PAR THIBAUD GUISAN
On dirait un petit ovni noir. D’un diamètre de 19 cm et haut de 2,8 cm, le dispositif permet de compter les places de parc disponibles en plein air. L’outil a été développé par Tinynode SA à Lausanne. L’entreprise a été fondée en 2012 et emploie cinq collaborateurs. Son responsable, cofondateur et copropriétaire est Gruérien: Pierre Castella, un ingénieur de 31 ans établi à Bulle (lire ci-dessous). «Pour les parkings couverts, un système de comptage existe depuis longtemps, note-t-il. Les détecteurs sont placés au plafond.» Leurs témoins lumineux verts ou rouges sont bien connus des automobilistes.
Comme une boussole
Avec ses capteurs, la petite boîte de Tinynode détecte si un véhicule (camion ou voiture) est parqué au-dessus d’elle. «Le système de détection ressemble à celui d’une boussole. La présence d’un véhicule dévie le champ magnétique terrestre, un peu à l’image de ce que ferait un aimant.» Le dispositif en conclut que la place est occupée. L’information se transmet jusqu’à un centre d’exploitation. De là, le nombre de places disponibles peut s’afficher sur des panneaux indicateurs ou sur des applications pour smartphones. Et dans un futur proche sur les GPS. «L’objectif est de réduire le temps destiné à la recherche d’une place de parc.»
D’abord pour camions
Le dispositif a commencé par séduire les exploitants d’autoroutes en France, désireux d’équiper leurs parkings pour camions. Il est notamment en place sur les aires de repos des axes Troyes-Calais, Toulouse-Limoges et Paris-La Rochelle. Et ce mardi, Tinynode a reçu une commande pour équiper vingt aires supplémentaires, en région parisienne.
D’ici à juin 2014, une cinquantaine de zones de repos françaises seront équipées. «Les chauffeurs routiers sont légalement tenus de faire des pauses à des moments précis. Il est important pour eux de savoir s’ils doivent s’arrêter ou s’ils peuvent continuer jusqu’à l’aire suivante. Notre dispositif évite qu’un parking soit surchargé et qu’un autre, voisin, soit quasi vide.» Conçu en Suisse, mais produit en Chine, le système lausannois équipe aussi une aire à poids lourds du Maryland aux Etats-Unis et deux parkings autoroutiers en Allemagne.
Depuis ce printemps, un modèle pour voiture a été mis au point. Le dispositif est installé sur une dizaine de parkings, en Autriche, en Suède, en Finlande et en Grande-Bretagne. «Il s’agit de parkings privés, de zones de stationnement de centres commerciaux et d’aéroports.»
L’intérêt des villes
Les villes sont aussi visées. «Pour le centre commercial, l’intérêt est d’augmenter la rentabilité. Un automobiliste qui cherche à se garer n’achète pas pendant ce temps. Pour une municipalité, l’intérêt est de désencombrer son centre. Des études ont montré qu’un tiers du temps roulé en ville est destiné à chercher une place.»
Effet indirect, l’automobiliste sachant sa zone de stationnement équipée d’un tel dispositif est davantage incité à payer son dû. «Les premiers déploiements urbains ont montré en général des recettes de stationnement en augmentation de 3%, glisse Pierre Castella. Cela représente de très gros montants à l’échelle d’une ville.»
Des tests à Lugano
Tinynode n’est pas (encore?) prophète en son pays. Son dispositif n’équipe pour l’heure aucun parking en Suisse. «Des tests ont toutefois été effectués à Lugano entre 2011 et 2012. On a équipé 75 places de parc de la ville de notre système.»
Il faut compter environ 150 francs par boîte noire pour un parc de quelques milliers de places. A l’intérieur, on y trouve un «puck» hermétique à l’humidité contenant capteurs, batterie et puce radio. «Le défi était de mettre au point un système résistant aux intempéries, aux vibrations et aux parasites.» Il ne faudrait en effet pas qu’une cannette en alu tombée à côté de la boîte noire fasse croire qu’un véhicule occupe la place de parc. «La batterie résiste au moins dix ans. Et des tests face au froid ont été concluants dans les pays nordiques.»
Et face aux chasse-neige? «La boîte peut être placée sous le bitume par un carottage», explique Pierre Castella.
Le Gruérien espère que le développement de réseaux autoroutiers dans les pays européens émergents débouchera sur quelques commandes pour le comptage des camions. «En ex-Yougoslavie ou dans les pays baltes par exemple.» L’intérêt pour les voitures serait aussi grandissant dans le monde. «D’ici à 2020, un million de places de parc seront équipées d’un système de détection dans les rues», annonce-t-il.
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Coup de main à Hauteville
Pierre Castella a grandi à Hauteville. Après une maturité obtenue en 2002 au Collège du Sud à Bulle, le Gruérien s’est formé à l’EPFL comme ingénieur en microtechnique jusqu’en 2007. Il s’est établi à Bulle en 2010. «C’est la région que j’aime, avec sa qualité de vie et sa taille humaine. Et j’ai mes racines ici», explique le chef d’entreprise.
Après une première expérience professionnelle dans la conception d’accessoires pour iPods, puis un passage dans l’électroménager chez Laurastar à Châtel-Saint-Denis (dont une année comme directeur de la recherche et du développement), Pierre Castella a intégré le bureau d’ingénieurs lausannois Shockfish en 2004. C’est là qu’il développe le dispositif comptant les véhicules. «Comme le système était prometteur, on a décidé de créer une société indépendante en 2012.»
Parallèlement, ce jeune marié, tout récent père d’un petit garçon, a donné un coup de main à l’entreprise familiale de son père et de son oncle Etienne et Jean-Marie Castella: les Editions du Parvis, à Hauteville. Fondée en 1968, cette maison d’édition spécialisée dans les livres religieux occupe une quinzaine de collaborateurs. «Elle se trouvait dans une situation économique délicate. En effet, la plupart de ses clients sont en Europe. La chute de l’euro a été un coup dur, tout comme les difficultés des pays environnants.»
Avec son frère cadet Matthieu, diplômé de la Haute Ecole de gestion, Pierre Castella a contribué à une opération de redressement de deux ans. «Notre grande fierté, c’est d’être arrivé à rationaliser sans licencier, souligne-t-il. Les coûts de transport et d’impression ont été réduits. De même, un accent a été mis sur le marketing et la diversification des offres.» TG
Commentaires
Pierre Dubochet (non vérifié)
sam, 24 mai. 2014
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