Des visions s’affrontent autour de la maternité de l’HFR Riaz

| mar, 04. juin. 2013

Pour certains, le maintien est possible avec des adaptations. Une approche plus technologique prône la centralisation. Tout le monde s’accorde pourtant sur la perspicacité des choix de l’HFR.

par Jean Godel

Architecte hospitalier formé à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, master en santé publique de l’Université de Lausanne, le Valaisan François de Wolff a œuvré durant dix-huit ans à la construction et à la planification hospitalière au Service de la santé publique vaudoise. Il travaille aujourd’hui comme chef de projet pour les constructions hospitalières du canton de Saint-Gall. Il s’exprime ici à titre privé sur l’opportunité d’une maternité régionale à l’HFR Riaz, à l’image de ce que proposait récemment dans nos colonnes le Dr Philippe Bracher (La Gruyère de samedi).

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans la stratégie de l’HFR?
La fermeture très rapide de la maternité de Riaz. Je ne suis pas sûr que cela permette de faire tout de suite des économies aussi importantes qu’annoncées. En revanche, le coût psychologique est assez élevé.

Le recrutement difficile du personnel peut-il expliquer la fermeture de la maternité de Riaz?
C’est vrai qu’une petite maternité peut difficilement engager des médecins-assistants. Mais est-ce absolument nécessaire d’en avoir dans les petits hôpitaux? Avant, la plupart de ces établissements fonctionnaient avec des gynécologues obstétriciens qui assuraient les gardes et travaillaient main dans la main avec les sages-femmes.

Et, en cas de complication en cours d’accouchement…
Un risque important est la nécessité de procéder à une césarienne en urgence. Il faut, selon les standards suisses, un gynécologue, un anesthésiste et un spécialiste de la néonatalogie. C’est surtout ces exigences sécuritaires qui ont augmenté. Est-ce juste ou non? Je ne suis pas en mesure de vous le dire n’étant pas médecin. Mais, à Châtel-Saint-Denis, ils ont travaillé durant des années avec moins d’exigences… Pourtant, je ne crois pas que, depuis cette époque, le risque au sein de la population des parturientes ait évolué…

Peut-on maintenir la maternité de Riaz en fermant le bloc opératoire la nuit et le week-end, comme prévu?
Non, il faut pouvoir y accéder 24 heures sur 24. Mais on peut avoir un anesthésiste de piquet dans la région. Il faut chercher d’autres solutions, pas forcément celles hypersécuritaires des sites de soins aigus. Mais c’est vrai que les anesthésistes eux-mêmes ont aujourd’hui des exigences plus élevées en matière de sécurité…

Avec ces exigences à la hausse, une maternité du type de celle de Châtel-Saint-Denis à l’époque serait-elle encore possible?
Je pense que oui, mais dans un partenariat public-privé. Avec des infirmières et des sages-femmes indépendantes qui travailleraient dans une maison de naissance pour ainsi dire collée à un hôpital disposant d’un bloc opératoire. Mais ça demande un autre partage des tâches, c’est vrai.

Y a-t-il un nombre d’accouchements au-dessous duquel on ne peut pas aller pour garantir la sécurité?
On parle généralement de 500 accouchements par an. Mais, si un médecin a beaucoup pratiqué, dans toutes les situations possibles, il amène une connaissance bien plus grande qu’un médecin sorti de l’université. Il s’est fait la main et peut certainement garantir une bonne qualité.

 

Bien informer la population
Riaz deviendra un centre de compétences en chirurgie ambulatoire. Est-ce une vraie opportunité?
Oui. Il y a 40 ans, après une opération du ménisque, vous marchiez six mois avec des béquilles. Aujourd’hui, le soir même de l’opération vous sortez de l’hôpital et vous reposez le pied après une semaine de physiothérapie. Les progrès, grâce à la chirurgie laparoscopique, sont extraordinaires et ils vont se poursuivre. Mais les besoins en réadaptation sont plus grands.

Riaz deviendra aussi un site de médecine aiguë de proximité et de réadaptation. Est-ce une chance, là aussi?
Certainement. On a encore très peu d’hôpitaux de ce type en Suisse. Il y a notamment celui de Leuggern, en Argovie. Ses responsables ont dû se dire un jour que less is more ou que small is beautiful… En clair, ils se sont résolus à faire l’essentiel avec les moyens à disposition. Ils se sont recentrés sur les éléments de base à offrir à la patientèle. Je pense que c’est l’avenir: on aura entre trente et cinquante hôpitaux avec des plateaux médicotechniques lourds. En contrepartie,
il faut veiller à ce que les sites de soins de proximité comme Riaz soient bien répartis sur le territoire et bien équipés pour des tâches définies. Sans faire de cas lourds, Riaz pourrait être assez performant.

Les cas nécessitant un centre de soins aigus complet sont-ils moins nombreux?
Selon des chiffres fournis par H+ (les hôpitaux suisses) en 2007, si 250 personnes sur 1000 vont consulter, seules dix doivent être hospitalisées, dont une seule dans un hôpital très spécialisé ou de type universitaire. Par ailleurs, ces hospitalisations-là sont bien plus courtes qu’auparavant.

La proximité n’est-elle plus le critère essentiel?
Non. De ce point de vue, le choix de l’HFR est tout à fait réaliste à l’horizon 2020.

Joue-t-on les enfants gâtés à demander un hôpital de soins aigus à Riaz?
Non, c’est simplement la marque d’une mauvaise information de la population. Il est surtout primordial de disposer d’un service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) performant pour les urgences préhospitalières. Les ambulances d’aujourd’hui sont hautement technologiques, ce sont elles qui permettent de stabiliser les urgences vitales. Ensuite, vous avez une heure pour les amener à l’hôpital, que ce soit Riaz ou Fribourg, peu importe. C’est comme ça que l’on sauve des vies, en arrivant le plus vite possible sur place avec une ambulance ou un hélicoptère. Dès lors que l’on dispose d’un tel SMUR, on peut changer le maillage hospitalier ou redistribuer les tâches entre les sites.

La sécurité est-elle un motif suffisant pour rapatrier la réadaptation cardiovasculaire de Billens à Fribourg?
Il faut le demander à la clinique du Noirmont, dans le Jura… C’est une clinique de réadaptation cardiovasculaire plantée en pleine campagne. Pourquoi cela fonctionne là-bas et pas à Billens? Cela dit, il faut que les patients qui sortent du CHUV ou de l’Ile à Berne dans un état un peu critique soient dans un premier temps dirigés vers Fribourg, pas Billens.

 

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