Un chapitre de la conquête spatiale se joue dans la Broye

| mar, 29. jui. 2014
Swiss Space Systems développe à Payerne un système de lancement de satellites «à bas prix».

PAR DOMINIQUE MEYLAN

Le projet ressemble à un rêve un peu fou: Swiss Space Systems ou S3 a pour objectif de développer, construire, certifier et exploiter des navettes spatiales suborbitales dédiées au lancement de petits satellites. Et tout cela depuis Payerne, aux portes du canton de Fribourg. Un peu plus et on se croirait à Cap Canaveral.
Pourtant, le projet, lancé au printemps 2013, semble sérieux et franchit allégrement les étapes. L’année prochaine, la société proposera des vols zéro gravité à un prix qui n’est pas destiné aux seuls nantis. «ça marche très fort», rapporte Grégoire Loretan, porte-parole de S3. Cela répond à la volonté affichée par l’entreprise de démocratiser l’espace.
Actuellement, le gros du travail se concentre sur le développement de la navette suborbitale réutilisable, qui permettra le lancement de petits satellites.  L’opération se déroule en deux phases: un Airbus A300 transporte la navette jusqu’à 10000 mètres, puis cette dernière poursuit son ascension jusqu’à une altitude de 80 kilomètres de manière à éjecter son étage supérieur qui placera les satellites en orbite. L’engin rejoint ensuite le sol en planant.
Ce système est économique, puisque les appareils sont réutilisables et la consommation de carburant moindre. Il est également souple: pour le lancement, il suffit d’une piste d’aéroport capable d’accueillir un Airbus A300. En cas de problème, le processus peut être interrompu à tout moment.
Pour diviser le prix du lancement d’un satellite par quatre comme le prévoit S3, un autre élément est déterminant: l’entreprise a repris des technologies existantes et évite ainsi des recherches coûteuses. Alors que le développement d’une telle technologie pourrait coûter des milliards, le budget s’élève à 250 millions de francs jusqu’en 2018.


Des recherches sans suite
C’est sur une belle opportunité que le projet a démarré. Le fondateur de S3, Pascal Jaussi, a participé à une étude de l’EPFL sur une nouvelle version de la navette européenne Hermès. Au terme des travaux en 2009, la faisabilité technique est établie. Mais aucun débouché industriel n’est prévu.
L’aventure aurait pu s’arrêter là. Mais c’est sans compter Pascal Jaussi. De 2009 à 2012, il travaille en sous-main pour réunir des partenaires et un financement. «Il était impossible de monter ce projet seul, rapporte Grégoire Loretan. Pour le faire vivre, il fallait réutiliser des éléments existants.»
Pascal Jaussi a notamment créé un modèle commercial qui permet d’aboutir au but final: le vol suborbital avec passagers. Le lancement de satellites tout comme les vols zéro gravité sont des étapes nécessaires, qui déboucheront sur le développement d’une navette pour voyageurs après 2018.


Les vols du futur
«Nous ne serons pas dans la démocratisation complète dans un premier temps», admet Grégoire Loretan. Le prix des billets devrait avoisiner celui d’un vol en première classe. Mais avec une vitesse pouvant aller jusqu’à 4000 ou 5000 km/h, les gains de temps devraient être plus qu’intéressants: environ une heure et demie pour rallier Genève à New York, selon une estimation grossière.
La navette pourra transporter huit personnes avec un pilote. Le système de lancement sera identique à celui des satellites: montée jusqu’à 10000 mètres sur le dos d’un airbus, puis départ. A nouveau, on semble voguer en pleine science-fiction. Mais pour S3, ce modèle est simplement inspiré de l’aviation commerciale. «Là aussi, on est passé rapidement des vols pionniers à une démocratisation», rappelle Grégoire Loretan.
Actuellement, S3 mène les premiers tests en soufflerie sur une maquette de sa navette. Suivront au printemps 2015, des vols captifs, puis le prototype sera lâché seul. Si tout se passe, bien, la navette sera ensuite construite. Toutes ces étapes auront lieu à l’étranger, mais l’assemblage se fera à Payerne. Les vols tests sont prévus en 2017 et les premiers lancements commerciaux en 2018.

 

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Le Cap Canaveral broyard
Les navettes ne décolleront pas de Payerne. «Il est plus sûr de survoler des zones non habitées», explique Grégoire Loretan, porte-parole de S3. La cité broyarde n’en accueillera pas moins un important complexe administratif ainsi qu’une halle où seront menées des activités d’assemblage et de maintenance des navettes et des airbus. Actuellement, S3 emploie une cinquantaine de personnes à Payerne, qui travaillent sur le développement de la navette. L’entreprise a présenté ce printemps un avant-projet de port spatial. La mise à l’enquête publique devrait suivre ces prochains mois. DM

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