Le commandant qui veut rendre la Patrouille aux montagnards

| sam, 22. fév. 2014
Le nouveau commandant de la Patrouille des glaciers est le Neuchâtelois Max Contesse. Le chef évoque les cas de tricherie et le record, qui ne «sera plus jamais battu». Il dit aussi sa volonté de refaire de la PDG une course de haute montagne.

PAR KARINE ALLEMANN

Commandant remplaçant en 2012, le Neuchâtelois Max Contesse, 60 ans, est le nouveau grand patron de la Patrouille des glaciers. Une course qui fêtera les trente ans de son retour, du 30 avril au 3 mai. Après des études à l’EPF de Zurich comme ingénieur alimentaire, l’homme a «quitté l’économie privée à 35 ans pour entrer au service de la Confédération comme instructeur». Jeudi, il était l’invité de la Chambre de commerce et de l’industrie de Fribourg, à Charmey (lire en page 5). L’occasion d’évoquer avec lui quelques points chauds concernant la plus grande course de ski-
alpinisme en Suisse.

L’ancien commandant Robyr disait qu’augmenter la participation était impossible. Or, 1800 patrouilles prendront le départ en 2014, soit 400 de plus qu’en 2012. Quel défi cela représente-t-il?
C’est le système des départs qui va changer. Dans le cadre de mon état-major, mais aussi avec la Section étude des bouchons autoroutiers de l’EPF de Lausanne, nous sommes arrivés à la même solution: des départs toutes les quarante-cinq minutes au lieu de toutes les heures, avec vingt équipes de plus par bloc.

Les cas de tricherie dans les inscriptions ont beaucoup fait parler cet automne. Mais il se murmure que ces tricheries existaient depuis toujours.
C’est malheureusement juste, même si j’utilise plutôt le terme de tentative de fraude et de fraude avérée. J’en avais entendu parler en 2012, j’ai donc décidé d’instaurer des contrôles pour les 6800 personnes inscrites. Et on a découvert passablement de cas. On ne donne pas le nombre, car ceux qui ont été renvoyés ne sont pas fiers. Et c’est aussi une question de protection des données. Mais il y en avait dans toutes les catégories.

On ne parle donc pas de cinq ou six cas isolés?
Non, non! Il y en a eu chez les militaires et dans la catégorie des guides. Certains guides se sont inscrits alors qu’ils avaient momentanément un retrait de licence. C’était assez simple de vérifier, grâce au secrétariat central européen. Ensuite, on a continué au niveau des civils. Certains se sont inscrits deux fois. Une fois en écrivant le nom de famille en premier et une fois avec le prénom. Ou en inscrivant leur adresse professionnelle, puis la  privée...

Est-ce que les fraudeurs seront mis sur une liste noire?
Un courrier du commandement les a informés qu’ils étaient éliminés, sans possibilité de se réinscrire en 2014. Ils pourront se réinscrire en 2016 sans souci. Mais nous avons leurs noms sur une liste et ils seront surveillés.

On dit aussi qu’il suffit de se payer un guide dans l’équipe pour être assuré de participer. Vrai ou faux?
Le Club alpin suisse a fêté ses 150 ans. En accord avec lui et l’Union suisse des patrouilleurs, cette année, nous avons mis sur pied une catégorie guides, qui avait la priorité. Mais là aussi, la demande a été trop grande et il a fallu procéder à un tirage au sort. Comme pour les civils. Après, ce que fait le guide avec ses clients, c’est son affaire privée.

L’organisation que nécessite la Patrouille fait hurler certains écologistes. Des efforts sont-ils faits?
Vos écolos hurleurs n’ont aucune connaissance de la Patrouille des glaciers. En 2014, ce sera la deuxième fois que nous signons un contrat avec Swiss Climate (n.d.l.r.: une société de conseil et de développement de projets dans les domaines de la protection du climat et du développement durable). Ensuite, nous organisons une campagne de ramassage tout de suite après la Patrouille, puis pendant l’été. En montagne, les zones que l’on appelle de tranquillité ne sont jamais survolées par les hélicoptères. Et on n’y fait pas de minage. Les véhicules utilisés sont des véhicules modernes qui consomment très peu. Les vols en hélicoptère sont limités au strict minimum. Aucun vol n’est utilisé pour du tourisme, même si un grand ponte arrive au dernier moment. Nous nous occupons aussi du tri des déchets. Nous allons toujours plus loin dans cette démarche.

Les conditions d’enneigement sont très particulières, apparemment du jamais vu depuis 1962. La couche de base est mauvaise et le risque d’avalanche devrait perdurer. Qu’est-ce que cela implique pour vous?
Je ne suis pas aussi défaitiste dans l’analyse. En montagne, l’hiver s’est déplacé de deux mois, c’est vrai. Les premières neiges sont tombées alors que le sol n’était pas encore gelé. Donc la liaison ne s’est pas faite. Mais les différents changements de température font que les couches de fond sont en train de se stabiliser. Sur l’ensemble du parcours, on a de bonnes, voire de très bonnes conditions. Sauf sur les crêtes. Les chutes de neige étaient toujours accompagnées de forts vents et les crêtes sont à nu. Cela n’a d’incidence que pour deux passages: le glacier de Schönbiel, où nous avons balisé une chicane pour faire passer les concurrents entre les crevasses, et la Rosablanche, où il faudra peut-être porter les skis vingt mètres de plus.

