Isabelle Chassot fin prête pour relever de nouveaux défis

| jeu, 31. oct. 2013
Après douze ans au Gouvernement fribourgeois, Isabelle Chassot relève dès demain un nouveau challenge à Berne comme directrice de l’Office fédéral de la culture.

PAR MICHELINE HAEGELI ET JEROME GACHET

Les cartons sont prêts. Un tableau, cadeau de l’Université, attend posé au sol de prendre sa destination. Celle qui était encore conseillère d’Etat lors-qu’elle a reçu mardi La Gruyère, hésite encore à l’installer chez elle ou au travail.
Un nouveau bureau l’attend à Berne: «Je l’ai déjà vu, il est beau et lumineux.» Dès le premier jour, vendredi de la Toussaint, qui n’est pas férié à Berne, «je veux aller dire bonjour à tous les collaborateurs». «Je me sens un peu nerveuse», avoue-t-elle. Un peu comme un premier jour d’école...

Après douze ans à la tête de la Direction de l’instruction publique, de la culture et des sports, quelles sont les réalisations qui vous tiennent le plus à cœur?
Spontanément, je citerai pour l’instruction publique, le volet Harmos et l’installation de la 2e année enfantine. Pour la culture, les partenariats de création ainsi que la rénovation et l’agrandissement du Conservatoire, une institution que je considère comme emblématique. Pour le sport enfin, la Loi sur le sport et le concept sport, art, formation.

L’école est à bien des égards un miroir de la société. Quelles évolutions avez-vous tenté d’encourager ou au contraire de freiner?
Les évolutions sociales exercent une influence directe sur l’école comme amélioration, mais aussi comme difficulté. Nous voyons que, en matière éducative, les enfants ne reçoivent plus, ou autrement, ce qu’ils recevaient avant de leur famille, aussi du fait d’une moins grande cohésion sur les valeurs. Le phénomène de l’enfant roi est bien réel: nous voyons arriver à l’école des enfants à qui on n’a jamais dit non.
Nous avons essayé de rappeler que l’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage, mais un lieu de vie, où certaines règles doivent être respectées par tous pour pouvoir permettre un «vivre ensemble». Et que l’école n’est sûrement pas un self-service.  

Vous avez rapidement eu la réputation d’être «l’homme fort» du Gouvernement. Comment l’avez-vous vécu et comment l’expliquez-vous?
Je ne l’ai pas bien vécu. C’est une image très usurpée. J’ai vécu le collège gouvernemental comme un lieu d’échange et d’égalité de sept personnalités. Chacun de nous est le septième du Conseil d’Etat et nous devons porter l’ensemble de ses décisions. D’où l’importance que j’ai accordée à bien me préparer sur l’ensemble des dossiers et à intervenir. D’autres l’ont aussi fait sans récolter cette réputation. Je me suis demandé dès lors à quoi celle-ci était due: peut-être, ai-je eu assez rapidement une plus grande visibilité au plan national en étant nommée à la tête de la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP).

Quel est votre rapport au pouvoir, alors que vous quittez un poste de dirigeante politique de haut niveau pour un poste de «haut fonctionnaire»?
Tout d’abord, je reste dans la politique au sens propre du terme, c’est-à-dire l’organisation et la vie de la cité. Mais avec une autre fonction et dans un autre rôle. Le pouvoir, c’est pour moi disposer d’un levier pour changer les choses et j’ai aimé cette possibilité stratégique de proposer, défendre un projet, le «mettre en musique» devant le Parlement et ensuite suivre sa mise en œuvre.
Il ne faut cependant pas perdre de vue que le pouvoir d’un conseiller d’Etat est très encadré, et de plus en plus, si l’on pense par exemple aux moyens introduits par la nouvelle Constitution cantonale comme la motion populaire ou le mandat.
Sans oublier que le Parlement fédéral empiète toujours plus sur les cantons, ayant parfois une notion assez relative des compétences des cantons et du fédéralisme. Comme présidente de la CDIP, j’ai eu souvent à intervenir en commission parlementaire pour rappeler cette répartition des compétences. A l’avenir, je garderai certes un levier de proposition, mais ce n’est plus moi qui pourrai ou devrai ensuite la défendre sur le plan politique. Ce que je n’aurai plus du tout à Berne, ce sont les attributs liés au pouvoir, mais je crois en avoir été toujours assez détachée.

