Des enregistrements pour percer leur secret

| sam, 20. jui. 2013
Le groupe Fribat enregistre leurs ultrasons pour mieux comprendre leur comportement. A l’automne, les chauves-souris se regroupent par milliers à l’entrée de certaines grottes. Les spéléologues participent à l’opération.

PAR SOPHIE MURITH


Pour percer le mystère des chauves-souris, le groupe Fribat utilise l’acoustique. Cette année, deux sites au pied de la Dent-de-Lys ont été sélectionnés pour enregistrer en continu les ultrasons que la chauve-souris émet pour se former une image sonore de son environnement durant la nuit. Ces passionnés espèrent ainsi mieux connaître l’activité des chiroptères à l’entrée des grottes.
Un phénomène, le swarming, sera en particulier étudié. Sous ce terme anglais, les spécialistes parlent de rassemblements de chauves-souris, souvent de plusieurs espèces, autour des entrées de gîtes et des sites d’hibernation. Encore méconnu, le phénomène a été observé et décrit en Angleterre voilà quelques années à peine.
Depuis environ quinze ans, en Gruyère aussi, ces curieux rassemblements ont été remarqués. Le rapprochement avec l’étude anglaise a été rapidement fait. Cette année, la pose des appareils est effectuée assez tôt pour permettre de savoir quand les chauves-souris commencent à se rassembler autour de ces sites d’altitude, et quand ce phénomène se terminera. Les mesures permettront également de connaître les espèces qui se déplacent pour ces rassemblements spontanés.


Par centaines
«Les chauves-souris viennent de loin à la ronde, plusieurs dizaines de kilomètres parfois pour se rassembler par centaines à l’entrée des grottes, explique Emmanuel Rey, membre de Fribat. Elles vont vers les hauteurs après la chasse et arrivent près d’une heure après la tombée de la nuit.» Pas question de mettre le museau à l’intérieur, elles sont là pour parader. «Les captures nous indiquent que la proportion de mâles est plus importante.» Les échanges génétiques pourraient ainsi être plus nombreux. Les chauves-souris sont fécondées en automne, même si la gestation ne débute qu’au printemps, après l’hibernation. Autre raison supposée à ces regroupements: la création de liens sociaux. «On imagine que les individus adultes viennent y présenter les plus jeunes.»
Les analyses acoustiques permettent également d’avoir d’autres informations que les captures. «Avec l’enregistrement, on a une meilleure idée de l’activité des chauves-souris, avec les captures, on peut voir si c’est des mâles ou des femelles, si elles sont en âge de se reproduire.» Mais quelques questions resteront en suspens. «Nous nous demandons quelles voies sont empruntées pour monter jusqu’aux grottes. Pourquoi volent-elles durant une heure pour venir jusqu’ici, alors qu’il fait parfois trop froid pour elles?»
Les appareils de mesure ont été posés le 9 juillet devant des grottes des hauts d’Albeuve. «Le matériel adéquat n’existe pas sur le marché, explique Emmanuel Rey. Il a fallu bricoler pour assembler un détecteur automatique avec une alimentation externe.» Il lui aura fallu deux ans pour obtenir un résultat satisfaisant. «Nous avons réfléchi à l’étanchéité, au transport du matériel, qui devait être compact.»
Emmanuel Rey n’est toutefois pas parti de zéro. «Avec l’augmentation du nombre de projets éoliens, les systèmes d’enregistrement ont connu un fort développement ces dernières années.


Jusqu’en octobre
Les données, conservées dans des cartes mémoires, sont relevées tous les dix jours environ. L’opération sera poursuivie jusqu’au mois d’octobre. La première semaine 9300 enregistrements se sont déclenchés. Ils seront ensuite analysés, au fur et à mesure, par un logiciel de reconnaissance, basé sur des sons de référence, qui permet de distinguer les bruits parasites (90%) – comme les sons de cloche des vaches – et chacune des espèces de chauves-souris. Toutes émettent des ultrasons sur une fourchette de fréquences connues.
Une fois traitées, les données seront ensuite comparées avec d’autres recueillies dans le Jura vaudois. «Si nous obtenons des résultats, cela sera assez exceptionnel.»
Une station météo transmet par la 3G des informations sur la pluviométrie, la force du vent, l’ensoleillement. «Cela permettra de mettre en perspective les résultats avec les événements météorologiques.» Les deux systèmes sont autonomes grâce à des panneaux solaires.
A terme, une meilleure connaissance de l’importance de ces rassemblements dans la reproduction des chauves-
souris permettra surtout une meilleure préservation de ces lieux. Car Emmanuel Rey le rappelle: «Le maintien des populations est très important. L’équilibre est fragile. Une femelle ne conçoit qu’un petit chaque année.»

 

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A l’origine, des spéléologues
Les grottes que les spéléologues du Spéléo-Club des Préalpes Fribourgeoises (SCPF) fréquentent sont également les lieux d’hibernation ou de repos durant la journée des chauves-souris. C’est donc tout naturellement qu’ils se sont intéressés aux chiroptères. «Des spéléologues sont entrés chez Fribat et vice-versa. Le groupe Fribat est piloté par des amis», explique Jean-Marc Jutzet, membre du SCPF. Lorsque nous trouvons des ossements de chauves-souris nous les leur apportons. Nous les avons poussés à mettre au point des méthodes de détermination.»
Les ossements découverts dans les grottes, d’espèces jusque-là considérées comme de plaine ou de forêt, intriguent les spécialistes. Ces derniers organiseront donc des captures pour savoir si le phénomène est toujours actuel. Les premiers essais d’enregistrement ont eu lieu l’an passé. Cinq ou six spéléologues participeront cette année au relevé des mesures de la nouvelle campagne. SM
 

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