Le canton planche sur le futur de la fiscalité des entreprises

| mar, 09. jui. 2013
Le Conseil d’Etat a rendu public lundi le rapport final sur les «Allègements fiscaux et autres mesures de promotion économique».

PAR MICHELINE HAEGELI

A l’heure où la fiscalité des entreprises constitue un sujet brûlant aussi bien en Suisse que dans l’Union européenne, le canton de Fribourg ne reste pas les bras croisés. Sa marge de manœuvre est cependant étroite. Trouver le bon équilibre entre des allègements attractifs et le maintien d’un socle de recettes fiscales suffisant pour répondre  aux besoins d’une démographie galopante relève de la quadrature du cercle.
Pas moins de trois conseillers d’Etat, Georges Godel, Beat Vonlanthen, Maurice Ropraz ainsi que, last but not least, le trésorier de l’Etat Daniel Berset se sont lancés dans une grande opération de communication sur ce sujet ardu. C’est dire l’importance que le Gouvernement cantonal accorde aux allègements fiscaux comme instrument de promotion économique.
Ce moyen de favoriser des implantations d’entreprises est devenu incontournable: «Sans allègements fiscaux, vous pouvez oublier», a lancé le directeur cantonal de l’Economie Beat Vonlanthen.


Critère décisif
Ce dernier a cité une étude de PricewaterhouseCoopers (PwC) selon laquelle la question fiscale venait au premier rang des critères de décision lors d’une implantation, suivis par l’usage de l’anglais dans le monde des affaires, la qualité de la vie, la possibilité de recruter du personnel qualifié et la situation géographique.
Le hic est que les allègements fiscaux ont un effet pervers sur la manne que le canton de Fribourg peut tirer de la péréquation financière fédérale.  Jusqu’en 2007, les allègements fiscaux accordés par les cantons n’avaient pas d’incidences négatives sur les montants de la péréquation fédérale. L’indice de capacité financière, sur lequel se basait l’ancien système péréquatif était calculé en tenant compte du revenu cantonal par habitant et, entre autres, des recettes fiscales effectivement encaissées aux niveaux cantonal et communal. Le contexte a fondamentalement changé en 2008 avec l’entrée en vigueur du nouveau système péréquatif: celui-ci a abandonné l’indice de la capacité financière au profit de l’indice des ressources. Ce dernier s’écarte des recettes fiscales effectives pour ne considérer que le potentiel des cantons.  Une part de ce potentiel, parmi d’autres indicateurs, est constituée par la somme des bénéfices réalisés par les personnes morales implantées dans le canton.

Mécanisme chiffré
Les bénéfices des sociétés «allégées» entrent ainsi pleinement dans le potentiel fiscal considéré. Ils poussent l’indice des ressources du canton vers le haut et conduisent finalement à une diminution des montants que Fribourg perçoit au titre de la péréquation des ressources. Ce mécanisme était connu en théorie, mais il n’avait pas été chiffré.
Sous la houlette du trésorier, le groupe interdirectionnel  a comblé cette lacune.  Il a systématiquement comparé les paiements reçus pour la période 2008-2012 ou annoncés pour la période 2013-2016 avec ceux qui auraient théoriquement été obtenus si les bénéfices des sociétés «allégées» ne comptaient pas plein pot: la différence est de
72 millions en 2008, elle bondit à 107 millions en 2012, et sera vraisemblablement de 153 millions en 2016.


Mesures à court terme
Pour continuer à concéder des allègements fiscaux  sans se mettre le doigt dans l’œil, le Conseil d’Etat a pris un certain nombre de mesures à court terme sur la base du rapport.  L’allègement total ne sera plus consenti que dans des cas exceptionnels, pour des projets d’envergure. Le canton en a usé avec une générosité déclinante: en 2003, 52 entreprises sur 113 «allégées» l’avaient obtenu, elles n’étaient plus que 32 sur 80 en 2011.
Les critères de sélection pour obtenir un allègement fiscal seront plus restrictifs. La période initiale est fixée à cinq ans. Une prolongation sera décidée au cas par cas par le Conseil d’Etat, en tenant compte notamment de la création effective des postes de travail et des investissements prévus lors de l’octroi du premier allègement.


Contrat de prestation
Cet avantage fiscal fera l’objet d’un contrat de prestation. Le Conseil d’Etat a par ailleurs confirmé un autre des ajustements décidés l’an dernier: une clause systématique de claw back, soit de remboursement, est introduite pour le cas où l’entreprise n’aurait pas tenu ses engagements.  
Dans le cadre de l’examen de ce rapport, le Conseil d’Etat a mené des réflexions au sujet de la stratégie future du canton de Fribourg en matière de fiscalité des entreprises. Au vu du contexte international actuel, il faut se préparer à la suppression des régimes fiscaux cantonaux spéciaux, a souligné le conseiller d’Etat Georges Godel.  A noter que les statuts spéciaux ne faisaient pas partie de la matière examinée par le rapport.


Musique d’avenir
Dans cette perspective, le Conseil d’Etat envisage une diminution du taux effectif de l’impôt sur le bénéfice pour toutes les personnes morales ainsi qu’un système de Patentbox dont les contours doivent encore être précisés, notamment en fonction des décisions qui seront prises par la Confédération.
Cette stratégie pourrait être mise en œuvre par étapes à l’horizon 2017-2018. Elle devrait permettre de renforcer l’attractivité du canton pour les PME et pérenniser l’implantation des sociétés bénéficiant actuellement de statuts spéciaux. Elle doit être accompagnée d’une politique foncière active des collectivités publiques, qui permettra de mettre rapidement des terrains à disposition des entreprises qui souhaitent s’implanter sur le territoire fribourgeois.


Démographie galopante
La forte démographie du canton de Fribourg a un coût et constitue un défi. «C’est une chance d’avoir une évolution démographique à la hausse», a insisté Georges Godel. «Soyons fiers de nos pendulaires qui amènent une manne fiscale et contribuent à la richesse de la vie associative du canton», a-t-il ajouté. Non sans humour, Maurice Ropraz a fait remarquer que le canton comptait un pendulaire «de luxe» avec le conseiller fédéral Alain Berset.


Réactions contrastées
Pour le PLR, il est nécessaire de réformer la fiscalité des entreprises. Les régimes spéciaux représentent 20% des impôts payés par les personnes morales, soit 29 millions de francs. Leur disparition est programmée. Il est important de promouvoir une fiscalité moderne et attractive. La baisse du taux d’imposition des impôts cantonaux sur le bénéfice ainsi que l’introduction de nouvelles réglementations eurocompatibles sont des pistes pertinentes, pour le PLR.
Pour le PS, il était temps que le Conseil d’Etat reconnaisse «enfin, mais un peu tard» les problèmes liés aux forfaits fiscaux. A son avis, le Conseil d’Etat paraît pour le mieux «ambigu», pour le pire, «incapable de dresser une ligne quant à l’avenir de l’imposition des personnes morales».
A son avis, alors que le Conseil d’Etat peine à convaincre avec son plan d’économie, le voilà en train de planifier de nouvelles baisses de rentrées fiscales. «Le canton doit dresser ses priorités», insiste le PS.

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