Les Savoy sont des Dewarrat

| jeu, 18. jui. 2013
Pour rencontrer la cinquième famille de l’été, La Gruyère met le cap sur Attalens et pose sa loupe sur le clan Savoy.

PAR SOPHIE MURITH

Les Savoy ont un rapport particulier aux surnoms. Jusqu’au XVIe siècle, cette famille s’appelait de Voarax ou du Vuarrat. Le patronyme, qui plus tard devint Dewarrat, indique que la famille est vraisemblablement originaire de Vuarat, hameau d’Attalens, au pied du Mont-Vuarat.
Ce n’est qu’à partir de 1555 qu’une de ses branches prit le nom de Savoex, certainement un sobriquet qui leur permettait de se distinguer des autres familles. Nom qui évolua pour se fixer sous sa forme actuelle: Savoy. Ils ne proviennent pas comme leur nom pourrait le faire croire, de la Savoie, mais ils sont donc bel et bien originaires du canton. Dans un article du Fribourg Illustré du 13 août 1993, Benoît de Diesbach, généalogiste fribourgeois, estime que «Savoy est un surnom, pas un nom de provenance géographique».
Une hypothèse corroborée par Jean Savoy, retraité de la Banque de l’Etat de Fribourg. «La légende dit qu’ils ont été baptisés ainsi, car ils étaient partisans du duc de Savoie.»
Les différentes branches de la famille se donnent des surnoms pour se distinguer les unes des autres: Fréron, Canon, de la Poste, du Creux Guillod, notamment.
La branche de Cévy, dont descend Emile Savoy a donné plusieurs facteurs d’orgue. «On prétend même que c’est un Savoy qui aurait créé l’un des orgues de la cathédrale de Fribourg», raconte Jean Savoy.


Cousins bavarois
Les Savoy ont donné au canton de Fribourg un grand nombre de juristes, d’ecclésiastiques et de notables. Ils sont aujourd’hui bourgeois d’Attalens (avant 1555), de Renens (1956), Chexbres (1958), Lausanne (1959 et 1960) et Genève (1960 et 1962).
Alexandre Savoy d’Attalens (1755-1794) se fixa en Bavière où il était conseiller aulique, soit membre de la cour supérieure
de l’empire germanique, et médecin du roi de Bavière. Le 28 janvier 1791, il fut anobli par Joseph, comte d’Auersperg, prince-évêque et cardinal de Passau. Joseph-Frédéric Elder von Savoye a été reconnu noble en Bavière le 28 août 1843 et incorporé dans la noblesse les 20 juillet 1844 et 28 mars 1845.
Ludwig von Savoye (1865), docteur en droit, était, en 1919, Landgerichtdirektor, soit président du Tribunal de grande instance, à Munich. Otto von Savoye, né en 1870 y était artiste peintre et Ludwig, né en 1873, émigra à San Fransisco.
D’autres membres de la famil-le Savoy émigrèrent en France, en Argentine, aux Etats-Unis et en Allemagne. C’est ainsi qu’en 1869 on comptait 26 Savoy à Baradero, en Argentine.

 

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Un «espion» réformateur
Emile Savoy a vécu 57 ans. Il a mis à profit ce demi-siècle pour endosser tour à tour les fonctions d’inspecteur des apprentissages (1904), de juge au Tribunal de la Sarine (1905), de préfet de la Glâne (1905) et de la Gruyère (1907). Elu au Conseil d’Etat le 8 avril 1913, il reprend la Direction de la police et de la santé publique (1913-1916). Emile Savoy s’intéresse particulièrement à la réforme du système pénitentiaire. L’établissement de Bellechasse en devient ainsi le centre cantonal.
Durant la Première Guerre mondiale, l’Attalensois est chargé de la gestion du ravitaillement pour le canton. Il fonde également le Comité fribourgeois de secours aux réfugiés belges qu’il préside. Il est très attaché à la Belgique – sa femme, fille d’un important industriel, en est originaire et il a poursuivi des études et obtenus deux doctorats à Louvain. Ses liens avec le royaume lui valent des accusations d’espionnage (1916). Selon les Allemands, il aurait, sous couvert des activités du Comité de secours, servi d’intermédiaire entre la Belgique et la France. L’«affaire Savoy» prend une ampleur nationale.
Dès 1916 , il prend les rênes de la Direction de l’intérieur, de l’agriculture, du commerce et de l’industrie. Il développe l’agriculture, qu’il voit comme le fondement de toute économie saine. Il fonde par la Loi sur l’enseignement agricole (1919) l’Institut agricole de Grangeneuve, ainsi que l’Ecole ménagère agricole. Emile Savoy est considéré comme le père de l’agriculture fribourgeoise moderne, malgré son attachement passéiste à l’autarcie et au travail à domicile.
Emile Savoy assume la présidence du Conseil d’Etat à quatre reprises (1916, 1920, 1926, 1933). Dans le même temps, il siège en tant que député de la Veveyse au Grand Conseil (1915–1921) jusqu'à l’interdiction du cumul des mandats. Il est aussi élu au Conseil des Etats (1920–1935) pour succéder à Georges Python. Il préside cette Chambre en 1928. Emile Savoy décède à Fribourg en 1935, sans avoir démissionné de ses fonctions politiques. SM

 

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Ceux du Creux-Guillod
Dans la pléthore des familles Savoy d’Attalens, difficile de faire un choix. La branche du Creux-Guillod ouvre, à deux voix, son carnet à souvenirs. «Mon grand-père a déménagé de la ferme dont il était originaire à Attalens pour Châtel-Saint-Denis en 1929, explique Guy Savoy, couturier dans le chef-lieu veveysan. Hilaire était sellier-tapissier. «Il partait pêcher à 5 h et, quand il rentrait bredouille, il revenait au moins avec un bouquet de fraises des bois au chapeau», se souvient sa tante, Marie-Louise Monnard. En ce temps-là, on regardait passer les voitures – il y en avait deux à Châtel-Saint-Denis. Maintenant, on regarde passer les chevaux!»
Son père était malade du cancer. «Il avait promis de livrer un collier de vache, plus facile à faire qu’un collier de cheval. Nous avons dû approcher une table à son chevet pour qu’il puisse le terminer.» Il meurt à
45 ans, en 1944. Suivi sept mois plus tard, par son fils aîné. «A cause d’une méningite. Il avait 15 ans.» La mère de Marie-Louise Monnard reste seule avec trois enfants, deux filles et un garçon. «Elle a travaillé dur comme couturière pour les nourrir», raconte Guy Savoy, qui tient sa vocation de son aïeule.
Leur rapport avec les autres familles Savoy d’Attalens? «On sait qu’on est tous des Savoy, répond laconiquement Marie-Louise Monnard. Il y a quelques années, il y a eu une grande réunion, avec le cuisinier parisien Guy Savoy, mais je n’ai pas eu le droit de m’y rendre parce que je ne m’appelais plus Savoy...» SM


 

Commentaires

Pour moi, né à Baradero en Argentine, c'est un honneur de m’appeler Savoy. Et c'est aussi un plaisir d’apprendre cette partie de l'histoire des Savoy que je ne connaissais pas.

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