 

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«Ueli Maurer est un excellent joueur d’échecs»


L’avenir de la Patrouille est discuté d’une édition à l’autre. Quelle est la tendance aujourd’hui?
L’édition 2016 aura lieu, c’est sûr. Et, pour 2018, il y a quelques réserves. Dès la fin de cette édition, je devrai me pencher sur les moyens de faire des économies. Non pas des économies financières, mais au niveau des moyens engagés. Parce que l’armée va encore se réduire. Je suppose que vous faites allusion à la remarque du chef du département il y a un mois (n.d.l.r.: Ueli Maurer a déclaré que la Patrouille des glaciers était une affaire romande)? Ça n’engage que moi, mais je suis persuadé que notre chef de département est un excellent joueur d’échecs. Il a lancé cette remarque aussi pour faire bouger les esprits. La Patrouille est la seule course de cette envergure. La supprimer sera très difficile. Par contre, des économies sont nécessaires.

En diminuant le nombre de participants?
Une des variantes serait de procéder à une sélection au niveau des patrouilleurs. Jusqu’à aujourd’hui, n’importe qui peut s’annoncer, sans avoir besoin de prouver ses connaissances en haute montagne. L’idée qui me trotte dans la tête, c’est de ne retenir que les patrouilleurs qui, entre deux éditions, participent à une ou deux courses comme le Trophée du Muveran ou le Trophée des Gastlosen. Cela diminuerait automatiquement le nombre de demandes. Ensuite, il y a les économies sur les moyens engagés (entre 1000 à 1200 militaires répartis sur une semaine).

Avec quelles incidences?
Ces dernières années, au nom de la sécurité, on a totalement déresponsabilisé le patrouilleur. Tous les 15 km, il y a un poste sanitaire, un poste de ravitaillement, etc. Les supercracks portent des tenues très légères. En cas de mauvais temps, ils ne survivraient pas. On ne va pas revenir à 1944. Mais le patrouilleur devra être capable, avec peut-être un poste de ravitaillement par ses proches, de faire le parcours par ses propres moyens et ses propres forces. On pense beaucoup à cette responsabilisation du coureur. Parce qu’on a constaté que certains avaient chaussé des skis de randonnée pour la première fois quelques mois avant le départ, et des participants ne savent même pas faire un nœud pour s’encorder. Alors que c’est obligatoire sur le glacier de Schönbiel.

Des patrouilleurs racontent même qu’ils ont croisé en course des participants qui savaient tout juste skier, ce qui paraît totalement fou…
C’est vrai. Je suis peut-être rude dans ce que je vais dire, mais certains ne sont pas entraînés et ne connaissent pas l’équipement nécessaire en montagne. Les citadins, ou disons les gens de la plaine, vont s’entraîner le week-end. Mais pas s’il fait un temps de cochon. Or, à la Patrouille, il peut neiger, il y a du vent…

Cette idée ne va pas plaire aux accros de la compétition. Parce que, dans ces conditions, la course aux records, c’est fini...
Oui. Ces dernières années, la Patrouille a perdu un peu de sa mentalité de course de haute montagne. Il y a les grands champions qui viennent pour la gagne, qui visent le classement de la Grande Course (avec la Pierra Menta, l’Adamello, le Tour du Rutor et la Mezzalama). Mais on doit revenir à l’idée d’une course de haute montagne. Quitte à ce que certains y renoncent. KA

 

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Record plus jamais battu?
C’est à l’invitation de la Chambre de commerce et de l’industrie de Fribourg que Max Contesse a passé la journée de jeudi sur les pistes de ski de Charmey. Avant de donner une conférence sur la Patrouille des glaciers aux chefs d’entreprise présents. Depuis sa nomination, l’homme est beaucoup sollicité. «Je mets beaucoup l’accent sur la Suisse alémanique, car nous devons mieux vendre cette course dans cette région, où le ski-alpinisme s’est moins développé», explique-t-il.
Au moment des questions-réponses, un des participants lui a demandé s’il pensait que le record détenu par Florent Troillet, Martin Anthamatten et Yannick Ecœur, à savoir 5 h 52’22, pouvait être battu. La réponse a été claire. «En dessous des six heures, ce n’est plus possible, assure Max Contesse. Et, cette année, s’ils font moins de six heures, on les enverra directement à l’hôpital pour un contrôle antidopage! D’ailleurs, nous allons faire venir des équipes du laboratoire de Lausanne et des contrôles seront effectués à l’arrivée.»
Le poids étant une obsession pour ceux qui jouent la tête de course, le matériel obligatoire sera lui aussi examiné à la loupe. Et pas seulement au départ. «Des contrôles auront lieu à l’arrivée. En 2012, en refaisant le parcours à l’envers, nous avons trouvé des cordes de 30 mètres! Elles n’étaient certainement pas tombées par hasard.» KA
 

Commentaires

Vive le sport, à bas la triche et le dopage!

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