses histoires du quotidien, sa formation aux cuivres omniprésents. Mais Bénabar n’a plus besoin d’aller chercher le public. Contenter ses fans lui suffit, qui reprennent La petite monnaie, Les épices du souk du Caire, la joyeuse virée de Paris by night.
Tout roule comme sur des rails et il peut même se permettre d’esquiver Y’a une fille qui habite chez moi (on lui pardonne), Vélo (on pardonne déjà moins) ou Je suis de celles (on ne pardonne plus du tout). Heureusement, il reste Majorette, pour rappeler que Bénabar est capable de signer de petits chefs-d’œuvre et qu’il vaut mieux que L’effet papillon.


Le succès des Neuchâtelois
En ouverture de soirée, on a eu mal au cœur pour le Genevois Zedrus et ses deux musiciens: 17 h 30, un jour de beau temps, c’est dur. Ses chansons désabusées, son humour vachard, sa plume incisive («la vie est un dessin abîmé») auraient mérité une autre affluence.
Devant une foule compacte et enthousiaste, Les Petits Chanteurs à la Gueule de Bois ont joué crânement leurs valses musettes un peu paillardes, leur rockabilly acoustique à l’humour décapant, leurs chansonnettes hyperfestives façon music-hall. En osmose avec le public – a cappella – les quatre Neuchâtelois ont livré une émanation très carrée de leur spectacle On va pas vers le beau. En prime, ils ont rendu un bel hommage à Thomas Fersen, avec leur reprise de La chauve-souris.
En fin de soirée, le jeune Mickaël Miro jouait pour la première fois en Suisse. Pas très à l’aise sur cette scène trop grande pour lui, il a pu mesurer le fossé qui le séparait de la cour des grands. Devant un parterre de fans qui chantent en chœur ses refrains, il n’a conquis que les convaincus avec ses chansons calibrées FM, avec ses guitares rock FM et sa reprise FM du Mendiant de l’amour, d’Enrico Macias.

 

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Cabossé et torrentiel, un vrai concert d’Arno
Avec le retour enflammé d’Arno à Bulle, les Francomanias ont vécu jeudi une soirée de rock fiévreux. Babx et Debout sur le zinc ont également trouvé leur public.

Depuis quand les Francomanias n’avaient-elles pas pris une baffe aussi massive? Arno, jeudi soir, a balancé un set énorme, surpuissant, radical. Pas de demi-mesure chez le Belge en furie. Ceux qui n’aiment pas dégagent. Les autres savourent. Un bon millier de spectateurs étaient réunis à Espace Gruyère, mais tous n’ont pas supporté cette lave torrentielle. Tant pis pour eux.
Après une longue intro qui place le décor, Arno déboule avec We want more, tirée de son dernier album, Future vintage. En plein dans ta face. La suite sera du même fût. Du rock cabossé, sale, bien épais et en même temps si inventif. En grande forme, Arno s’agite, braille, balance quelques phrases de son cru. «On est moches, mais on s’amuse.» Tout un état d’esprit dans ces quelques mots: ce soir, on s’en fout de tout, la musique est en fête et en sueur, on se prend des coups, des déluges de décibels et «putain, putain, c’est vachement bien!»
Au milieu de ce concert échevelé, à la fois déstructuré et parfaitement réglé (tout Arno dans ce paradoxe), deux moments de pure grâce. Lola, écrite pour sa grand-mère, et Les yeux de ma mère, la plus belle chanson du monde (qui oserait dire le contraire?). Histoire de rappeler que, derrière la puissance de l’ours mal dégrossi, il demeure un grand sensible. Qu’il a beau charrier de la caillasse, il n’en porte pas moins le nom d’un fleuve florentin.


Indomptable et furieux
Entre une reprise de Ferré (Comme à Ostende, désormais un classique de son répertoire) et des incontournables (Ratatata, Vive ma liberté, Je veux nager…) l’intensité ne baisse pas une seconde. Entouré d’un groupe extrêmement présent (guitare, basse, batterie et le fidèle Serge Feys aux synthés), Arno a confirmé qu’il demeure un artiste de scène hors pair. Et que sa production pléthorique n’empêche pas la cohérence d’un répertoire: Putain, putain et Bathroom singer, qui a conclu le concert avec un Arno déchaîné aux cymbales, ont par exemple plus de 25 ans et paraissent plus novateurs que la plupart de la soupe qu’on nous sert aujourd’hui. Bref, Arno reste un maître, indomptable et furieux.
Avant ce déferlement, Babx a réussi à se hisser parmi les excellentes surprises de cette édition. Alternant moments de tendresse (magnifique Helsinki) et pop-rock-électro qui vous martèle le plexus, le jeune Français a confirmé tout le bien que l’on pouvait penser à l’écoute de son récent album, Drones personnels.
Cheveux en bataille, regard perçant, Babx s’est révélé parfaitement à l’aise, intense. Il se balade entre les genres, avec une originalité et une personnalité bien affirmées, osant même une version électro hypnotique de La mort des amants, de Baudelaire («le premier punk»), un slow ironique (Je ne t’ai jamais aimée) et un groove presque effrayant pour conclure (8 h 04) cet étrange concert.


Le public dans la poche
En fin de soirée, Debout sur le zinc a pu méditer la phrase entendue au bar: «Le silence après Arno, ce sont encore des acouphènes.» Malgré leur ultradynamisme sur scène, les sept musiciens ont semblé bien pâlots après la débauche de furie du Belge. Cependant, avec quelques jolies perles à la clé (La vie à deux), une écriture plutôt fine et l’utilisation maligne d’instruments les plus variés, DSLZ a mis dans sa poche le public resté en nombre.
Tout comme les Bullois de Season Tree, qui ont ouvert la soirée avec leur pop racée et sans complexe, mâtinée d’électro élégante et d’une touche de cor des Alpes, sans doute une première aux Francomanias. Quant à Roman Veda (les trois quarts des Living Sons en version chanson française), son set ne manquait pas forcément de saveurs, juste de sel et de poivre.

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