La pollution engendrée par le trafic augmente au centre

| mar, 22. avr. 2014
Le dioxyde d’azote (NO2) est en hausse au centre-ville. Explications avec Hans Gygax, chef au Service de l’environnement. Adopté en 2007, le Plan de mesures cantonal n’a pas encore déployé tous ses effets.

PAR YANN GUERCHANIK

En Gruyère, on respire l’air pur des Préalpes. Mais pas partout. Au centre-ville de Bulle, l’air est même plutôt chargé. En dioxyde d’azote (NO2) notamment, ce polluant qui se dégage essentiellement lors de la combustion d’énergies fossiles. La circulation routière en est le principal responsable. Depuis 2011, la station de mesures mobile située à la rue de Vevey et les capteurs passifs disséminés le long des routes à fort trafic annoncent de mauvaises nouvelles: la tendance est à la hausse.
Les derniers relevés que le Service de l’environnement s’apprête à publier indiquent même des valeurs qui flirtent avec la limite d’immision fixée à 30 microgrammes par mètre cube (30 µg/m3). Explications avec Hans Gygax, chef de la section protection de l’air au Service de l’environnement.

Les causes
«Après l’impact positif de la H189, on retrouve partout des valeurs plus élevées, constate effectivement Hans Gygax – à l’exception toutefois de la rue de la Condémine, où le changement en zone 30 a probablement été bénéfique. C’est un signal: cela doit nous inciter à faire attention.» Pour le spécialiste, il convient néanmoins de ne pas «surinterpréter»: «La météo joue un rôle. Lorsqu’elle empêche la dilution – par des inversions de température, par le manque de vent – les valeurs montent. Ce fut particulièrement le cas en février 2013 et cet hiver, en  mars, avec la haute pression. C’est du reste à cette période que la pollution a fortement augmentée à Paris.»
La situation n’en demeure pas moins préoccupante: «Avec des véhicules un peu plus propres chaque année, on espère plutôt observer une diminution des valeurs. Encore faut-il que cela ne soit pas compensé par une augmentation du trafic.» Or, la démographie extraordinaire que connaît la région signifie davantage de voitures. Au moment des premiers comptages sur la H189, le phénomène avait d’ailleurs chamboulé les prévisions.
Autre élément d’explication: les moteurs diesel. «Il faut savoir qu’ils émettent nettement plus de NO2 que les moteurs à essence. Et la part de ces véhicules a augmenté ces dernières années, dans le canton de Fribourg comme ailleurs, parce que les gens cherchent des voitures qui consomment moins.» Les choses devraient toutefois changer: «La norme euro 6 va bientôt entrer en vigueur. Les constructeurs devront prévoir un système d’épuration pour les voitures diesel.»

Les conséquences
Le dioxyde d’azote est un gaz irritant qui pénètre dans les voies respiratoires profondes. Il peut provoquer de nombreux effets dommageables sur la santé, mais également sur la flore. Selon l’ordonnance de la protection de l’air, la moyenne annuelle (effet chronique) ne doit pas dépasser la valeur limite de 30 µg/m3. Quant à la moyenne journalière (effet aigu), elle ne doit pas dépasser plus d’une fois par année la valeur limite de 80 µg/m3. Ce dernier cas ne s’est pas présenté à Bulle depuis février 2010 (signalons tout de même une valeur maximale de 73 µg/m3 en décembre dernier). En revanche, la limite annuelle est souvent atteinte, voire dépassée. Que faire alors? «Quand on dépasse, on doit élaborer un plan de mesures», stipule Hans Gygax.

Le Plan de mesures
En 2007, le Conseil d’Etat a adopté un nouveau plan de mesures pour la protection de l’air. Depuis les années 2000 en effet, les valeurs se sont mises à remonter, alors qu’elles avaient considérablement baissé depuis les années 1990. A la rue de Vevey, on est ainsi passé d’une moyenne annuelle de 50 µg/m3 en 1993 à 30 µg/m3 en 2000. A cette époque, le catalyseur faisait son apparition et le parc de véhicules se voyait renouvelé. Par la suite, les améliorations techniques n’ont plus été aussi déterminantes et l’augmentation du trafic a compensé les progrès en matière d’émissions.
Un nouveau plan a donc été élaboré en comprenant notamment des mesures relatives à la gestion du trafic. C’est à lui que l’on doit la H189 et le réseau de transport public MOBUL. Actuellement, le plan n’a pas encore déployé tous ses effets puisque des mesures d’accompagnement de la H189 doivent encore être réalisées ces prochaines années. Par ailleurs, la commune doit aussi répondre à certaines exigences cantonales, en ce qui concerne par exemple son concept de stationnement.

