«Pendant trois ans, j’ai refroidi le riz»

| mar, 06. aoû. 2013
Martine Berner est l’une des trois femmes maître chef sushi au monde. Rencontre avec cette Franco-Canadienne «née dans le poisson».

PAR ANGELIQUE RIME

Une Américaine, une Vietnamienne et Martine Berner. Franco-canadienne, elle est installée à Romont depuis une année, où elle propose ses services culinaires. Voilà les trois femmes au monde qui peuvent se targuer de porter le titre d’itamaé, comprenez maître chef sushi. Si elles ne sont que trois, c’est que les femmes n’ont a priori pas le droit de suivre cette formation. «D’après les Japonais, nous avons les mains tièdes, ce qui altère la qualité du poisson, commente Martine Berner. J’ai “harcelé” mon maître pendant près de trois ans pour qu’il accepte de me former. Puis je suis partie à Kyoto, où il m’a présentée comme une amie de la famille.»  
La difficulté de l’apprentissage explique aussi la rareté des itamaé. «Il dure environ quinze ans. Les trois premières années, j’observais mon maître. J’avais le droit de nettoyer et de refroidir le riz. C’était dur, j’ai perdu pas mal de poids et utilisé beaucoup de mouchoirs!»
Un exemple suffit à montrer l’exigence de l’enseignement: «Il m’a fallu une année pour réussir à modeler correctement une oblique de riz pour les nigiri, selon les critères de mon maître.» Et il faut compter le double pour le taillage du poisson: «Tu reçois un thon entier à découper! La première fois, c’est assez impressionnant. La réussite dépend de l’inclinaison du couteau, de la température des mains, de celles du poisson, du sens de la coupe et j’en passe.»


S’imprégner des traditions
La force d’aller au bout de cette formation, Martine Berner l’a puisée dans sa passion pour la cuisine et plus spécialement pour le poisson. «J’ai grandi entre la Guadeloupe, la Martinique et l’île de la Grande Comore. Je suis donc née dans le poisson et depuis mon adolescence, je savais que je voulais en faire mon métier», se rappelle la cheffe de 49 ans. Durant les sept ans qu’elle a passés au Japon, Martine Berner a pu s’imprégner de la culture niponne. «C’est impossible d’apprendre à faire de vrais sushis par les livres. La nourriture est partie prenante des traditions locales, explique celle qui est devenue bouddhiste. La plupart des chefs qui exercent en Europe n’ont pas de formation adéquate. Conséquence, plus de 80% de la clientèle suisse ne sait pas ce qu’est un vrai sushi!»
La Glânoise d’adoption a également appris les bases du japonais, «même si elle communiquait très peu avec son maître. Qu’importe, je suis plutôt visuelle. Par chance, sa fille était professeure d’anglais et faisait office d’interprète si nécessaire.»


Cours et service traiteur
Outre le Japon, Martine Berner a également résidé en Inde et en Thaïlande pour découvrir d’autres facettes de la cuisine. Elle s’est ensuite installée au Canada, où elle a travaillé pendant cinq ans à l’Académie culinaire de Montréal. «J’ai gardé une bonne partie de ma clientèle nord-américaine et je me rends régulièrement de l’autre côté de l’Atlantique pour honorer des commandes.»
A Romont, la maître chef sushi a monté sa petite affaire. Elle donne des cours et propose un service traiteur. «Je fabrique des sushis à la manière traditionnelle japonaise, mais j’essaie de travailler avec des produits suisses ou européens. J’utilise par exemple du rouget, de la truite rose ou encore de l’omble.» Martine Berner a également créé quelques sushis sucrés, aux fruits, et en prépare un à la pomme caramélisée au sirop d’érable. Une variété dont raffolent évidemment ses clients canadiens.


Plus d’informations sur www.wabisushi.com

 

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Les sushis, jamais ronds
«Voyez, c’est très simple.» A observer Martine Berner, préparer un hosomaki a effectivement l’air facile. «Il faut bien répartir le riz, en fines couches. C’est seulement un support pour tenir les ingrédients. Le client paie d’abord pour une combinaison alimentaire, explique la maître chef sushi. Toutefois, le riz reste un élément essentiel. Personnellement, j’ajoute du saké à la cuisson.» Lorsqu’elle roule le mélange d’ingrédients à l’aide d’un tapis (makisu), Martine Berner veille à donner à son rouleau une forme carrée. «Contrairement à ce qu’on trouve parfois, les sushis ne sont jamais ronds. A l’origine, les Japonais les consommaient dans une boîte rectangulaire nommée hako. Je m’efforce également de faire connaître à mes clients le “vrai wasabi”. Soit de la racine de rose trémière des montagnes séchée, puis râpée que l’on transforme en poudre et qu’on mélange avec de l’eau. Et non de la poudre de raifort à laquelle on ajoute du colorant alimentaire!» AR
 

 

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