En mode «off», Fribourg chasse les kilowattheures

| jeu, 10. oct. 2013
Le canton veut stabiliser sa consommation en 2015. Il lance une campagne d’une ampleur inédite. De faux black-out ont déjà eu lieu. Le ton est donné.

PAR JEAN GODEL

Tout a été dit sur les moyens d’économiser l’énergie, notamment l’électricité. Fribourg veut maintenant passer à l’acte. Le canton a lancé hier une grande (et longue) campagne de sensibilisation lors d’une conférence de presse tenue à la Foire de Fribourg dans une quasi-obscurité. A défaut d’être contraignante, cette campagne se veut audacieuse, avec pour objectif zéro augmentation de consommation d’électricité de mi-2014 à mi-2015. Ce qui nécessitera la participation volontaire de tous les Fribourgeois, particuliers, administrations et entreprises. C’est donc à tous ces acteurs clés que cette vaste opération de communication s’adresse, dès aujourd’hui et jusqu’à la fin 2015.
Ce n’est pas une campagne de plus: par son ampleur, elle serait même unique et ferait de Fribourg un canton pionnier. «La conseillère fédérale Doris Leuthard a été informée de notre démarche et s’est montrée très enthousiaste», a révélé non sans fierté le conseiller d’Etat Beat Vonlanthen. Sur le mode du "I have a dream", le président de la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie a placé cette opération ambitieuse dans le contexte de la sortie du nucléaire, «un rêve en bonne voie d’être réalisé».


Risque de vrais black-out
Mais cette campagne épouse aussi les objectifs énergétiques du canton (société à 4000 watts d’ici à 2030) et s’inscrit dans la stratégie énergétique 2050 de la Confédération (baisse de 13% de la consommation d’électricité d’ici à 2035, de 43% pour l’ensemble des énergies).
Dernière pièce du cadre politique, la Loi révisée sur l’énergie, entrée en vigueur le 1er août dernier, contient des incitatifs novateurs (certificat énergétique pour les bâtiments, assainissement de l’éclairage public, etc.) capables d’aider à la concrétisation de ces objectifs. Une ambition nécessaire pour éviter le risque de black-out, qualifié de majeur par le canton dans sa stratégie énergétique, a rappelé Serge Boschung, chef du Service de l’énergie, à l’origine de la campagne.
Stabiliser la consommation d’électricité en 2015 à l’échelon du canton, cela signifie que chaque Fribourgeois devra diminuer la sienne, sachant que chaque année la population croît de l’équivalent de la ville de Romont. Depuis dix ans, la croissance démographique atteint 2,4% en moyenne, celle de la consommation d’électricité 2,5%. La campagne «Fribourg en mode off» intègre cette donnée, de même que la croissance de l’activité économique. Tout au plus neutralisera-t-elle l’effet climatique, en cas d’un hiver plus rigoureux que d’habitude.


Objectifs réalistes
«Cet objectif est atteignable», assure Dominique Gachoud, directeur général de Groupe E, partenaire de la campagne avec les autres distributeurs d’électricité, Gruyère Energie, IB-Murten et EW Jaun. «Ces 2,5% à économiser représentent environ 200 kWh par an de moins pour un ménage moyen.»
Surtout, a insisté Beat Vonlanthen, même si nous consommons bien plus que dans les années 1960, lorsque la Suisse était encore une société à 2000 watts, les outils d’aujourd’hui pour réduire la consommation existent en nombre. Sur le ton quasi christique du «allez et multipliez-vous», Beat Vonlanthen a finalement exhorté les Fribourgeois à optimiser leur consommation d’électricité: «Vous tous, répétez-le autour de vous: l’économie d’énergie, c’est un réflexe de tous les instants.»

 

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L’effet papillon à la mode fribourgeoise
En fait, la campagne «Fribourg en mode off» a déjà commencé, mais en mode pirate. Des faux black-out ont récemment eu lieu dans différents lieux publics pour marquer les esprits: lors d’un concert à Equilibre, durant une séance du Grand Conseil ou encore en plein sermon de Mgr Morerod à la cathédrale de Fribourg. D’autres black-out interviendront d’ici à la fin de l’année, avec des piqûres de rappel dans les deux ans à venir.
L’idée en revient à l’agence Crausaz & Partenaires, à Granges-Paccot, qui a gagné le concours lancé par le Service de l’énergie. Clé de voûte du dispositif exposé hier par son directeur Philippe Crausaz: ne pas réinventer la roue! «Toutes les informations existent déjà.» Notamment sur la plate-forme SuisseEnergie, partenaire du projet. L’accent est donc mis sur leur diffusion auprès des citoyens, pour un changement durable de leurs comportements.
La deuxième phase, celle de la sensibilisation et de la motivation de tous les Fribourgeois, laisse présager une véritable débauche… d’énergie, avec d’innombrables actions tous azimuts. Publicitaires d’abord, sur tous les supports possibles, mais aussi des conférences grand public et une présence intense sur le terrain. Des expositions sont prévues, notamment dans un salon qui sera aménagé sur le site de BlueFACTORY à Fribourg. Philippe Crausaz annonce même une véritable guérilla urbaine avec des événements coups de poing dans tout le canton, des concours et des animations à foison. Les écoles seront particulièrement visées, ainsi que divers lieux publics. Les entreprises seront aussi invitées à collaborer.
Troisième et dernière phase, celle des play-off. «L’idée sera alors de monter en puissance et de gagner la partie en modifiant véritablement les comportements», précise Philippe Crausaz. Avec, donc, comme objectif de stabiliser la consommation d’électricité. Des outils de mesure seront proposés, dont un baromètre de l’électricité, pour informer des résultats. Pour motiver les troupes et vérifier leur engagement, un «day off» aura lieu: le jour J à l’heure H, tout devrait s’éteindre dans le canton durant dix à quinze minutes. Une photo sera prise depuis un satellite pour témoigner de ce Fribourg en noir, sans le blanc des lumières.


Messages volontiers décalés
La communication visuelle, déclinée en grosses lettres jaunes sur fond noir, est soignée. Les messages seront volontiers décalés («L’amour s’épanouit mieux à la lueur des chandelles») et reprendront le leitmotiv du «c’est facile d’économiser l’électricité». L’ensemble des médias fribourgeois ont joué le jeu et doubleront la diffusion publicitaire de la campagne pour le même prix.
Fribourg en mode «off» coûtera 1 million de francs. Une somme prélevée sur le Fonds cantonal pour l’énergie alimenté par l’Etat de Fribourg, les fournisseurs d’électricité et la Confédération. Pour ce prix-là, la campagne s’offre (gratuitement, s’entend) le parrainage très motivé de Julien Sprunger. Dans un message enregistré et diffusé hier, le joueur de Gottéron espère un véritable «effet papillon» à l’échelle du canton: «Ensemble, avec des gestes simples, nous pouvons accomplir quelque chose de grand.» JnG

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