Bûche, ô ma bûche…

| sam, 14. déc. 2013
photo chloé lambert
C’est bien souvent un moment très attendu par petits et grands: le dessert de Noël. Ce cadeau à lui seul se déguste traditionnellement sous forme de bûche le jour dit. Le soir du réveillon aussi, mais de préférence glacée.

PAR PIERRE-ETIENNE JOYE

La dinde est avalée et il ne reste que quelques marrons qui se courent après? Les fromages avancent tout seuls sur la table? Le vin rouge n’est plus que tartre au fond de la carafe?
Il est grand temps de passer au clou de la soirée avant que les marmots n’arrachent avec frénésie les papiers des paquets du Père Noël. Sortons une roteuse avec des bulles un peu sucrées ou un vin doux… ça y est, elle trône sur la table! La bûche glacée au pain d’anis et à l’orange n’attend que le premier coup de couteau. Le pain d’anis? Une manière originale et locale de transposer une saveur givrée spéciale, inspirée de la glace au spéculoos belge. Et l’orange pour rappeler que cet agrume aujourd’hui commun fut longtemps un fruit de luxe offert aux enfants à Noël en guise de cadeau.


Tronc d’arbre fruitier
Un peu d’histoire encore pour faire son malin à table. Avant la tradition culinaire, la bûche en était une vraie, bien solide en bon bois d’arbre. Fruitier de préférence. On est grosso modo au Moyen Age et la coutume s’est ancrée dans toute l’Europe. La grosse bûche est disposée dans l’âtre ou la cheminée lors de la veillée de Noël. Elle est bénite avant d’être allumée. Elle devra se consumer très lentement, au moins pendant trois jours, au mieux jusqu’au Nouvel-An. Un rite censé assurer des récoltes fertiles pour les saisons à venir. Elle était arrosée parfois d’un verre de vin pour garantir de bonnes vendanges.
La souche incandescente induit aussi chaleur, gaieté et ambiance festive, avec une attention particulière accordée aux enfants: au bas de la bûche ou dans un trou du tronc, des fruits secs et des sucreries y étaient placés. Ce rituel fera progressivement place à la bûche comestible. Miam, l’évolution des traditions a parfois du bon.


Biscuit roulé et décoré
Des bûches de Noël, il y en a pour tous les goûts. Au marron, au chocolat, façon tiramisu, à la mousse de fruit, aux macarons ou aux biscuits rose, en cheese-cake, en mille-feuille… n’en jetons plus! On peut dresser l’inventaire jusqu’à plus faim. Mais au-delà de ces bûches un peu fantasques, voire olé olé (au churros, caramba!), il y a la version qu’on peut qualifier de standard. A la base, la bûche de Noël est un biscuit – génoise – sur lequel on étale une crème au beurre parfumée au café ou au chocolat. Le gâteau est ensuite roulé puis recouvert d’une nouvelle couche de crème au beurre ou d’une ganache. On lui donne un aspect boisé en la taillant en biseau et en la striant.
Vient alors la décoration, souvent constituée de champignons en massepain, de petits personnages de circonstance, de sapins en sucre, de feuilles de houx, voire de scies et de haches en plastique. Un peu too much? Marre de cet attirail kitch? Il est possible de virer tendance: les grands pâtissiers font aujourd’hui dans la sobriété côté garniture. Classieuse et raffinée, la bûche du XXIe siècle.


Système D
Notre bûche sera quant à elle ni traditionnelle ni avant-gardiste. Elle aura un chouïa de régionalisme avec l’utilisation de pain d’anis, produit du terroir fribourgeois et elle sera glacée. Là aussi on composera avec une flopée de variations. Sans compter le nombre de desserts glacés directement liés à Noël ou aux festivités de fin d’année. Les labiales seront lustrées avec l’immuable nougat glacé, l’avenant vacherin glacé et son cousin le parfait, l’imposante bombe au marron ou encore la solide coupe Mont-Blanc.
Misons donc sur notre bûche gruérienne. A ce stade, un petit obstacle: elle nécessite un moulage. Les puristes utilisent une «gouttière». Or à quoi bon sortir le crapaud pour une utilisation rare, voire unique dans l’année? On ne l’achètera pas. Pas besoin non plus d’aller démonter un bout de chéneau du toit du voisin, nous allons la fabriquer nous-mêmes! Matériel simplissime: une grande bouteille en pet vide et des ciseaux. Ouvrons-la vers le haut, et tapissons le fond et les bords de ce moule improvisé avec du papier sulfurisé. Et maintenant, place à la confection de notre dessert.

 

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Bûche à la glace à l’anis et à l’orange

Ingrédients (12 personnes)
Pour la glace au pain d’anis, rassemblons 8 jaunes d’œufs, 250 grammes de sucre, 4 sachets de sucre vanillé, 8 dl de lait, un demi-litre de crème à fouetter, 400 grammes de pain d’anis, une cuillère à café de poudre d’anis, une tombée d’absinthe (ou de pastis) et une pincée de sel.
Procurons-nous un bac d’un demi-litre de glace à l’orange toute faite (ou maison, les recettes abondent). Il nous faudra encore quelques meringues, de la crème chantilly sucrée et des motifs de décoration.

Préparation
La glace d’abord. Hauts les cœurs! Nous allons incorporer les sucres, le sel aux jaunes d’œufs, et battre le mélange jusqu’à moussitude. On y verse doucement le lait avant de placer le tout au bain-marie pour y faire épaissir notre masse. Tournons sans relâche et laissons tiédir. Pendant ce temps, nous allons réduire les pains d’anis en poudre en les mixant ou en les écrabouillant. Brassons le tout en ajoutant absinthe et poudre d’anis. On incorpore ensuite la crème fouettée avant d’expédier au congélateur quelques heures ou de faire turbiner en sorbetière.

Montage
Sortons les glaces une bonne heure avant de mouler. L’atelier de bricolage des saveurs bat son plein, les amis! On incorpore dans notre boutanche couchée la glace au pain d’anis ramollie. La moitié seulement. Disposons un fin lit de miettes de pain d’anis et de meringue sur cette première couche, puis étalons la glace à l’orange. Nouvelle paillasse de miettes et dernier remplissage de glace anisée. Retour fissa au congélateur cinq ou six plombes. L’entier de la masse suffit pour deux bouteilles d’un litre et demi. On peut donc très bien alterner les opérations et les séjours au froid.

Finition
Démoulons la bûche en cisaillant son sarcophage avec la délicatesse d’un archéologue. On ajuste les bords en coupant les aspérités, puis on la recouvre de crème chantilly. Strions gaiement avec une fourchette et lâchons-nous pour la déco. Si des mouflets intrigués aux yeux gourmands pointent leur frimousse, on aura recours à leur imagination débordante. Quelques pains d’anis entiers semblent toutefois incontournables. Retour alors à la case congélo jusqu’à l’heure du dessert. Chantons tous en chœur. Joyeux Noël. PEJ


 

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