L’homme du renouveau

| mar, 03. déc. 2013
Rarement quelqu’un aura fait autant l’unanimité que Vincent Ducrot. Qui plus est aux Transports publics fribourgeois dont il a pris la direction en juin 2011. Sous son ère encore brève, les TPF ont déjà connu une mue profonde.

PAR JEAN GODEL

Il est comme ça, Vincent Ducrot: la sonnerie de son portable retentit aux notes de Fame, la musique du film d’Alan Parker. «Remember my name/Fame…», chantait Irene Cara. Nul doute que les Fribourgeois se souviendront de son nom. Car Vincent Ducrot a réussi un exploit depuis qu’il est arrivé à la tête des Transports publics fribourgeois, en juin 2011: leur faire aimer les TPF! Lui-même se dit fier du chemin accompli: «On a progressé, mais on doit encore être bien meilleurs.»
Avec lui, tout a changé. Sa marque de fabrique? Un enthousiasme communicatif, à l’interne comme à l’externe: «Il ne faut jamais renoncer aux utopies», sourit-il. Venu de l’informatique, il s’est découvert une passion pour le transport. «On peut y faire avancer les choses. Sinon je m’ennuie.» Avancer, oui, mais avec les collaborateurs. Aux CFF, il avait acquis la conviction que les TPF avaient un gros potentiel et qu’il s’y trouvait des gens compétents. «C’est vrai qu’à mon arrivée, j’ai dû restructurer la maison. Mais très vite, j’ai pu appliquer de nouvelles méthodes et en dynamiser le fonctionnement avec le personnel présent.» Comme un vent frais réveillant une belle endormie. Qui s’ignorait belle et qu’on savait endormie.


Prédécesseurs épargnés
Inutile d’espérer le voir critiquer ses prédécesseurs. André Genoud? «Un visionnaire qui a commis l’erreur de penser que l’argent viendrait tout seul de Berne.» Mais ses investissements, jugés alors hasardeux, profitent désormais aux TPF: les halles Glasson, à Givisiez, comme les terrains de la gare de Bulle ou d’Estavayer-le-Lac sont devenus stratégiques et valent une fortune.
Claude Barraz? «Un financier qui a sorti les TPF d’une difficile restructuration.» Après la loi fédérale de 1999, dite Loi GFM, par laquelle Berne, après le canton de Fribourg, sauvait à fonds perdus l’entreprise de la débâcle, «les TPF sont en 2013 dans une situation très saine», constate Vincent Ducrot.
A l’interne, c’est un patron disponible dont la porte est toujours ouverte. Qui passe beaucoup de temps sur le terrain avec ses collaborateurs. Qui travaille dans la confiance, l’important étant que le travail soit fait. «J’aime œuvrer en équipe, donner des impulsions, voir se développer le système et naître la motivation des gens.» Résultat: une fidélité sans faille des collaborateurs et aucune peine à en recruter de nouveaux. «Ils sont plus fiers de ce qu’ils font.»
A l’externe, il a soulevé la chape de plomb qui cachait l’entreprise aux Fribourgeois. Et exaspérait certaines collectivités publiques au moment de signer les contrats de prestations présentés par les TPF… «Oui, notre image s’est beaucoup améliorée, l’entreprise n’est plus la même», reconnaît-il simplement, sans langue de bois – ce n’est pas son genre. La fréquentation parle en sa faveur, en hausse moyenne de 5 à 6% par an, soit bien plus que la croissance moyenne de la mobilité (2%) et de la démographie.
A son arrivée, Vincent Ducrot s’est lancé dans la modernisation des infrastructures. Puis dans l’industrialisation du fonctionnement d’une entreprise où de nombreux processus n’étaient pas systématisés. A ce jour, quelque 350 projets sont lancés. Du plus simple (la suppression de passages à niveau) aux plus complexes (le nouveau quartier de la gare à Bulle).


