Une colonie de barbastelles découverte à la Part-Dieu

| mar, 27. mai. 2014
A la faveur du festival Altitudes, une colonie de chauves-souris barbastelles, une espèce très rare en Suisse, a été dénichée. Une première dans le canton.

PAR JEAN GODEL

Le festival Altitudes, la triennale culturelle qui s’est déroulée du 3 au 25 mai à Bulle et à la Part-Dieu (lire ci-dessous), a eu de nombreux mérites. Dont celui, totalement inespéré, de permettre la découverte fortuite d’une colonie de barbastelles, la première jamais observée dans le canton. «A force de la chercher activement depuis plus de vingt ans, cette espèce de chauves-souris était presque devenue un mythe à Fribourg», observe Jérôme Gremaud, biologiste et président de Fribat, le Groupe fribourgeois pour l’étude et la protection des chauves-souris.
Jeudi soir dernier, le spécialiste monte donc à la Part-Dieu pour visiter les expositions. Arrivé sur place, il remarque vite des fientes suspectes sur un banc appuyé contre la façade de l’ancienne chartreuse. L’homme a tôt fait de reconnaître du guano de chauves-souris. Levant les yeux, Jérôme Gremaud remarque alors la présence de volets à la verticale du banc. Arrivé aux étages, il découvre derrière l’un d’eux une colonie de 29 barbastelles. C’est la stupéfaction! «Je m’attendais à trouver des pipistrelles, mais pas des barbastelles.» L’espèce est en effet classée «disparue ou rarissime» dans le canton par le site www.fribat.org.


Ossements dans les grottes
Des ossements de barbastelles ont bien été trouvés dans des grottes des Préalpes fribourgeoises. «On croyait d’abord qu’ils dataient de 100 ou 150 ans, raconte Benoît Magnin, biologiste et membre fondateur de Fribat. Après datation, on s’est rendu compte qu’ils pouvaient avoir jusqu’à 6000 ans!»
Des spécialistes vaudois en ont aussi capturé une ou deux dans la région de Jaman. Et l’an dernier, une barbastelle a pu être observée à Porsel sans que l’on trouve sa colonie ni que l’on sache d’où elle vienne. Ce qui est sûr, c’est qu’en Suisse, les colonies sont très rares: quelques-unes ont été observées près de Genève, dans les Préalpes bernoises et la chaîne du Jura.
Depuis cinq ou six ans, de nouvelles techniques de détection et d’interprétation des ultrasons ont fait naître de grands espoirs. Pourtant, malgré une trentaine de prospections approfondies menées récemment par Fribat, pas trace de barbastelles!
D’où provient alors la colonie de la Part-Dieu? Selon Jérôme Gremaud, il est probable qu’elle vivait déjà dans la zone sans qu’on l’ait jamais vue. Car la barbastelle étant une espèce forestière, son observation est difficile. «Comme nous n’avons pas d’indication sur sa répartition par le passé, ajoute Benoît Magnin, nous ne pouvons pas dire si cette découverte est le signe d’un renouveau ou si cette colonie constitue les derniers des Mohicans…»
Cette colonie est aussi révélatrice d’une bonne gestion des forêts, respectueuse de la dynamique naturelle, estiment les deux spécialistes. Car la barbastelle aime les forêts bien structurées, avec des sous-bois et du bois mort, comme à la Part-Dieu.


Guerre technologique
De taille moyenne (27 cm d’envergure pour 6 à 13 g), elle se nourrit essentiellement de papillons de nuit qu’elle chasse au-dessus de la canopée. Du coup, les papillons ont développé un mécanisme de détection de ses ultrasons: dès qu’ils l’aperçoivent, ils se laissent tomber au sol.
Mais la barbastelle a développé à son tour une feinte en structurant son cri de telle manière qu’il est faussement interprété par le papillon comme venant de très loin. Du coup, la chauve-souris arrive à s’approcher de sa proie. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que ce cri si caractéristique est depuis peu facilement détec-
table par l’homme. «C’est une véritable guerre technologique!» sourit Benoît Magnin.
Pour le reste, les barbastelles évitent les zones éclairées et changent fréquemment de lieu. Sans doute pour échapper aux prédateurs comme les martres, avance Jérôme Gremaud. Les femelles vivent en colonie alors que les mâles sont solitaires. Cette découverte devrait réorienter les recherches de Fribat. Ses membres en appellent aussi à la vigilance des promeneurs: leurs observations et questions peuvent être communiquées via le site internet. Par ailleurs, la Part-Dieu étant un lieu privé, rien ne sert d’y aller pour tenter de voir la colonie.
Au final, on ne peut s’empêcher de songer au joli cadeau que ces barbastelles ont fait au festival Altitudes, centré sur la recherche d’une symbiose entre l’homme et la nature. Un encouragement à poursuivre…

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