«L’Allemagne a suffisamment d’expérience pour être patiente»

| sam, 12. jui. 2014
Après la victoire argentine de 1986 (3-2) et le succès allemand de 1990 (1-0), la Mannschaft et l’Albiceleste se retrouvent pour la troisième fois en finale de la Coupe du monde. Le coup d’envoi sera donné dimanche à Rio (21 h, en Suisse).

Ancien entraîneur du FC Bulle en Challenge League (printemps 2004 et saison 2004-2005), l’Allemand Jochen Dries (67 ans) pose son regard d’entraîneur sur l’événement du 13 juillet 2014. Le natif de Wiesbaden, régulièrement de passage en Gruyère «pour rendre visite à des amis», vit aujourd’hui à Crans-Montana et officie comme directeur sportif du FC Naters en 1re ligue.

Jochen Dries, cet Allemagne-Argentine de 2014 ressemblera-t-il au match ouvert de 1986 ou à la partie fermée de 1990?
Je ne mise pas sur une grande finale ni sur un beau match. Il pourrait même être assez haché, voire un peu ennuyeux. Je m’attends à une petite victoire… allemande.

Parce que vous êtes supporter de la Mannschaft ou parce que l’Allemagne est supérieure à l’Argentine?
L’Allemagne a l’avantage d’avoir disputé sa demi-finale un jour avant l’Argentine, qui a été jusqu’aux penalties. Löw devrait rester fidèle à son concept: chercher à marquer et non pas jouer pour ne pas prendre de goal. L’Argentine ne va pas changer non plus: elle proposera son jeu viril, musclé et discipliné. Elle devrait jouer très bas, car elle n’a pas les hommes de couloir pour faire autrement. Ce sera difficile de trouver la faille. Mais l’Allemagne a suffisamment d’expérience pour être patiente. Elle a déjà vécu son highlight avec cette incroyable victoire contre le Brésil en demi-finale. Mais il ne faut pas oublier qu’elle n’était pas si séduisante au début de la Coupe du monde. Le quart de finale contre la France a été un petit match.

Quelle est la grande force allemande?
C’est une équipe complète, mais c’est surtout sa force offensive qui est remarquable. On la sent capable de marquer deux, trois ou quatre buts à chaque match. Il y a un très bon mariage entre des travailleurs – Müller, Schweinsteiger, Khedira – et des joueurs fins et techniques. Özil a un talent fou, même s’il est décevant. Götze aussi, même s’il n’a malheureusement pas assez joué au Bayern. Tout le monde peut marquer et le groupe semble bien s’entendre. Il n’y a pas de super star sur qui tous les journalistes se jettent, comme Ronaldo au Portugal.

Y a-t-il un joueur essentiel dans le dispositif de Joachim Löw?
Müller est un phénomène. Il n’a pas de style et il n’est pas très beau à voir jouer, mais c’est un poison. Il est toujours bien placé. Ce n’est pas un vrai attaquant, mais il peut marquer dans n’importe quelle position. Il a un rôle d’électron libre très difficile à tenir pour l’adversaire.

En quoi l’Allemagne de 2014 est-elle plus forte qu’en 2010?
Les options offensives sont encore plus nombreuses. L’équipe a bien surmonté l’absence de Reus, sans doute le meilleur attaquant allemand du moment. En 2010, Schürrle, qui amène beaucoup de vitesse quand il entre en cours de match, et Götze n’étaient pas là. Sur le banc, il ne faut pas oublier Podolski. Ensuite, les cadres, comme Lahm, ont acquis beaucoup d’expérience en Coupe d’Europe ces quatre dernières saisons. Pour sa génération, une jeunesse dorée, c’est certainement la dernière chance de couronner une carrière.

Jusqu’à présent, le gros problème de l’Allemagne, c’était sa défense. A-t-elle vraiment progressé ou sa force offensive masque-t-elle ses lacunes?
Un peu des deux. Dans cette Coupe du monde, on n’a pas encore vu l’Allemagne sous pression. Le 4-4 contre la Suède est encore dans les mémoires (n.d.l.r: le 16 octobre 2012, dans le cadre des qualifications, l’Allemagne menait 4-0 à la 56e). Dans l’axe, un trio fait progresser l’Allemagne: Boateng et Hummels, avec le gardien Neuer comme libéro. Même si Hummels n’est pas à l’abri d’un couac. Le retour à l’aile droite de Lahm est une bonne chose. Neuer a un jeu de main exceptionnel et il est très bon des pieds. Son style très offensif lui a fait encaisser quelques buts de bêtisier il y a quelques saisons. Aujourd’hui, il ne doute pas.

