Les fientes des pinsons du Nord font quelques heureux

| jeu, 22. mai. 2014
Des champignons ont poussé dans la forêt de Pra Dévaud. Ces apparitions sont à mettre en lien avec le dortoir des pinsons du Nord et à la couverture de fientes qu’ils ont laissée. L'espèce découverte à Vaulruz en 2000 n’a pas pu être trouvée.

PAR SOPHIE ROULIN

René Dougoud est mycologue. Mais pas le genre de mycologue qui se promène avec un Opinel dans une main et un sac de toile dans l’autre. Non, lui, ce qui le passionne, ce sont les champignons que personne ne regarde ni même ne voit. Quand il se balade en forêt, c’est avec une mallette en plastique qui contient une petite scie, une pince, une loupe dotée d’une lampe et un lot de petites boîtes prêtes à recueillir les spécimens récoltés. La semaine dernière, il explorait la forêt de Pra Dévaud, au Crêt. A la recherche d’un champignon qu’il a baptisé Pseudombrophila stercofringilla, après l’avoir découvert dans la forêt du Devin, à Vaulruz, qui avait servi de dortoir en 2000.
L’espèce recherchée fait partie des champignons coprophiles, comprenez qui aiment les matières fécales. Et la forêt de Pra Dévaud n’en manque pas, elle qui a abrité un million de pinsons du Nord de Noël au 11 mars dernier (La Gruyère du 13 mars). L’épaisse couverture de fientes laissée par les volatiles forme un écosystème favorable à la découverte de tels champignons.


La faute à la bise
«J’y suis allé le premier jour de bise, jeudi dernier, explique René Dougoud. Ça sortait bien et j’ai trouvé les espèces caractéristiques de ce genre de dortoir abandonné.» Ne parvenant pas à mettre la main sur «son» champignon, il y retourne samedi. «Mais tout avait été séché par la bise.» Y a-t-il des chances pour que la poussée reprenne en cas de conditions favorables? «Peut-être, mais cela paraît peu vraisemblable.» Et une chose est sûre, ils ne seront pas au rendez-vous l’année prochaine, le sol aura été trop lessivé par la pluie et la neige pour que les champignons aient encore assez de matière fécale pour pousser.
Du coup, il n’était pas question pour René Dougoud d’emmener journaliste et photographe dans la forêt sachant qu’il ne trouverait rien. C’est donc dans son «laboratoire», installé au 5e étage d’un immeuble de Fribourg, qu’on en apprend plus sur ce fameux champignon découvert à Vaulruz.
«Les champignons que j’étudie n’ont d’autre intérêt que scientifique», souligne René Dougoud, qui préside la Société fribourgeoise de mycologie et qui est aussi vice-président de la commission scientifique des sociétés suisses de mycologie. Pour déterminer à quelle espèce il a affaire, le spécialiste mène une véritable enquête. «Tout est important. Le milieu de vie, l’aspect, les structures macro et microscopiques.»


Publication en vue
Pour atteindre ses buts, le mycologue s’est donc équipé d’une loupe binoculaire et de deux microscopes polarisants qui ne dépareilleraient pas dans un laboratoire universitaire. «Certaines espèces ne se distinguent que par leurs spores.» La précision a donc son prix.
Au Crêt, René Dougoud a mis la main sur une espèce appelée Peziza moravecii et prévoit de publier un article dans une revue spécialisée pour préciser ses structures internes. Le Fribourgeois compte déjà une cinquantaine de publications, dont plusieurs pour des descriptions de nouvelles espèces. Parmi elles, celle de Pseudombromphila stercofringilla, identifiée à Vaulruz.
«C’est un avantage de trouver plusieurs fois un champignon qu’on a décrit.» Le spécialiste l’avait observé une seconde fois dans un autre dortoir de pinsons près de Porrentruy. Entre-temps, il a été identifié en Allemagne, dans des fientes de volaille. «Il n’est donc pas forcément lié aux pinsons.» Mais pour l’heure, il reste encore de nombreuses questions en suspens. De quoi aiguiser la curiosité de René Dougoud.
 

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