Fribourg, ville la plus cinéphile de Suisse?

| mar, 08. avr. 2014
Avec 37000 entrées, le Festival international de films de Fribourg s’est conclu sur un nouveau record. Retour sur cette 28e édition avec le directeur artistique Thierry Jobin.

PAR YANN GUERCHANIK

«Still life, un film iranien sur une sublime copie 35 mm arrivée tout droit de Téhéran. Dans la salle, c’était comme un drapeau en trois couleurs. Les deux premiers rangs étaient occupés par des Iraniens qui n’avaient jamais vu le film dans de telles conditions, puisqu’ils l’avaient tous en DVD tiré d’un enregistrement télé sur VHS. Derrière eux, il y avait le public du FIFF. Et puis tout en haut, des personnes âgées en chaise roulante, des gens venus des EMS que le Festival a approchés, dont certains venaient au cinéma pour la première fois de leur vie. A la fin de la projection tout le monde se mélangeait, tout le monde discutait… Moi, j’ai l’impression qu’on est en train de faire de Fribourg la ville la plus cinéphile de Suisse!»
Neuf jours, 126 films, 46 pays représentés, un directeur artistique sur un nuage. Thierry Jobin aurait tort de refréner son ambition. Il a gagné sur tous les fronts. «Pas mal de gens disaient: “Les Dardenne, tu ne les auras jamais… Madagascar, tu ne vas rien trouver… L’Iran, tu n’auras jamais cinq films…” Au final, on a réalisé pratiquement tout ce qui était prévu.»


Record de fréquentation
Le 28e Festival international de films de Fribourg s’est conclu sur un nouveau record de fréquentation: 37000 entrées, soit mille de plus qu’en 2013, un record déjà. Et pourtant, toujours la même ambiance familiale. Au FIFF, on croise les membres du jury international à la sortie des films, au bar, sur le dancefloor de la soirée de clôture. On tombe constamment sur les responsables, Therry Jobin, mais aussi la directrice administrative Esther Widmer, le programmateur Marc Maeder, le curateur Jean-Philippe Bernard, tous avec des poches sous les yeux, tous abordables et souriants.
Une taille humaine que le FIFF pourrait bien dépasser un jour? «On a une bonne marge! On réussit à faire un festival sans castes où tout se joue sur la gentillesse, sur le fait de se dire bonjour et merci, d’être là du soir au matin.» Au sommet de la pyramide organisationnelle toutefois, on trouve une direction et un staff central qui se sont grandement professionnalisés. Quant à la base, une armée de bénévoles, Thierry Jobin confie qu’elle mériterait d’être «davantage remerciée».
C’est que le FIFF fait ce que la plupart des festivals de cinéma ne font pas: «Beaucoup sont organisés avec des tapis rouges et des barrières, de façon à ce que des demi-dieux viennent faire paître la petite populace. A Fribourg, il en va autrement et les invités sont très contents. Lors de la soirée qu’il a passée au FIFF, l’acteur Patrick Chesnais a mangé avec tout le monde à l’Ancienne Gare et le cinéaste Jerry Schatzberg me disait à quel point il apprenait beaucoup plus en rencontrant le public simplement, à même alors de lui confier son expérience, son émotion à propos des films.»


L’effet FIFF
Une recette que Thierry Jobin ne veut changer pour rien au monde: «Le tout est de gérer l’informel de façon professionnelle.» Le budget de 2 millions de francs, à l’équilibre pour cette 28e édition, se verrait d’ailleurs bien bomber un peu le torse. «Je rêverais que l’on ait un grand sponsor principal, que d’autres entreprises de la région nous épaulent en voyant tout ce que génère ce festival.»
Car il se passe bel et bien quelque chose au FIFF. Cela ne se voit pas que dans les regards, mais aussi sur le papier. Un film comme Snowpiercer, une grosse production sud-coréenne, a fait 40 entrées lors de ses deux semaines d’exploitation à Cap Ciné, en version française. Au FIFF, en version originale, il a rempli une salle de 350 places lors de sa première projection et la même salle aux deux tiers lors de la deuxième.
La grande salle de Cap Ciné s’est retrouvée archicomble à plusieurs reprises. Même chose au Rex. «Ce qui m’a le plus stupéfait, c’est les salles pleines pour des films dont je pensais que tout le monde les avait vus. Des films comme A separation, qui est passé à la télé, qui est sorti en DVD et qui était resté très longtemps au Rex. Ou encore Easy rider, qu’on peut voir sur YouTube en HD.»
Comment l’expliquer? «Il y a une communion. On sait qu’on ne sera pas tout seul dans la salle. Il y a une expérience qui s’appelle le cinéma et cela n’a rien à voir avec le fait de regarder un film sur son téléphone portable ou même à la télévision.»

 

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La confiance par la qualité


«On constate que toutes les sections ont augmenté leur fréquentation, confie Thierry Jobin. Il y a une confiance des gens par rapport à la qualité de ce qu’on leur présente: les spectateurs n’ont parfois pas apprécié un film, mais ils comprennent les raisons de sa sélection, l’importance de l’œuvre. Ils ne disent pas “c’était nul”.»
Sans vouloir trop en dire, le directeur artistique du FIFF cogite déjà de plus belle pour la prochaine édition: «On a imaginé un programme: de la bombe atomique!» L’année prochaine, le Festival pourrait s’ouvrir à d’autres endroits de la ville. Autre nouveauté en perspective: une salle dédiée aux projections DVD à prix réduit.
«Je déteste les festivals qui passent des DVD par flemmardise», explique Thierry Jobin. Or, durant cette 28e édition, les spectateurs ont parfois assisté à des projections numériques médiocres. Ce fut le cas pour le chef-d’œuvre iranien Close-up, ce qui n’a pas empêché le public de se presser nombreux et d’apprécier le film.
Des films comme du patrimoine
«On s’est posé une question philosophique, dans la mesure où il nous a été impossible de trouver de meilleures copies. Au final, on a préféré passer certains films dans ces conditions pour qu’ils continuent d’exister. De cette façon, on retarde sa disparition, le film reste en vie. Et puis, cela peut créer des étincelles: des cinéastes se manifestent avec des copies insoupçonnées ou des responsables prennent conscience qu’il faut sauvegarder les films, dont certains sont du véritable patrimoine.» YG

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