Le rail, une fois pour toutes

| sam, 18. Jan. 2014
photo chloé lambert
Le 9 février, les Suisses décideront s’ils veulent graver dans le marbre de la Constitution les modalités de financement du réseau ferré en Suisse. Des investissements garantis à long terme pour les uns, des taxes de plus pour les autres.

PAR JEAN GODEL

On le sait, le réseau ferroviaire suisse atteint ses limites et la marge de manœuvre des entreprises de transport est largement épuisée. Il devient urgent de mieux l’entretenir et de le rénover, mais aussi d’en augmenter la capacité. Le 9 février, nous voterons donc sur un arrêté fédéral réglementant le financement et l’aménagement de l’infrastructure ferroviaire (FAIF).
Cet arrêté instaure un fonds d’infrastructure ferroviaire (FIF) unique et permanent. Il remplace l’actuel fonds temporaire pour le financement des projets d’infrastructure des transports publics (FTP), soit les grands projets tels Rail 2000 et NLFA. Ce FIF financera non seulement la maintenance de l’infrastructure des CFF et des chemins de fer privés, mais aussi leur exploitation et leurs besoins en nouveaux aménagements. Il sera alimenté aussi bien par les sources existantes (environ 4 milliards, en provenance de la Confédération) que par des nouvelles (environ 1 milliard). Tous y participeront: cantons, Confédération, usagers.
Dans le détail, le fonds actuel (FTP) apportera chaque année (chiffres 2010) 1,57 milliard de francs au FIF, dont 950 mio de la RPLP (redevance poids lourds liée aux prestations), 360 mio de la TVA et 260 mio de l’impôt sur les huiles minérales (réaffectés à la route dès 2030). S’y ajoutent les 2,4 milliards issus du financement ordinaire de la Confédération (y compris une augmentation de 100 mio).
Parmi les nouvelles sources figurent une contribution additionnelle des cantons (200 mio), 0,1 point de TVA (360 mio) perçu de 2018 à 2030 (il s’agit du pour mille actuellement affecté, jusqu’en 2017, à l’assainissement de l’assurance invalidité), 200 mio provenant de la caisse générale de la Confédération via l’impôt fédéral direct (plafonnement à 3000 fr. de la déduction des frais de transport). De plus, les usagers participeront via l’augmentation du prix du sillon reportée sur le prix des billets (200 mio au 1er janvier 2013, 100 mio au 1er janvier 2017): une contribution qui n’afflue pas au FIF, mais qui réduit les coûts d’infrastructure qu’il doit couvrir.


Nouveaux projets
Si FAIF sert à hauteur de 60% à l’entretien et à la modernisation de l’existant, le Parlement a déjà procédé à une priorisation des nouveaux projets qui, eux, bénéficieront des 40% restants. Il a déjà décidé une première étape de
6,4 milliards sur dix ans, jusqu’en 2025, puis se prononcera tous les quatre à huit ans sur les étapes suivantes.
Le projet FAIF est le contre-projet direct à l’initiative populaire «Pour les transports publics», retirée depuis. Modifiant la Constitution, il doit être accepté par le peuple et les cantons. Il a été accepté par le Conseil fédéral et le Parlement. Parmi les grands partis, seule l’UDC s’y oppose. Mais le comité interpartis Oui au FAIF se compose de 173 parlementaires provenant de toutes les régions et de tous les partis (PBD, PDC, PLR, PVL, Verts, PS et UDC).

 

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Fribourg a tout à gagner
Vincent Ducrot, directeur des Transports publics fribourgeois, défend le projet FAIF. Résumé de ses arguments.

FAIF finance tout
L’intérêt de FAIF, c’est qu’il financera en totalité non seulement les nouveaux projets, mais aussi l’exploitation et l’entretien de toutes les installations ferroviaires du pays. Actuellement, des fonds spéciaux limités dans le temps financent les grands projets tandis que l’entretien et l’exploitation du réseau sont à la charge de la Confédération et des cantons.

FAIf et Fribourg
Dans le canton, FAIF permettra de rénover les gares TPF, de reconstruire celle de Bulle, dont seuls les dix premiers millions sur 50 (hors projet immobilier) sont assurés; d’instaurer la cadence à la demi-heure entre Châtel-Saint-Denis et Bulle grâce à la modernisation de deux points de croisement. A plus long terme, on pourrait doubler partiellement la ligne du Bulle-Romont pour réintroduire un train régional («Ce n’est pas une utopie»); introduire la cadence au quart d’heure dans l’agglomération de Fribourg (réseau ferroviaire); prolonger le RER vers Gruyères, voire Enney ou Montbovon; et même imaginer un Bulle-Château-d’Œx. «Le FAIF offre beaucoup d’occasions. En cas de refus, il faudra réduire les ambitions ou trouver d’autres moyens. Le canton pourrait ainsi se retourner vers les communes qui, pour l’heure, ne participent pas au financement des infrastructures.»

