A genoux devant l’histoire

| sam, 27. jui. 2013
Cet été, La Gruyère présente des activités que l’on pratique principalement l’été. La belle saison annonce le retour aux fouilles archéologiques programmées. Le chantier bullois de la Poterne tient toutes ses promesses.

PAR SOPHIE MURITH


Le ciel est menaçant en ce jeudi matin. Quelques gouttes ne tardent pas à tomber sur le chantier archéologique ouvert à la Poterne, à Bulle. «Cela ne m’étonne pas, c’est un vrai pot de chambre ici», s’exclame Gilles Bourgarel, archéologue, chef du secteur médiéval et moderne au Service archéologique de l'Etat de Fribourg. «Le deuxième coin le plus pluvieux de Suisse après Lucerne.»
Et il sait de quoi il parle. Commencé en mars pour six mois, le chantier a dû fermer après une semaine et pour dix jours à cause de la neige et du gel. «La meilleure saison pour fouiller, c’est l’été, mais on n’a pas toujours le choix.»  
Pas de chance avec le temps, mais la main fut heureuse. «Nous avons trouvé deux pieux en bois de 41 cm de diamètre et de près d’un mètre de long qui se trouvaient sous des remblais de maisons.»
Les analyses dendrochronologiques effectuées à Moudon viennent de tomber. Le comptage des cernes et l’étude de leur morphologie datent les billons aux années 1242-1243. «Cela permet de dire que l’enceinte encore debout n’est pas le premier mur construit autour de Bulle par l’évêque saint Boniface, mais le second, érigé par Guillaume de Champvent en 1275, après l’extension de Bulle.»
Si l’équipe de Gilles Bourgarel remue la terre du côté de la Poterne, c’est que le site sera détruit. Seul le mur d’enceinte sera conservé. Trois immeubles, avec deux étages en sous-sol, devraient y être construits, une fois le Plan d’aménagement de détail accepté. «Nous en sommes encore très en amont dans ce projet. Nous pouvons prendre notre temps.» Une fouille qui permet donc d’aller en profondeur. «Notre mission est de conserver, mais fouiller c’est détruire. Lorsqu’on ouvre d’anciens chantiers, on s’en rend compte. Les techniques évoluent.»


Amateurs et professionnels
De 7 h 30 à 17 h, treize personnes s’activent entre les fosses. Etudiants en archéologie, civilistes ou fouilleurs confirmés. «Je ne connaissais rien à l’archéologie, juste quelques cours d’histoire à l’école, explique Adrien, agriculteur, astreint au service civil. Ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus.»
Michaël, étudiant en chimie, a lui aussi été formé sur le tas. «Cela fait du bien de voir autre chose.» Le civiliste s’emploie au relevé avec du matériel de géomètre. Le secteur fouillé est carroyé, avec de la ficelle, et raccordé à la mensuration officielle grâce à ce système orthogonal. Un relevé à l’échelle un vingtième est aussi effectué. «Nous nous appuyons sur la photo et le dessin pour documenter le site», explique Gilles Bourgarel.
Chaque jour, les postes tournent. Tous creusent, parfois à la pioche, grattent à la truelle, les genoux posés sur de petits coussins de mousse pour les protéger. Le nettoyage fin s’effectue à l’aspirateur. «Je dis toujours que les archéologues sont les femmes de ménage de l’histoire. Nous passons notre temps à nettoyer», plaisante le responsable.
Les brouettes se vident. Comme les fouilleurs, elles empruntent les planches qui jonchent le chantier. La terre s’accumule dans un coin du chantier. «Son stockage est souvent un problème, reconnaît Gilles Bourgarel. Plus de 250 m3 de gravats ont été évacués rien qu’à l’ouverture de la fouille.»


Garder le lien avec le lieu
Les bouts d’os d’animaux, de ferraille et les tessons sont rapatriés de l’autre côté du mur d’enceinte pour y être triés et étiquetés sur deux tables protégées par une bâche. Le secteur, le décapage, soit le niveau où ils ont été découverts, et la position, sont soigneusement relevés. «Ce sont des informations primordiales pour les dater et pour reconstituer l’histoire du lieu.» Les objets sont ensuite rapportés au Service archéologique à Fribourg et pour y être analysés. Une opération qui coûte cher. «Il faut donc faire des choix.»
Les badauds du Marché folklorique jettent un coup d’œil par-dessus les palissades. «C’est beaucoup plus calme qu’à la porte de Romont où les gens insultaient les fouilleurs les accusant de dépenser l’argent du contribuable», reconnaît Gilles Bourgarel. Dans un premier temps, il avait pensé installer une passerelle pour que les visiteurs puissent venir voir le chantier en cours le jeudi. «L’idée a été abandonnée car il aurait fallu la sécuriser et cela nous aurait empêchés de travailler.» Un panneau explicatif a donc été préféré.

 

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