Un projet de société comme catalyseur de la fusion

| mar, 22. avr. 2014
Après l’échec d’Englisbourg, le professeur Bernard Dafflon fait le point sur les perspectives de fusion dans le Grand-Fribourg.

PAR DOMINIQUE MEYLAN

Pour certains, l’échec de la fusion de Granges-Paccot, Givisiez, Corminbœuf et Chésopelloz constitue un tournant dans les projets de mariage du Grand-Fribourg. Les plus optimistes y voient une opportunité. C’est en tout cas un des derniers épisodes marquants de ce serpent de mer. Le professeur émérite de finances publiques, ancien chef du Service cantonal des communes, Bernard Dafflon analyse les perspectives actuelles.

Est-ce que l’échec d’Englisbourg est une bonne nouvelle pour la création d’un centre cantonal fort ou plutôt une mauvaise?
C’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est évidemment que la fusion ne se fera pas. La bonne, c’est que cet échec donnera peut-être un nouvel élan à la fusion de l’agglomération. Mais je n’y crois pas trop.
Dans les débuts de l’Agglo, j’avais déjà exprimé cette opinion: une fusion des communes de l’ouest de la ville serait opportune. La raison est simple: face au noyau Fribourg, Guin et Tavel s’entendaient relativement bien, Marly et Villars-sur-Glâne sont de grosses communes. Du côté ouest, vous avez une myriade de petites entités: Belfaux, Granges-Paccot, Corminbœuf, Givisiez, Autafond... Cela crée un déséquilibre.

Est-ce que l’échec d’Englisbourg renforce encore ces difficultés?
Avec les années, les difficultés se précisent: la situation est compliquée entre Fribourg et Villars-sur-Glâne, et aussi entre Fribourg et Marly. Mais il est un gros handicap qui concerne l’ensemble des habitants du Grand-Fribourg: il manque un projet de société.
Actuellement, le discours est simple: il faut un centre cantonal fort. Mais c’est une lecture par rapport au canton. On dit en quelque sorte aux habitants: faites un sacrifice, fusionnez, c’est pour le bien de tous. Que leur offre-t-on comme perspective d’avenir? Le centre fort n’est pas un objet auquel les habitants peuvent s’identifier. Résultat des courses, ils regardent leur porte-monnaie.

Est-ce que ce sont les mêmes raisons qui ont empêché la fusion de 2c2g?
Je n’ai pas entendu ou lu un projet de société porté par 2c2g. On avait davantage l’impression que c’était une fusion pour ne pas être absorbés par Fribourg dans un premier temps et pour être plus forts dans les négociations ensuite.
Avec une perspective d’avenir, un habitant de Granges-Paccot aurait réfléchi: est-ce qu’économiser dix ou douze centimes d’impôts vaut le coup? Mais on ne paie pas quelque chose que l’on ne connaît pas.

Pour le Grand-Fribourg, n’y a-t-il pas encore davantage de diffi-cultés, avec notamment des blocages au niveau des autorités?
En tant qu’analyste, je ne ferai aucun commentaire sur ce point. Mais il y a un autre problème fondamental: la situation de la caisse de prévoyance de la ville de Fribourg, qui a un taux de couverture insuffisant. En cas de fusion, le contribuable de Marly ou de Villars-sur-Glâne serait contraint de garantir, par ses impôts futurs, des problèmes de gestion passés.
On redoute aussi l’arrogance ou la supériorité. Il y a quelques années encore, la ville affirmait que son personnel administratif serait apte à gérer l’ensemble du Grand-Fribourg. Et qu’on pourrait fermer les autres administrations communales.

Est-ce que les soucis financiers de la ville de Fribourg sont surmontables dans l’optique d’une fusion?
Surmontables par qui? Fribourg n’est pas la seule à avoir des problèmes. Granges-Paccot a une bonne situation financière, mais les autres communes doivent faire attention. Elles semblent juste un peu moins stressées financièrement.
Et une éventuelle hausse du soutien de l’Etat pourrait être problématique. Si cet argent participe à combler une part des déficits ou des insuffisances de financement des caisses de prévoyance, il faut se mettre à la place de l’habitant du Bas-Intyamon: des impôts payés par l’ensemble du canton serviraient à renflouer la caisse de prévoyance de la ville de Fribourg.