Régions périphériques
«Sans FAIF, la Confédération cherchera toujours à investir là où il y a le plus de clients.» Avec FAIF en revanche, l’entretien et la modernisation de l’existant seront prioritaires par rapport aux nouveaux projets. «Même l’entretien de la gare de Montbovon sera prioritaire par rapport à la nouvelle gare de Lausanne.» Enfin, ce fonds pérenne aidera à garantir la rentabilité et donc le maintien des lignes régionales.
l Déduction plafonnée à 3000 fr.
«On a cherché à enlever un avantage concurrentiel à la voiture pour mettre sur pied d’égalité l’abonné général et l’automobiliste. C’est un choix politique.» Quant aux habitants des zones périphériques, grâce au récent développement du rail que renforcera encore FAIF, ils ont désormais une alternative, estime Vincent Ducrot: prendre leur voiture jusqu’à une gare pour poursuivre en train.

Rail-route
Un fonds routier est en gestation, le Parlement est censé en discuter avant l’été, Doris Leuthard l’a promis. Ce sera l’équivalent de FAIF pour la route. Au passage, ce fonds routier ne financera que les routes nationales, donc rien dans la vallée de l’Intyamon. Alors que FAIF financera la ligne Bulle-Montbovon. Sur les 10 prochaines années, les TPF dépenseront 300 mio pour la modernisation de leur réseau ferré et 100 mio pour son exploitation. Soit 400 mio que FAIF financera. Or, les TPF confient 90% des travaux à des entreprises locales.

 

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Encore des prélèvements

Caisse routière pillée
Le comité FAIF non dénonce le «détournement d’argent de la route» (notamment issu de la RPLP) qu’institutionnalise le projet FAIF en l’inscrivant dans la Constitution. Sur son site internet, il parle même de «pillage de la caisse routière». Opposé lui aussi à FAIF, le député UDC d’Estavayer-le-Lac Michel Zadory parle de «bétonnage ad aeternam»: «Ça me déplaît d’un point de vue pour ainsi dire philosophique.»
Lui veut bien croire la conseillère fédérale Doris Leuthard qui a récemment promis la présentation d’un projet de fonds routier au Parlement durant le premier semestre 2014. «Mais le Conseil fédéral n’en dit rien dans son message. C’est du saucissonnage, on ne nous présente pas les problèmes dans leur ensemble.»

Impôts et taxes en hausse
Le comité du non refuse tout aussi net la hausse, même temporaire, de la TVA: «Cela signifie que toute la population doit financer le trafic ferroviaire, qu’elle s’en serve ou non.» Une méthode jugée «injuste et choquante».
Le plafonnement à 3000 francs de la déduction accordée aux pendulaires ne trouve pas plus grâce à ses yeux: «Cela pénalise les personnes qui ont besoin de leur voiture, notamment les habitants des régions périphériques et de montagne.» Michel Zadory parle même de «prise d’otages»: «Le Broyard est auto-dépendant, avec un habitat éparpillé et des transports publics qui sont ce qu’ils sont. Nous sommes pieds et poings liés à la voiture.»

Projets démesurés
FAIF est une chose. Les nouveaux projets ferroviaires qu’il permettra de financer en sont une autre. Et la première tranche est jugée «démesurée»: «Le Conseil fédéral avait d’abord proposé 3,5 milliards, rappelle Michel Zadory, mais le Parlement a finalement décidé de donner 6,4 milliards, sans que l’on sache pour quoi.» Cela rendra ces réalisations d’autant plus dépendantes aux subventions, prétend le comité opposé à FAIF. Michel Zadory ne voit pas dans ces nouveaux projets l’occasion de rattraper le retard des régions périphériques: «C’est surtout les agglomérations et les grands axes qui sont favorisés. Ce qu’on remarque dans les régions périphériques, c’est surtout les fermetures de gares, remplacées par des distributeurs.»
Seuls l’UDC et le Parti des automobilistes refusent FAIF. Sur les 38 membres du comité FAIF non, seuls trois sont romands, tous conseillers nationaux genevois: les UDC Céline Amaudruz et Yves Nidegger ainsi que Roger Golay, du Mouvement citoyen genevois.

 

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