L’esprit de corps par le jeu

| jeu, 17. oct. 2013
C’est dans le vent. Les entreprises se mettent au vert pour souder leurs équipes. De prime abord ludique, l’exercice vise à améliorer la performance. C’est tout l’art du team building.

PAR THIBAUD GUISAN


Une toque et un tablier de cuisine. Les chefs d’entreprise se transforment en maîtres queux. Dernièrement, ils étaient une quarantaine à participer à un Cook n’Chef à Bulle.
Au menu, pour les équipes constituées, d’abord des questions: «Quel verbe désigne l’action de faciliter le gonflement d’une croûte?» La réponse sort du brouhaha et des rires: «Chiqueter.» Place ensuite à des défis techniques, comme réaliser la plus longue épluchure avec la peau d’une pomme. Enfin, une mission créative: les groupes réalisent des petits-fours pour l’apéritif final.
Inspiré d’émissions télévisées, le jeu culinaire a été mis au point par l’entreprise d’événementiel fribourgeoise Une-bon-ne-idee.ch. Présenté à Bulle dans le cadre d’un réseautage de la Chambre de commerce et d’industrie Fribourg, le Cook n’Chef est une activité ludique de team building.


Origine nord-américaine
Le team building? Comme son nom l’indique en anglais, c’est la construction d’une équi-pe. Où le renforcement de la cohésion passe par des activités hors de l’entreprise. «Le concept vient du continent nord-américain, explique Claude Gendre, directeur d’Une-bonne-idee.ch. Il s’est répandu en Europe dès la fin des années 1980.»
Ancien ambulancier, Claude Gendre s’est formé comme coach en entreprise. La société qu’il a cofondée en 2008 à Fribourg s’est rapidement spécialisée dans le team building, au point d’en devenir un des leaders romands. «Cette année, nous organiserons 220 team buildings, contre une centaine en 2012. Ils durent entre une demi-journée et deux jours.» La demande est donc en forte augmentation, même si la société dit «aussi gagner des parts de marché».
Sport, cuisine ou jeux de rôles, les activités de team building s’apprêtent à toutes les sauces. Elles ont un point commun: «Elles aident un groupe à se reconnaître comme équipe, explique Philipp Bubenzer, professeur à la Haute Ecole de gestion de Fribourg. Quand on rejoint une entreprise, on s’identifie à sa propre formation et à son expérience individuelle. Le team building participe à transformer cette identité personnelle en une identité collective.»
Spécialiste en innovation et en psychologie organisationnelle, Philipp Bubenzer y voit «davantage qu’une mode». «Les marchés ont changé. En Suisse, on n’a pas le choix: pour rester compétitif, on doit innover. Il est essentiel pour les entreprises d’améliorer la capacité des gens à travailler ensemble. La communication interdisciplinaire, entre départements et entre gens de différents métiers, est particulièrement importante.»


Une métaphore
Pour Claude Gendre, les activités de team building sont «une métaphore du quotidien professionnel»: «Elles visent à renforcer la communication et le leadership des membres de l’équipe. Il peut s’agir d’aventures en terrain “hostile” ou d’exercices plus cérébraux, plus stratégiques, davantage en lien avec l’entreprise. On peut par exemple inviter les participants à imaginer un nouveau produit fictif, par groupes.» Philipp Bubenzer insiste lui aussi sur la notion de symbolique: «Quel que soit le jeu ou l’exercice, il faut savoir dans quel but on le fait.»
Une séance de team building n’est donc pas une simple «sortie de boîte». «La balade ou le repas d’entreprise contribuent aussi à renforcer la cohésion et le sentiment d’appartenance à l’entreprise. Mais la démarche est plus passive.»
Les clients d’Une-bonne-idee.ch viennent de toute la Suisse romande, mais principa-lement de l’arc lémanique. «Les entreprises fribourgeoises commencent à s’y intéresser, note Claude Gendre. Jusque-là, c’était moins dans leur culture.» Par contre, la Gruyère est un terrain de jeu prisé pour les activités de team building. Une-bonne-idee.ch organisait dernièrement une session de deux jours depuis un chalet de La Chia.
Le secteur tertiaire est le plus friand de team building, mais des entreprises d’autres domaines – comme la construction – s’y essaient (lire ci-dessous). «Nos événements réunissent entre 10 et 50 personnes, explique le directeur d’Une-bonne-idee.ch. Il peut s’agir de tous les collaborateurs de l’entreprise, de ses cadres ou d’un département.»
Plusieurs situations sont propices à des «jeux d’entreprise»: le lancement d’un projet – par exemple la construction d’une nouvelle usine – les réorganisations d’équipes ou les changements de stratégie. Mais l’opération a un coût: il faut compter entre 120 et 500 francs par personne – pour une demi-journée à deux jours – pour un team building organisé par une société spécialisée. Effort rentable? «Il n’y aurait pas un tel essor si les entreprises ne voyaient pas de bienfait», répond Claude Gendre.
A condition de bien choisir les activités. «Au niveau des capacités physiques, on a affaire à des personnes très différentes. Il y a parfois réunis celui qui prépare l’Ironman d’Hawaï et celui qui est sédentaire depuis dix ans. Il faut générer de la difficulté, mais pas stigmatiser. Le but d’un team building est de souder. Pas l’inverse.»


Le danger de l’extrême
De même, l’esprit d’équipe, c’est bien, mais pas poussé à l’extrême. «Une trop forte identité ou confiance en soi de collaborateurs, de certains départements ou d’entreprises tout entières peuvent conduire à ne pas voir ses faiblesses et à faire bloc contre la nouveauté», prévient Philipp Bubenzer.

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