Quelle faille pourrait exploiter l’Argentine?
Le maillon faible, c’est le flanc gauche. L’Allemagne n’a pas de latéral gauche, à part Lahm, gaucher, qui peut aussi jouer à droite. En Bundesliga, ce sont surtout des étrangers qui occupent ce poste. Il y a bien Durm, qui a fait une bonne saison avec Dortmund, mais il n’a aucune expérience en équipe d’Allemagne. C’est certainement l’avenir, mais la Coupe du monde n’est pas faite pour les tests. Du coup, Höwedes joue comme latéral gauche, mais c’est un défenseur axial et il est droitier. C’est un point faible. Il est un bon défenseur, mais il n’est pas à sa place. A mi-terrain, Özil est censé évoluer sur le côté gauche. Mais il se trouve souvent derrière l’attaquant de pointe et il ne défend pas très bien.

Comment jugez-vous le jeu argentin?
Les Argentins sont les Prussiens d’Amérique du Sud, des soldats qui se donnent pour la patrie avec une grande discipline. Leur équipe est très solide. En demi-finale, elle n’a pas laissé un centimètre d’espace à la Hollande. Avant la Coupe du monde, les défenseurs argentins n’étaient pas très connus. Or, ils ont de grandes qualités, comme leur gardien Romero.

Offensivement, l’Argentine est-elle trop dépendante de Messi?
Di Maria a animé le jeu offensif de belle manière (n.d.l.r.: il est incertain dimanche). Agüero est un bon attaquant. Mascherano est un joueur au gros cœur et qui a un grand potentiel physique, comme un Gattuso. Mais l’équipe dépend beaucoup de Messi et de ses actions. On dit que l’Argentine, c’est deux lignes et, devant, le Bon Dieu. C’est la grande différence par rapport à l’Allemagne, qui ne dépend pas d’un seul joueur. Mais Messi est génial. Il ne transpire jamais et, tout d’un coup, il est capable d’un dribble, d’une passe ou d’une balle arrêtée qui décide du sort d’un match.

 

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Inconditionnel de l’Argentine depuis 1978
C’est un rituel. Un grand drapeau bleu et blanc au soleil doré est déployé devant la télévision. A chaque match de l’Argentine, Léo Jaquet enfile son maillot de Maradona et allume une bougie. Comme un cierge. «Je ne suis pourtant pas croyant», confie l’habitant de Grandvillard, 54 ans.
La religion de Léo Jaquet, c’est l’Argentine. C’est plus fort que lui. «Même contre la Suisse, j’étais à 100% argentin», assure le Gruérien dans son fitness de Grandvillard. A quelques heures de la finale de la Coupe du monde, la bougie est presque totalement consumée. «Je ne me fais pas de scénario, répète-t-il. Peu importe la manière, il faut qu’on gagne.» Le match, il le regardera probablement seul. «Je n’aime pas qu’on ne soit pas d’accord avec moi, je suis de mauvaise foi», rigole l’ancien masseur du FC Bulle.
Léo Jaquet n’a pas (encore) été dans son pays de cœur. Son attachement à son équipe de football remonte à 1978 et au premier titre, lors de la Coupe du monde en Argentine. «J’avais 18 ans. L’équipe avait déjà des virtuoses, comme Kempes. Politiquement, je ne me rendais pas compte de ce que vivait le pays avec la dictature.» Le virus argentin est transmis à ses frères, Robert et Benoît. En 1986, c’est un nouveau sacre au Mexique, contre l’Allemagne. «L’équipe était inarrêtable. Maradona était la locomotive.»


A Rome en 1990
Quatre ans plus tard, en 1990, c’est la désillusion, pour la revanche. Les trois frères et leur père Béat, aujourd’hui décédé, étaient dans le stade olympique de Rome pour assister à la victoire allemande et au penalty victorieux de Brehme. «On avait l’impression qu’on avait la planète contre nous. Parce qu’ils avaient perdu en demi-finale contre l’Argentine, les Italiens soutenaient l’Allemagne. Maradona s’était fait siffler pendant tout le match…»
Maradona, Léo Jaquet en est un inconditionnel. «Parce que c’est le meilleur.» Point. «C’était un génie du foot, comme il peut y avoir des génies en musique ou en peinture.»


«Presque le Brésil»
Retour au présent et à la finale de dimanche. On l’a dit, Léo Jaquet n’aime pas trop en parler. Neuer, le gardien allemand, n’est-il pas impressionnant? «Les équipes qui ont le meilleur gardien sont aussi celles qui défendent le moins bien, contre-attaque le Gruérien. On voit peu Romero, parce que l’Argentine défend bien. L’équipe est très concentrée, sobre et solidaire. Elle fait très peu d’erreur. Je me suis juste fait du souci lors du premier match (n.d.l.r.: victoire 2-1 sur la Bosnie). On voyait beaucoup d’espace entre les lignes. Il y avait peu de discipline. L’Argentine jouait presque comme le Brésil.» C’était dire l’inquiétude.
Une seule crainte pour dimanche soir: concéder le premier but. «Ce serait un coup au moral, parce que l’Argentine ne marque pas beaucoup. A l’inverse, si on devait mener au score, on ne sera pas à l’abri. Les Allemands n’abdiquent jamais.» Comme en 1986, où la Mannschaft était revenue à 2-2, après avoir condédé les deux premiers buts. Avant de plier 3-2. TG

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