Le CO2 au fil des saisons

| mar, 04. juin. 2013

L’Association CO2 présente sa dixième saison culturelle mercredi, en public. L’occasion de se plonger dans les souvenirs à travers quelques anecdotes de coulisses.

par Eric Bulliard

Double sentiment, à l’heure de lancer la dixième saison culturelle de l’Association CO2, à La Tour-de-Trême: d’un côté, l’impression que la salle a été inaugurée hier. De l’autre, qu’elle est là depuis toujours, tant elle a su se rendre indispensable. «Une salle de 750 places à Bulle, c’était un défi, reconnaît le programmateur Dominique Rime. Mais elle a trouvé sa place dans le paysage culturel romand.»

Cette dixième saison offre l’occasion de feuilleter le livre d’or, pour lever un coin de voile sur l’envers du décor, sur la vie des coulisses. Sur des centaines de rencontres, d’échanges et d’anecdotes. Inaugurée par La Compagnie des Barbares, le 9 septembre 2004, avec la création en français de La bête, de David Hirson, la salle CO2 a d’emblée programmé têtes d’affiche et découvertes, théâtre, chanson, danse et humour. Dans la lignée des saisons proposées à l’Hôtel de Ville, le confort en plus.

Pour Dominique Rime, un nom surgit de ces débuts à La Tour-de-Trême: «Pour la première saison, j’étais content de pouvoir programmer un comédien hyperimportant comme Jean-Louis Trintignant.» Avec Roger Dumas, il jouait – 2, de Samuel Benchetrit. Dans la salle se trouvait notamment un ami de Trintignant, Maurice Béjart. «C’était en janvier et, à la sortie du spectacle, il y avait quinze centimètres de neige. Je me souviens de la peur de Béjart qui devait repartir en voiture, avec des pneus d’été…»

Autre géant de la scène, Michel Bouquet a marqué la deuxième saison, avec son rôle dans Le roi se meurt, de Ionesco. «Après la répétition, dans le foyer, nous avons passé une demi-heure à discuter de théâtre, de sa façon de l’aborder. C’est un monstre vivant de la scène, mais il est d’une humilité exceptionnelle.» Simplicité aussi dans ses quelques mots, légèrement tremblés, laissés dans le livre d’or: «Merci pour tous (sic) et j’espère à bientôt. De tout cœur.»

Jacques Weber au vestiaire
Cette simplicité semble monnaie courante chez les artistes. Très peu de caprices dans l’histoire de la saison culturelle CO2. Une exception, lors de la troisième saison: Patrick Chesnais a refusé le logement qui lui était proposé. «A peine arrivé devant l’hôtel, il a dit que c’était glauque et qu’il ne dormirait pas là. Nous l’avons logé à Lausanne.»

Figure marquante de ces neuf premières saisons, Jacques Weber a joué à trois reprises à La Tour-de-Trême. Le 25 novembre 2007, deux ans après L’Evangile selon Pilate, il présentait sa version «théâtre de chambre» de Cyrano. «Quelle belle soirée. A toujours. Merci», écrit-il dans le livre d’or. Banal. Son attitude avec le public l’était beaucoup moins: «Quelques minutes avant d’entrer en scène, il discutait au bar avec des spectateurs», raconte Dominique Rime. Et, à la fin de la représentation, surprise: au vestiaire, Jacques Weber en personne distribuait les vestes. «Ensuite, au restaurant, il a avalé une fondue et demie, avant la crème et les meringues… Il a un côté cabot, mais c’est un bonhomme extra.»

Le grigri de Serge Merlin
Immense comédien, auteur d’un solo extraordinaire en décembre 2008 (Le neveu de Wittgenstein), Serge Merlin a lui aussi laissé un souvenir à part. Pas seulement sur scène: «Un mois après sa venue, je reçois un téléphone du Théâtre du Passage, me signalant que Serge Merlin a perdu un grigri, sans doute oublié à CO2.» Un détail? Pas vraiment: l’acteur refuse de monter sur scène sans cet objet fétiche… Dominique Rime et son équipe fouillent partout, en vain. Heureusement pour le Théâtre du Passage, le grigri en question est finalement retrouvé dans les affaires de Serge Merlin.

Moins connue, mais tout aussi marquante, l’incandescente Darina Al Joundi a clos la saison 2009-2010 avec un autre monologue, Le jour où Nina Simone a cessé de chanter. Une splendeur sur scène, une rencontre forte en coulisses. «C’est une femme sincère, vraie, au parcours de vie exceptionnel.» Dans le livre d’or, elle a tracé ces mots touchants: «Quelle belle rencontre! Vous m’avez donné envie de jouer. Merci. Elle est belle, la vie. Profitez-en.»

Programmateur et directeur artistique, Dominique Rime se mue aussi en homme à tout faire de la saison culturelle. Parfois même en chauffeur, ce qui peut surprendre les productions habituées au faste des grandes salles: après le spectacle solo de Marie-Claude Pietragalla, La tentation d’Eve, en janvier 2011, il reconduit l’habilleuse à son hôtel, quand elle lui lâche: «La salle est magnifique, l’équipe est sympa, mais c’est drôle, je n’ai pas encore vu le directeur!»

Une histoire de fidélité
Quelques mois plus tard, en novembre 2011, on frôle le drame, l’après-midi qui a précédé le «merveilleux concert» de Véronique Sanson. «J’assistais à la répétition, raconte Dominique Rime, quand tout à coup une cale en bois, restée là depuis la construction, est tombée du plafond, sur la main d’un des musiciens…» Par la suite, un contrôle permettra de trouver encore quatre ou cinq de ces objets oubliés.

Pour la dernière saison, Dominique Rime retient un fidèle, Bruno Abraham-Kremer, qui a joué La promesse de l’aube, en octobre 2012. «C’est une histoire de feeling et d’amitié. Et on n’a jamais été déçu.» Venu en Gruyère à cinq reprises (la première à l’Hôtel de Ville), le comédien français n’est guère battu que par le Théâtre des Osses et l’Opéra de Fribourg, quasiment présents à chaque saison.

Lhermitte et ses patates
Au fil de la discussion surgit encore l’impressionnante rencontre avec Eric Cantona. Ou le souvenir de ce grand enfant de Thierry Lhermitte, qui a demandé des patates crues pour tester, dans le champ derrière la salle, le lance-roquettes qu’il s’était bricolé…

Il faudrait aussi évoquer ces soirs de concerts (de William Scheller à Julien Clerc, en passant par Maurane, Bénabar, Cali, Thomas Fersen, Alain Souchon…) et toutes ces rencontres, ces heures passées à refaire le spectacle. Pas toujours: un comédien célèbre était déjà reparti en voiture, alors que le public n’avait pas encore quitté la salle. Autant dire qu’il n’a pas signé le livre d’or…

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