«L’Argentine pourra s’appuyer sur 100000 supporters»

| mar, 01. jui. 2014
Photo Keystone
Installé en Argentine, le Bullois Pierre Millasson a fait le voyage au Brésil. Footballeur et joueur de futsal, il a suivi le parcours de la Suisse et de l’Argentine, opposées ce mardi. Il raconte ce qu’est le foot au pays de Maradona.

PAR KARINE ALLEMANN

Pierre Millasson est tombé amou­reux de l’Argentine il y a quatre ans. Un échange scolaire de six semaines à Baradero, une colonie suisse située à 200 km au nord de Buenos Aires, agit comme un coup de foudre. Suivent des voyages dans toute l’Argenine, puis en Bolivie et au Pérou. L’année dernière, après un nouveau périple sac au dos entre Rio et Buenos Aires, le Bullois décide de ne pas prendre l’avion de retour et s’installe dans la capitale argentine.
Joueur du FC Broc – il a souhaité bonne chance à ses potes brocois par Skype avant leur dernier match – et aussi membre de l’Uni Futsal Team Bulle, Pierre Millasson (22 ans) est actuellement au Brésil, où il a assisté à plusieurs matches de la Coupe du monde. Ce mardi, il sera à Sao Paulo pour le huitième de finale entre l’Argentine et la Suisse. Aficionados de l’équipe de Lionel Messi, le Bullois n’en renie pas pour autant ses racines: «C’est du sang suisse qui coule dans mes veines. Comme l’indique mon tatouage, je ne suis argentin que dans l’âme. Ça ne suffira pas à me faire changer de bord», rigole-t-il.

Pierre Millasson, comment est née cette envie de vous installer en Argentine, et comment est la vie sur place?
J’aime la vie ici. Il n’y a aucune logique, impossible de prédire son avenir. Les Argentins se taquinent beaucoup, dans la bonne humeur, et ils respirent la vie et le football. Cette ferveur est incroyable. Malheureusement, la crise économique se fait aussi ressentir. C’est dur. En général, un salaire ne suffit pas. Les gens cumulent les travaux et comptent chacun de leurs frais. La politique est au centre de toutes les critiques, un changement est attendu. Mais rien ne semble surgir.
Je travaille dans une entreprise de vente de produits cosmétiques sur internet. Je suis étudiant en lettres à l’Université et, le semestre prochain, je vais poursuivre en psychologie. Car Buenos Aires est considérée comme la capitale de la psychanalyse.

Comment l’équipe d’Argentine est-elle perçue?
Les Argentins ne sont pas très confiants, même s’ils attendent une finale depuis plus de vingt ans. Leur problème est la défense. Les gens critiquent pas mal les choix du sélectionneur. Sabella a été entraîneur d’Estudiantes de la Plata, un bon club formateur dans la province de Buenos Aires. Rojo est son poulain. Il lui fait confiance, alors que tous les spécialistes disent qu’il sort d’une saison horrible et qu’il a cumulé les erreurs les trois premiers matches. Même chose pour le défenseur central Federico Fernández, également formé à Estudiantes. Impossible de les déloger.
Ensuite, reste le roi, le dieu Messi. Tout le monde sait que l’Argentine dépend de lui, surtout avec la blessure de son pote Agüero. Avec le système
4-3-3 qui lui convient si bien, le rouleau compresseur est lancé. Mais attention! En face, il y aura un Messi suisse en la personne de Shaqiri.

Quelle est aujourd’hui l’image de Maradona?
Pour beaucoup, il est le meilleur joueur de tous les temps. Mais c’est sa gestion de l’extrasportif qui laisse à désirer. Sur de lui, arrogant, délinquant, drogué, con… Voilà les adjectifs qui reviennent dans les discussions. Après la désillusion de 2010 en tant que sélectionneur, Maradona s’est insulté avec LE joueur de Boca, Juan Roman Riquelme. Puis, au Brésil, il est apparu au match contre l’Iran, mais il est parti avant la fin en critiquant le jeu argentin. Le président de la fédération lui a clairement fait savoir qu’il n’était plus le bienvenu. Maradona a répondu avec un doigt d’honneur…

Et que pensez-vous du parcours des Suisses?
Une victoire arrachée à l’ultime minute contre l’Equateur les sauve, en quelque sorte. Certains voyaient la Suisse sûre et prête après le camp de prépa­ration. C’est tout le contraire jusque-là. Une fragilité alarmante, un gardien très fort, mais qui peut avoir son moment d’absence, une défense centrale qui tremble, des latéraux qui ne montrent rien à la différence de leur prestation en club, et des numéros 6 à la rue selon moi. Beaucoup de Suisses disent que  Xhaka était inexistant. Mais, pour moi, il a un rôle très important en dix. Dès qu’il est sorti contre le Honduras, on a souffert. Les ailiers ne percutent que très peu et les attaquants sont dans l’ombre. Seuls Shaqiri et Drmic ont tout simplement excellé. Mais je les vois taquiner l’Argentine jus­qu’en prolongation.

A quel match vous attendez-vous mardi soir?
Ça va aller dans tous les sens et peut-être trop vite pour les Suisses. Mais les difficultés de la défense argentine vont nous laisser des espaces. Il faudra se déployer rapidement en contre. Après, il faut penser que l’Ar­gentine pourra s’appuyer sur 100000 supporters présents dans les rues, dont 20000 ont des entrées et sûrement 10000 de plus vont acheter des billets au marché noir. Le stade sera bleu et blanc. Une ambiance à donner la chair de poule. Pour ma part, je vois l’Argentine gagner après les prolongations.

Comment sont l’ambiance et l’organisation sur place au Brésil?
A Brasilia, c’était assez mort jusqu’au jour du match. La faute à une «Fan fest» située à 1 h 30 du centre-ville, dans une zone dangereuse et avec très peu de transports publics. Sinon, l’ambiance est bon enfant entre les supporters, qui s’échangent leur maillot à la fin des matches. Pour l’anecdote, j’ai échangé le maillot d’échauffement de l’Uni Futsal Team Bulle!
Quant à l’organisation, ce n’est pas ça, malheureusement. Les stades sont justes prêts, les aéroports pas finis et les logements très très chers. Par exemple, j’avais des billets pour Manaus (n.d.l.r.: Suisse-Honduras). Mais, avec les vaccins, les billets d’avion et l’hébergement, cela aurait été moins cher de revenir en Suisse et de monter à la Jungfrau…
Et puis, l’autre jour, à la sortie du stade après Suisse-Equateur, certains vendeurs officiels avaient déserté leur poste. C’était open bar! Tout le monde se servait gratuitement. Sinon, la sécurité est au point. Il est très facile de se rendre au stade, sous haute surveillance policière. Même si j’ai vu que les Argentins et les Chiliens ont réussi à entrer dans le stade par la zone de presse. Un chaos.

Est-ce que vous vous faites chambrer par vos amis argentins?
Depuis que la Suisse est l’adversaire connu en huitième, je n’ose plus mettre les pieds dans mon club de futsal de Pinocho. En plus, les joueurs de la sélection nationale de futsal argentine ne me laissent rien passer: lent comme un Suisse, prévisible comme un Suisse et travailleur comme un Suisse. Bon, pour ce dernier point, ça va!
Mercredi, à mon retour à Buenos Aires, soit je vais aller travailler la tête haute malgré les blagues qu’on va me faire toute la journée, en applaudissant l’Argentine pour sa qualification, soit la Suisse gagne. Et là, plutôt que de m’excuser auprès de tout le monde, je vais rester chez moi, me faire une fondue avec un bon vin blanc et écouter de la youtse toute la journée!

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