La fondue dans tous ses états

| sam, 05. oct. 2013
Aux premiers frimas, la fondue fait son grand retour. Le canton de Fribourg peut s’enorgueillir de posséder de belles pâtes pour ses traditionnelles «moitié-moitié» et «pur vacherin». Les variations sont tolérées.

PAR PIERRE-ETIENNE JOYE

Apportez la marmite de fromage fondu!» ordonne un gouverneur romain dans Astérix chez les Helvètes. A d’annoncer, jovial, glaive à la main, que celui qui perdra son petit bout de pain pour la troisième fois sera jeté dans le lac avec un poids attaché au pied. Le produit est une solide référence culturelle, voire un cliché. Et si, désormais, les Savoyards ne contestent plus la paternité de la fondue à la Suisse, son origine est bien plus complexe.


De Homère à Zurich
Les traces les plus anciennes figurent dans l’Iliade d’Homère, où il est question de fromage de chèvre râpé dans du vin. Il y a quelques années, la conservatrice du Musée gruérien Isabelle Raboud-Schüle avait jeté un caillou dans la gouille en affirmant que la fondue n’était pas gruérienne, mais que les premières mentions provenaient du canton de Neuchâtel. «Oui, il y a même eu des échos jusqu’aux Etats-Unis, s’amuse l’ethnologue. En fait, il n’y a pas d’unique inventeur. Les préparations alimentaires à base de fromage fondu existent depuis des siècles, mais il faut rester prudent sur la traçabilité des prétendues origines.»
Isabelle Raboud-Schüle ajoute que la première recette de fondue connue en Europe et certifiée comme telle fut publiée en 1699 dans un manuel... zurichois. Et ce n’est sans doute pas les travailleurs de la montagne qui la mangeaient. Le fromage était le gagne-pain de l’armailli. C’est plutôt une élite bourgeoise et urbaine qui pouvait se payer le luxe de s’acheter du fromage et de déguster la fondue. Quant au fameux gastronome Brillat-Savarin, fuyant la Révolution française, il raconte fièrement s’être fait servir à Moudon une masse à base de fromage fondu, de beurre et d’œufs.
La nationalisation de la fondue? Elle date de l’entre-deux-guerres. Un coup de pub pour relancer l’industrie et la consommation de fromage. Les slogans vantant la suissitude et la convivialité se répandent de l’armée au toit familial. Tip-top, le symbole se meut en mythe.


Variantes en veux-tu en voilà
Depuis, chaque région confectionne sa fondue en intégrant la production locale. En Suisse alémanique, elle pourra comprendre un pourcentage variable d’appenzell, d’emmental, de sbrinz ou de tilsit, ainsi que du gruyère. Plusieurs gruyères composeront parfois la totalité de la préparation dans les cantons de Vaud ou Genève. A Neuchâtel on y ajoutera de l’emmental.
En Valais, impossible de détrôner le raclette. Il sera aussi en partie utilisé pour la fondue à la tomate. En France, c’est en Savoie et en Franche-Comté que la fondue est la plus populaire. Les fromages se nomment beaufort, abondance ou comté. L’Italie encore: les régions du Piémont et du val d’Aoste servent une fondue à base de fontina et de truffes blanches. Rien que ça.
Et maintenant, une armada d’adjectifs pour décrire – dans le désordre – l’aspect, le goût, la texture: suave, épaisse, corsée, gommeuse, liquide, lisse, acide, brillante, typée, etc. Avec des qualificatifs qu’on réservera à la fondue au vacherin: doux et crémeux. Aromatique toujours.


Audace et coup de jeune
Les recettes de fondue ne sont pas figées et l’on ose sans complexe leur apporter quelques modifications. Au-delà des fondues customisées aux herbes, aux bolets, ou autres fruits exotiques, on supportera plusieurs déclinaisons sans pour autant dénaturer la subtilité des fromages choisis. Variations faites de détails qui la rendront ici plus légère, ou là tout simplement différente.
Tentons alors un morceau de bleu dans une moitié-moitié, une fondue au fromage de chèvre, des champignons séchés moulus (ailes d’épervier) comme alternative au poivre, ou encore le remplacement du vin par du mousseux, du cidre ou de la bière. A Fribourg, la brasserie du Chauve propose à ce sujet une cuvée spéciale pour son élaboration, la «Fondja». Pour une pur vacherin, difficile de chambouler la tradition, car cela tient avant tout du bon sens: on reste à l’eau.

 

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Combien de sortes de vacherin?
D’aucuns ne jurent que par elle. La totale vacherin serait la seule, la vraie. «LA» fondue fribourgeoise. Celle du temps jadis, celle du bouébo Vaccarinus.
Alors combien de variétés pour une fondue digne de ce nom? Tout dépend des sensations recherchées. A la fromagerie de Marsens-Vuippens, Marc-Henri Horner n’est pas peu fier d’avoir réhabilité les recettes anciennes, d’avant la pasteurisation. Il se plaît à rappeler que la fondue au vacherin est par définition plus douce que la moitié-moitié. «Un seul vacherin peut par conséquent suffire, s’il est parfait! Bien sûr, nous proposons un mélange clé en main fait de vacherins de maturités variables – cinq à sept sortes… C’est avant tout pour garantir une certaine stabilité.»
A l’Interprofession du vacherin fribourgeois, le maître fromager François Rémy confirme: «Le réflexe, c’est de préconiser trois sortes de vacherin. Or, un seul peut suffire, s’il est bon. Et les arômes seront toujours différents, en fonction du mode de production et du degré de maturité. L’idéal, c’est de choisir des fromages entre 3 et 5 mois.»
Les autres fromagers contactés vont dans le même sens. Un seul morceau de qualité peut convenir. Mais plusieurs sortes sont généralement proposées pour tendre vers un goût qui plaise à tous les convives. Sans jugement péjoratif, il s’agit d’assurer une saveur standard... Coup de fil encore à deux cafés réputés en Gruyère et en Veveyse. Verdict: de trois à quatre vacherins dans le caquelon, pour garantir justement cette régularité relative. PEJ

 

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