Bus au quart d’heure à Bulle?
L’avenir des TPF, Vincent Ducrot le voit en trois points. D’abord, le trafic dont il veut poursuivre le développement. Soit, à terme et dans l’idéal, des cadences à la demi-heure dans tout le canton, y compris sur les grandes lignes de bus. Et même au quart d’heure dans les agglos de Fribourg et Bulle – «j’espère avant dix ans». Les services à la clientèle, eux aussi, devront suivre. Ensuite, il s’agira de mettre à niveau des infrastructures comme les gares. Enfin, le directeur veut faire fructifier le patrimoine immobilier, dont les terrains au centre de Bulle et Châtel-Saint-Denis.
Mais il a d’autres utopies, qu’il s’efforcera de faire venir à la réalité. La Gruyère? «Elle n’utilise pas assez le ferroviaire.» Alors pourquoi pas un Mobul 2, avec des bus au quart d’heure et des trams-trains? Quant aux menaces de Berne sur certaines lignes régionales, il ne s’en émeut guère: «Il faut savoir lire entre les lignes et voir les jeux de pouvoir entre l’Office fédéral des transports et celui des finances…D’ailleurs, Berne vient de nous autoriser à renouveler notre matériel roulant à voie étroite. On est bons pour vingt-cinq ans au moins.»

 

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Le plaisir d’organiser le désordre
Fils d’un papa vétérinaire à Châtel-Saint-Denis et d’une maman, Rose-Marie, syndique, députée, constituante et conseillère nationale, Vincent Ducrot est né en 1962. Et a passé une enfance heureuse. Très curieux, il parlait sans cesse: «Après m’avoir gardé une semaine, ma tante m’a rendu à mes parents, très soulagée…» Aîné de trois enfants, scout toujours, il skiait mal, mais bricolait beaucoup. Et l’hiver, il invitait ses copains sur la côte à bob, derrière la maison de Fruence. «Le but, c’était d’atterrir dans le jardin en sautant en bob par-dessus la haie!»
Son histoire avec les GFM a commencé dans le bus qui amenait sa classe skier aux Paccots. «Un vieux Saurer qui roulait au pas. Le chauffeur nous prenait tour à tour sur ses genoux.» Lui qui détestait être en retard a toujours été attiré par l’organisation. Pas le propre en ordre, non: la mise dans un ordre efficient de systèmes à la base chaotiques. Il bidouillera le premier ordinateur familial (un DEC à floppy disc) et fera venir des USA les premiers Macintosh.


Déniché par un chasseur de têtes
Après son bac latin-langues à Bulle, ce sera le poly à Lausanne en électricité, avec spécialisation en informatique, puis un postgrade en organisation industrielle à l’EPFZ. INSER SA, à Châtel-Saint-Denis, lui offre son premier emploi: «J’adorais structurer un problème, le traduire en un langage informatique répondant aux besoins du client.» Il passe chez JMA, une filiale de Texas Instrument spécialisée dans les logiciels. Déniché par un chasseur de têtes. Des grands projets pour de gros clients: Hapag Lloyd, Peugeot-Citroën, Zurich Assurances. Et les CFF qu’il rejoint en 1993, nommé à la tête de la division produits-logiciels.
Parmi ses innombrables projets, celui de l’application de vente, encore en service. A son lancement, un bug survient: «A 5 h, un client a acheté un abonnement général pour chien. Or notre système lui demandait le nom et le prénom du toutou…» Il sera ensuite le délégué des CFF à Expo.02 (le rêve en termes de chaos à démêler!) où il mettra au point l’offre en transports publics. «Un projet parmi les plus passionnants de ma carrière.»


Aux TPF grâce au RER
Les CFF flairent le bon filon. «Quel poste veux-tu?» lui demande le chef de CFF Voyageurs, Paul Blumenthal. Vincent Ducrot se retrouve à la tête du secteur grandes lignes. «On a tout réorganisé, en faisant des choses incroyables de façon très simple. Depuis, ça s’est bien complexifié…» Il y a eu les petits problèmes: «Selon nos listes, nous payions un bagagiste à La Chaux-de-Fonds qui était en taule depuis des mois!» Et les grands: les changements d’horaires, Rail 2000, la nouvelle ligne du Lötschberg, l’international (la création de Lyria, l’Euro 2008) ou encore le mégacontrat d’acquisition de matériel roulant: «On ne signe qu’une fois dans sa vie pour deux milliards fermes, cinq en option.»
Et puis il y a eu le RER Fribourg qu’il a préparé avec Christian Castella, président des TPF. Lequel le convainc de rejoindre l’entreprise. «J’avais envie de changer», explique Vincent Ducrot. Sans doute aussi l’envie de structurer les problèmes. JnG

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