L’espérance en petites doses

| mar, 24. déc. 2013
Le chanoine Claude Ducarroz publie Rencontres au cœur de l’humain. Un livre où il dialogue avec son ami Jean-Marc Richard. Menée par Micheline Repond, la discussion est centrée sur la notion d’engagement.

PAR ANGELIQUE RIME

Aucun doute, Claude Ducarroz est un homme engagé. Ordonné prêtre en 1965, le prévôt du chapitre cathédral de Saint-Nicolas, à Fribourg, a donné de son temps pour les prisonniers, les requérants d’asile, les toxicomanes. Il a défendu la cause des objecteurs de conscience, milite pour l’œcuménisme. Justement, l’engagement est au centre du livre Rencontres au cœur de l’humain, qui propose un condensé des discussions que Claude Ducarroz a entretenues avec son ami Jean-Marc Richard, animateur et producteur à  la RTS. Un dialogue mené cinq jours durant au Foyer de charité des Dents-du-Midi, à Bex, sous la houlette de Micheline Repond.

Nous sommes à la veille de Noël. Que représente cette fête pour vous?
Noël, c’est le moment où Dieu et l’homme cessent enfin d’être en concurrence et deviennent complices. La naissance du Christ est aussi la preuve que Dieu est fait pour l’homme et que l’homme est fait pour rencontrer Dieu. Ce soir, je célébrerai la messe de minuit à l’église du Christ-Roi, à Fribourg. Et demain, j’accompagnerai l’évêque lors de la messe à la cathédrale, comme le veut la tradition.

Pour les besoins du livre, vous avez confronté votre point de vue avec celui de Jean-Marc Richard. En fait, vous étiez plutôt d’accord...
Il y a entre nous de l’amitié, mais aussi de la complicité. Je crois qu’on est un peu sur la même longueur d’onde, celle de la sensibilité aux autres, de la solidarité et de l’engagement. Le but n’était pas de faire un livre aux contrastes artificiels. C’était un échange, à partir de questions que je suppose intelligentes et intéressantes. Quant aux réponses...

On apprend en tout cas que vous avez réconcilié Jean-Marc Richard avec l’Eglise. Comment vous y êtes-vous pris?
Je crois que le déclic s’est fait lorsqu’il a organisé l’émission Les zèbres (n.d.l.r.: programme radio destiné aux enfants) à la cathédrale de Fribourg. A la fin de la semaine, on est allés manger ensemble et il m’a demandé de baptiser son fils. La grâce de la cathédrale y est certainement pour quelque chose!

Dans le livre, vous dites aussi que vous avez ressenti un appel intérieur pour devenir prêtre. Pouvez-vous le décrire?
Extérieurement, je voulais faire comme le curé de mon village, un homme très sympathique et proche des gens. Intérieurement, je ressentais que je pourrais être heureux ainsi. Je n’ai pas une vocation sacrificielle, où j’aurais senti un appel à donner ma vie en sacrifice pour le salut du monde. J’ai associé le ministère à une forme de bonheur. Et je peux dire qu’après bientôt cinquante ans, je suis toujours un prêtre heureux. Ce qui ne veut pas dire que je l’ai toujours été. Il y a aussi eu des moments difficiles. Notamment lorsqu’on partage les souffrances des autres. Les prêtres ne sont pas des fonctionnaires qui ferment le guichet le vendredi soir.

Et vous en avez rencontré beaucoup, des gens qui ont souffert?
Oui, mais ce qui m’a toujours étonné et souvent émerveillé, c’est de voir leur capacité de continuer à espérer et à faire du bien à d’autres. Certaines personnes qu’on souhaitait aider étaient les premières à nous faire du bien.

On peut donc tirer «du positif de la souffrance». Un point sur lequel vous êtes d’ailleurs en désaccord avec Jean-Marc Richard. Qu’amène-t-elle?
C’est le mystère du Christ qui m’apprend ça. Je vois que le Christ, par sa crucifixion, n’a pas esquivé la souffrance. Il en a fait un passage, une Pâque. Alors si vous dites à des gens qui souffrent que ça n’a aucun sens, c’est leur faire encore plus de mal! Ceci dit, je suis contre tout dolorisme. Et je pense que Jean-Marc a dû sentir qu’il y avait une sorte de culture de la souffrance dans l’Eglise, comme si la souffrance était la signature de Dieu.