Les objectifs
Des nouvelles routes, des nouveaux tunnels, des transports en commun dans la ville… L’agglomération bulloise s’agrandit et l’on prend conscience qu’il y a de la pollution en Gruyère. Hans Gygax acquiesce: «N’oublions pas que l’être humain utilise l’air comme une décharge. Ce qui sort de nos moteurs, c’est de la pollution qui se déverse dans l’air. A une époque, on versait nos eaux usées dans le lac et les rivières. Depuis, on a appris qu’il fallait les passer dans une station d’épuration. C’est la même chose pour les émissions de moteurs ou de chauffage: on comprend qu’il vaut mieux les épurer.»
Dans le bilan 2010 du plan de mesures, le canton faisait la constatation suivante: «La H189 a été mise en service sans introduction simultanée des mesures d’accompagnement sur le réseau principal de la ville de Bulle, mais avec l’introduction de transports en commun. Le risque existe que l’amélioration escomptée de la qualité de l’air ne pourra pas être atteinte du fait que la capacité routière supplémentaire a été absorbée par une mobilité automobile supplémentaire.»  Il préconisait alors davantage de mobilité douce et une plus grande utilisation des transports en commun. En précisant: «Cela dépendra fortement de l’efficacité des limitations de capacité pour le trafic automobile.»

 

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A quoi bon supprimer des places de parc?
La dernière mouture du concept de stationnement au centre-ville envisage de supprimer vingt places de parc à la Grand-Rue de Bulle. Assez pour respirer moins de dioxyde d’azote? «On ne peut évidemment pas parler d’amélioration directe, explique Hans Gygax, le chef de la section protection de l’air au Service de l’environnement. Mais, c’est une contribution dans la mesure où cela s’intègre dans un concept de transport cohérent qui vise à restreindre le trafic automobile au centre.»
La H189 a permis d’éloigner une certaine partie du trafic qui transitait par la ville. Il s’agit encore de s’occuper du trafic interne: «Le concept de transport joue un rôle primordial pour limiter le nombre de personnes qui veulent absolument aller au centre avec la voiture. Une certaine pression sur la disponibilité des places de parc et sur leur tarification permet d’inciter à prendre les transports publics ou de favoriser la mobilité douce.»


Au mieux, stabiliser le trafic
Lorsqu’il s’agit de circulation routière, le responsable de la protection de l’air se veut réaliste: «L’objectif n’est pas de diminuer le trafic. Cela est trop difficile ou alors il faudrait une politique beaucoup plus volontariste. L’objectif est au moins de le stabiliser. Si on ajoute à cela l’amélioration des véhicules attendue ces prochaines années, on peut espérer passer définitivement en dessous des limites de pollution atmosphérique.» Et Hans Gygax d’ajouter: «Il est aussi question de pollution sonore, de qualité de vie. Il s’agit de savoir si on veut prendre son café sur une terrasse entourée de voitures.»
En fin de compte, Hans Gygax évoque également un choix de société: «Mettons que, dans quelques années, on roule tous avec des véhicules non polluants. On aura des bouchons de voitures électriques, mais des bouchons quand même. Il faudra un jour se demander si on veut continuer avec toutes ces voitures. En matière de routes, les capacités sont limitées.»
Pour le spécialiste, le problème repose sur une évidence: «Si tout le monde voulait se garer en même temps au centre de Bulle, cela serait impossible! Tout simplement parce qu’il n’y a pas assez de place. Aujourd’hui, c’est un argument qu’on évacue, qu’on n’aime pas entendre. C’est la même chose avec les bouchons. On préfère penser que les autorités ne gèrent pas bien les choses. Ce raisonnement est trop facile.» YG

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