Dans le domaine de la culture, quelles ont été vos priorités dans les impulsions que vous avez voulu donner?
Il m’est apparu que c’est en favorisant l’enseignement des branches culturelles à l’école que l’on donne l’accès le plus équitable possible à tous les enfants. C’est la place des arts visuels, de la musique, voire du théâtre et, contrairement à d’autres cantons, nous ne l’avons pas du tout réduite. J’aurais aimé mettre en place le programme «culture à l’école», qui était inscrit au programme de législature, mais il faudra, pour des raisons financières, attendre la prochaine. Un des rôles de l’Etat est d’assurer l’accès à la culture pour tous et pas seulement pour certaines catégories privilégiées.

On vous a reproché d’avoir soutenu une culture traditionnelle et établie...
C’est une vision tout à fait erronée, nous avons fait attention à une répartition équitable des moyens, avec la mission qui est la nôtre, c’est-à-dire celle du soutien de la création professionnelle. Les artistes ont tendance à ne voir que leur discipline et non l’ensemble des moyens investis par l’Etat dans le domaine culturel, qui vont par ailleurs bien au-delà des 3,9 millions que nous avions à distribuer. Le budget de la culture, c’est aussi le soutien au Conservatoire, aux musées, à la Bibliothèque can-tonale et universitaire ou aux Archives. Il est vrai que les moyens ne seront jamais suffisants face aux demandes. C’est un arbitrage constant.

Le sport n’a-t-il pas été le parent pauvre de votre Direction?
Il est vrai que les moyens ont dû être mis en priorité dans la formation, compte tenu de l’évolution démographique. Nous avons scolarisé 20% d’enfants de plus au cours de ces dix dernières années. Ce n’était pas une situation facile, mais je la préfère à celle de certains de mes collègues d’autres cantons qui ont dû fermer des classes. S’agissant du sport, nous avons pu faire avancer les projets. Nous avons dit dès le début des discussions qu’il y aurait un soutien pour une piscine de 50 mètres dans le centre et pour des piscines régionales ainsi que pour une nouvelle patinoire d’importance cantonale. Si l’on considère le rôle de l’Etat dans la formation: j’ai apprécié que pour introduire la troisième heure, il n’ait pas fallu couper une autre ailleurs, car cela aurait donné des discussions sans fin sur la grille horaire.

Que pensez-vous de membres ou de dirigeants de votre parti qui laissent entendre que le conseiller fédéral Alain Berset vous a choisie pour pouvoir provoquer une élection complémentaire?
Je réponds avec un sourire que cela m’amuse de savoir qu’ils le disent aux journalistes et pas à moi. Et à ceux qui me le diraient, je répondrais que je ne connais aucun conseiller fédéral qui engage une directrice d’office pour convenir à son parti. Ce serait un pari risqué et en l’occurrence il aurait été perdu. Le conseiller fédéral Alain Berset est trop bon politique pour ne pas avoir mesuré ce risque!

 

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Il n’y a pas que le travail…
Lorsque vous en avez par-dessus la tête de tout et de tout le monde vers quoi vous tournez-vous?
Je cherche un lieu de silence. Dans un monde où tout est accélération, il est difficile de faire silence à l’intérieur de soi afin de prendre le recul nécessaire. J’aime la marche et, dans ces cas, je marche, parfois plusieurs heures, seule. Il y a aussi les lieux de prière. J’ai une grande amitié pour les couvents et les congrégations, en particulier le Carmel du Pâquier.

Un hobby?
La marche, la lecture et la musique. J’avoue, et cela ne semble plus politiquement correct, que j’ai une résidence secondaire à Charmey. Ce qui me permet de découvrir les nombreux sentiers de randonnée de la région.

Le dernier livre que vous avez lu?
Le Concerto pour la main morte, d’Olivier Bleys.

Le dernier film que vous avez vu?
The Geographer drank his Globe away, lors du Festival du film russe à Lausanne.

Votre musique préférée?
Je ne fais pas partie de ceux qui opposent la musique classique à la musique plus populaire. J’avoue une préférence pour Bach, mais cela ne m’empêche pas d’aimer Bob Dylan ou Barbara. MH/JG

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