D’ailleurs, vous aimez mieux voir une croix sans le Christ, pourquoi?
ça rappelle qu’il y fut, mais ça indique qu’il n’y est plus. ça ouvre sur le positif. Si le positif ne l’emporte pas dans la vie, on crée des désespérés. La foi donne l’espérance. Cette espérance, je ne peux qu’en distiller quelques graines à dose homéopathique. Mais celui qui a fait basculer le destin dans le positif, c’est le Christ. C’est le plus grand révolutionnaire de l’histoire.

Lorsque vous rencontrez des non-croyants, essayez-vous de les convaincre?
Non, on discute. J’aime bien le débat. J’aimerais montrer aux gens que la rencontre avec le Christ ne déshumanise pas, mais humanise. Les gens croient que la religion rend moins humain, avec la morale, les interdits, qu’on devient une humanité rabougrie en étant croyant. Au contraire, la foi au Christ épanouit l’humanité.

Est-ce que ces différentes rencontres ont contribué à faire de vous un prêtre heureux?
C’est une des composantes. Mais le plus important, c’est de sentir qu’on est à sa place. Et là, il y a le mystère d’une communion avec le Christ. Je crois quand même que c’est lui qui m’a appelé! La foi donne aussi un sens à ce que je fais, ce que je vis. Un prêtre sans la foi deviendrait un assistant social.  

En tant que prêtre, vous avez exploré le monde. ça a été une chance?
Oui. J’en suis d’ailleurs très reconnaissant à mon Eglise. Je trouve qu’elle m’a permis de vivre une belle vie de prêtre, mais aussi d’homme. J’ai pu aller à l’étranger, apprendre des langues, j’ai eu des ministères très variés. Tant auprès des jeunes, que dans une paroisse, dans la formation, dans la direction d’une école. D’ailleurs, je dis souvent que les Suisses sont meilleurs quand ils reviennent. Mais pour ça, il faut qu’ils sortent! Donc je ne suis pas un prêtre aigri, qui aurait des reproches à faire ou des comptes à régler.


Vous restez tout de même assez critique vis-à-vis de l’Eglise...
Ce n’est pas un mal. Je ne voudrais pas tomber dans l’autosatisfaction. C’est l’histoire de l’Eglise qui me l’a appris. Quand on la lit, il y a à boire et à manger! J’essaie toutefois de faire en sorte que la critique inscrite en marge reste sur la page. Mais il y a de la marge et je l’utilise, même si je me sens en profonde communion avec mon Eglise.
J’aimerais par exemple qu’on fasse davantage de pas vers l’œcuménisme, qu’on revoit la question des ministères. Pourquoi ne pas ordonner des hommes mariés ou des femmes? Je place de l’espoir dans le pape François, mais j’attends confirmation sur certains points. Pour l’instant, je trouve que c’est bien parti.  
 
Lors de vos voyages, notamment dans le Tiers-Monde, vous avez côtoyé la misère. Pour vous, c’est d’ailleurs inadmissible que des enfants meurent encore de faim de nos jours...
ça me scandalise fortement. Quand on voit les possibilités qu’il y a dans la société du point de vue de l’information, de la mobilité ou encore tout ce qu’on peut changer en quelques heures lorsqu’on veut faire la guerre, c’est inadmissible que des enfants meurent encore de faim. Je me dis que, peut-être, dans un siècle, on jugera très sévèrement notre société qui n’a pas été capable de nourrir ses enfants.
Ce qui me choquerait encore plus, c’est qu’on arrive à l’indifférence alors qu’on sait, qu’on voit. Le pape François dit d’ailleurs être «choqué par la mondialisation de l’indifférence». Même si je sais que tout le monde n’est pas indifférent. Un exemple? Jean-Marc.


«Rencontres au cœur de l’humain», Claude Ducarroz et Jean-Marc Richard, Editions de la Sarine, 165 pages
 

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