Le quotidien d’un homme à tout faire du Tour de France

| sam, 05. jui. 2014
Le Tour de France s’élance aujourd’hui de Leeds. Indispensables, les assistantsmasseurs œuvrent dans l’ombre des coureurs. Ancien sprinteur et éphémère Bullois, Alexandre Usov raconte son nouveau quotidien au sein de l’équipe IAM Cycling.

PAR THIBAUD GUISAN
Dans le peloton, on les appelle assistants masseurs. Ou simplement les assistants. Parce que s’ils massent bien les coureurs, ce n’est de loin pas leur seule mission. «On est un peu des hommes à tout faire, sourit Alexandre Usov. Notre boulot est d’apporter de la tranquillité aux coureurs, pour qu’ils puissent se concentrer sur leur performance.»
L’ancien coureur biélorusse, 37 ans, qui a habité à Bulle, vit dès aujourd’hui au cœur du Tour de France. Durant trois semaines, il est un des quatre assistants masseurs de l’équipe romande IAM Cycling sur la grande boucle 2014. Il raconte son quotidien d’homme de l’om­bre. «Il y a toujours un truc à faire. On n’a pas le temps de souffler», résume-t-il.
l au saut du lit
Le réveil sonne vers 6 h dans la chambre d’hôtel. Debout bien avant les coureurs, ils ont une première mission: la préparation des ravitaillements pour l’étape du jour. «Ça n’a l’air de rien, mais il y a 150 bidons à remplir. Ça prend vite une heure et demie à deux heures», explique Alexandre Usov.
Il faut aussi préparer les musettes, tendues aux coureurs lors du ravitaillement. Leur contenu: barres et gels énergétiques, deux bidons (eau et boisson isotonique) et, parfois, un coca. «Les coureurs mangent de moins en moins de produits frais. Il n’y a pas si longtemps, les assistants préparaient des paninis avec du jambon et du fromage à tartiner. Cela se fait encore dans certaines équipes.»

Avant l’étape
Les coureurs s’offrent une bonne collation deux heures et demie avant le départ du jour. «Pour la première fois, IAM a son cuisinier attitré sur une course. C’est le cas de la plupart des équipes. Les coureurs mangent du riz, des pâtes, des omelettes. C’est à la carte.» Pendant ce temps, les assistants aident les mécanos à préparer les huit voitures de l’équipe.
En fin de matinée, un des assistants est chargé d’une mission particulière: acheminer les bagages – «vingt à vingt-cinq valises avec celles du staff» – et les cinq tables de massage directement à l’hôtel suivant. «Il part avec une petite fourgonnette. Arrivé sur place, il vérifie que les réservations sont en ordre et il installe les affaires dans les chambres. Ça prend du temps.»
Les trois autres assistants se rendent avec leur voiture dans la zone du départ. Les coureurs la rejoignent avec le bus de l’équipe. «On est à disposition des coureurs qui souhaitent un massage avec des produits chauffants ou rafraîchissants. Le but est de préparer la musculature à l’effort. Les coureurs se retrouvent vite à 50 km/h. Le mieux serait de s’échauffer en faisant un peu de vélo, mais le temps est compté.»

La course
Les assistants masseurs suivent le déroulement de l’étape par Radio Tour, la fréquence officielle du Tour de France. «On ne voit pas une seule image de la course à la télévision. C’est malheureux, mais c’est comme ça», sourit Alexandre Usov. Le départ donné, ils prennent la route. L’un se rend directement à l’arrivée. Les deux autres gagnent la zone officielle de ravitaillement. C’est là, au milieu de l’étape, qu’ils tendront les musettes aux coureurs. Ils prennent position à côté de leurs confrères des autres équipes. «C’est le moment le plus calme de la journée. Mais, au Tour de France, avec le nombreux public, ça reste assez stressant.»
Le casse-croûte distribué, les assistants reprennent le volant, direction l’arrivée. «Parfois, c’est limite pour arriver à l’heure. On emprunte des routes secondaires en dehors du parcours. Il arrive qu’on passe une heure dans les bouchons…»

A l’arrivée
Les coureurs coupent la ligne vers 17 h 30. «Ils se douchent dans le car de l’équipe. Dès qu’ils sont prêts, on les emmène par deux ou trois en voiture à l’hôtel.» Les massages débutent à partir de 18 h 30 oub19 h. Les quatre assistants – appuyés par un ostéopathe – se partagent les neuf coureurs. «Au Tour, on consacre une heure à chacun. C’est un peu plus que sur une autre course.»
Les jambes et le dos sont massés en priorité. Physiologiquement, l’opération permet notamment un drainage des toxines produites durant l’effort, grâce à une activation du système sanguin intramusculaire. «C’est aussi bon pour le système nerveux.»
Car l’objectif d’un massage est aussi «de calmer les esprits». «On passe une musique relaxante. Il est important que le coureur pense à autre chose qu’à l’étape qui vient de se passer, estime Alexandre Usov. On fait la conversation. Car, si on ne dit rien, le coureur va penser à la course.» Les séances se terminent «au plus tôt» vers 21 h. «On soupe avec le reste du staff, entre 21 h 30 et 22 h 30. Après, on n’a pas forcément envie de continuer à travailler. Ce sera pour le lendemain.» Le réveil sonnera vers 6 h.


«Je serais bien resté en Gruyère»
Alexandre Usov n’a pas oublié son année bulloise. «C’était en 2004. J’habitais à la rue Pierre-Sciobéret. J’avais vécu quatre ans à Payerne. J’avais envie de changer.» Alors chez Phonak (de 2000 à 2004), le Biélorusse a sillonné les routes de la région. «Je m’entraînais souvent avec Pierre Bourquenoud et Christian Charrière. J’étais avant tout un sprinteur, je m’aventurais pas trop où ça montait. Mais on allait parfois jusqu’au col des Mosses.»
Le départ de Bulle a été précipité. «J’avais signé dans l’équipe française AG2R. Comme je n’avais plus de contrat de travail en Suisse, j’ai dû partir. C’était une décision politique. Mais je serais bien resté dans la région.» Alexandre Usov s’est alors installé en Savoie près de Chambéry, où il vit toujours avec sa compagne et ses deux fillettes. Champion de Biélorussie en 2002, le natif de Minsk a disputé trois Tours d’Italie et deux Tours d’Espagne. Il a pris sa retraite sportive en 2010. Il s’est alors formé comme masseur et entraîneur. En 2013, il a été engagé comme assistant masseur par IAM Cycling. «C’était un moyen de rester dans le milieu. Tout le monde ne peut pas devenir directeur sportif. En tout, ma fonction représente 200 jours de travail par an, avec les camps d’entraînement.» TG

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