Est-ce que le canton ou la préfecture pourraient prendre le leadership pour accélérer la fusion du Grand-Fribourg?
Le canton n’a pas le leadership dans le cadre des fusions. Pour cela, il faudrait une base légale. Or, c’est la voie volontaire qui a été choisie. Quant aux préfets, ils ont réalisé des plans, mais il n’y a aucune base légale pour faire de ces projets une obligation. Le pouvoir d’initiative revient aux communes seules.
 
Qu’en est-il de l’Agglo?
La Loi fribourgeoise sur l’agglomération est une loi ouverte: elle permet une option minimale ou maximale. Les communes se trouvent face à un choix. Résultat des courses, les membres de l’Agglo ont opté pour une sorte de superassociation de communes, à buts multiples, avec des tâches de coordination et non pas de réalisation. Ils ont choisi le plus petit dénominateur commun, le minimum du  minimum. Cela montre bien qu’à cette époque on ne pensait pas que l’agglomération aboutirait à une fusion.

Ce choix ne pousse pas à la fusion?
Non. La preuve! L’Agglo coûte plus de 26 millions par année. Qu’est-ce qu’elle fournit pour ce budget-là? Il y a une quantité de domaines de coordination. En matière d’exécution, l’Agglo a principalement repris les tâches de Coriolis et de la Cutaf, d’anciennes associations de communes, qui fonctionnaient déjà correctement.
 

---------------------

 

Sans centre fort, le canton est éclaté


La fusion d’un centre cantonal est-elle plus compliquée par essence?
Non, absolument pas. La fusion est plus complexe, parce qu’il y a trois ou quatre grandes communes à réunir. Mais sous l’angle technique, une fusion du Grand-Fribourg n’est pas plus compliquée qu’un mariage entre Bulle et la Tour-de-Trême. Dès l’instant où vous avez un projet de société...

Avec son centre morcelé, le canton de Fribourg est-il perdant?
Oui, bien sûr. Aujourd’hui, Bulle constitue le centre relativement fort du canton. Le district de la Gruyère s’organise assez bien autour.
Tout le sud se trouve attiré et absorbé par la deuxième ceinture de l’agglomération lausannoise. Les communes ont considérablement amélioré leur situation, depuis que les terrains sont invendables sur la Riviera. Mais une bonne partie des arrivants sont externes et n’ont pas de sentiment d’appartenance à leur commune ou à Fribourg.
Au nord, c’est la même chose: le Vully ou Chiètres deviennent des résidences secondaires pour les Bernois de la ville. De son côté, la Broye vaudoise et fribourgeoise travaille à trouver une identité.  
Le canton est éclaté. Il faudrait un centre fort au sens macroéconomique, et pas uniquement au sens des projets individuels que des sociétés peuvent amener.

Que pourrait changer un centre cantonal fort?
Au moins restituer une identité et une capacité économique fortes de négociations et d’attraction. Si Fribourg avait eu le même développement que Bulle, nous ne discuterions pas de ces problèmes. Aujourd’hui, nous parlons d’un centre cantonal fort en matière de positionnement économique, mais nous sommes encore loin d’un projet de société.
L’habitant de Marly travaille à Fribourg ou à Berne, fait ses courses à Avry et se rend à l’opéra à Montreux ou à Berne. L’espace entre travail, sport et loisirs est beaucoup plus éclaté qu’en Gruyère, où il existe un vrai sentiment d’appartenance.  

Une fusion du Grand-Fribourg vous semble-t-elle envisageable à relativement brève échéance?
Non. Je ne pense pas qu’il y aura le début d’une ébauche de projet de fusion dans cette décennie. DM

Ajouter un commentaire

CAPTCHA
Cette question est pour tester si vous êtes un visiteur humain et pour éviter les soumissions automatisées spam.

Annonces Emploi

Annonces Événements

Annonces Immobilier

Annonces diverses