"Autant de pluie, c'est de l'acharnement!"

| sam, 02. aoû. 2014
Les records de pluie du mois de juillet ont particulièrement touché les alpages. Aux Gros Chomiaux, Dominique Gachet n’est pas prêt d’oublier une nuit d’apocalypse. Récit.

PAR YANN GUERCHANIK

«Depuis quinze ans que je tiens les Gros Chomiaux, j’en ai vu de l’eau… Mais pas comme ça.» Dominique donne à voir une réalité au-delà des statistiques. Des pluies records sont tombées sur la région gruérienne au mois de juillet. MétéoSuisse fait état de 430 mm sur le Moléson, près de quatre fois plus que la moyenne (La Gruyère de jeudi). Au secteur de la protection contre les dangers naturels du Service des forêts et de la faune (SFF), on recense 46 «événements» en lien avec les intempéries, dont la moitié concerne les alpages. Sur les hauteurs de Cerniat, Dominique Gachet peut en témoigner. Le 19 juillet dernier, il a vécu une nuit d’apocalypse.
Ce samedi-là, la buvette accueille seize clients. Avec le personnel et la famille, ils sont vingt-cinq à voir se déchaîner les éléments, là-haut sur la montagne. «Vers 20 h, j’ai reçu un appel des pompiers de Charmey: la route qui mène au chalet était devenue impraticable à cause d’un glissement de terrain.» Le tenancier part constater les dégâts. Il arrête sa voiture devant la masse de terre. De l’autre côté, les pompiers se mettent à lui faire des signes et à crier.


«En quelques secondes»
«Le terrain s’est mis à glisser juste derrière moi. En quelques secondes tout était en bas!» Dominique Gachet n’a même pas eu le temps d’avoir peur. «J’ai vu les piquets plier les uns après les autres. Une avalanche silencieuse. On entendait juste les arbres craquer. J’ai eu de la chance.» Depuis, l’homme a souvent songé à son fiston, qui a évité le malheur de justesse.
«En descendant, j’avais oublié mon portable…» Les éléments grondent, mais le garçon enfourche son vélo pour apporter le téléphone à son père. Heureusement, dans un chalet proche, un voisin assiste à la scène. Il s’empresse de démarrer sa jeep et récupère le gamin. «Sans quoi, il se serait trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment», résume Dominique Gachet avec émotion.


Vaches sages et précieuses
Laissant sa voiture sur place, le tenancier remonte à pied jusqu’à la buvette. «J’avais l’impression d’être une bête traquée. Vous regardez de tous les côtés pour vérifier que rien n’arrive. Vous vous sentez cerné.» Un peu plus tard, on l’informe d’autres éboulements. Notamment du côté de la Guisolande, son deuxième chalet un peu plus haut. Malgré le danger, Dominique Gachet s’y rendra tard dans la nuit, pour examiner ses 50 génisses. «Parce que c’est mon métier!»
Sur les 160 vaches réparties sur ses trois alpages, le Gruérien ne déplore «aucune casse». De quoi lui redonner un peu le sourire. Le regard malicieux, il se souvient d’ailleurs que, la veille au soir, ses génisses lui ont donné du fil à retordre comme jamais auparavant. «Elles ne voulaient pas sortir. Elles savaient. Comme ces éléphants qui ont senti venir le tsunami.»
Mais, avant de s’enquérir du troupeau, il a fallu s’occuper des clients coincés aux Gros Chomiaux. Un moment, il a été question de la Rega. Mais très vite la solution la plus sage s’impose: établir un camp de fortune et passer la nuit sur place. «La police déconseillait de descendre et je n’avais pas envie de retrouver un client enterré le lendemain matin.»
La buvette n’est pas équipée pour loger des hôtes, il faut donc utiliser le système D: «On a dormi par terre ou à plusieurs dans quelques lits à disposition. De toute façon, personne n’a beaucoup dormi cette nuit-là.» Et le tenancier de se féliciter: «Les clients ont très bien réagi.»


Alpages saccagés
Le dimanche matin, Dominique Gachet fait appelle à son cousin. Avec une machine, ils parviennent à frayer un passage sur la route. Les pompiers peuvent alors évacuer tout le monde. Les opérations se poursuivront lundi, avec une petite entreprise de Cerniat. «Il nous a fallu une Menzi et deux camions. On a déblayé 500 m3 de terre.»
Après ses mésaventures, Dominique Gachet prend la mesure des dégâts. Il y a bien sûr les deux glissements de terrain qui auraient pu lui coûter la vie, mais encore d’autres éboulements comme autant de balafres dans la montagne. Le tronçon de route qui mène des Gros Chomiaux à l’Hauta-Chia le préoccupe particulièrement: «C’est un petit bout qui part à chaque fois. Un jour, tout va y passer.» Une réunion est d’ailleurs prévue avec le syndicat responsable de la route pour fait le point de la situation.
La météo, ça fait des jours que le Gruérien ne la consulte plus: «Ça m’énerve trop. Autant de pluie, c’est de l’acharnement!» Si ce mois de juillet se révèle forcément mauvais pour les affaires, Dominique Gachet se désole surtout pour les alpages qui l’entourent. «Et encore, chez nous, c’est loin d’être le pire. Quand vous regardez du côté de la Singine depuis l’Hauta-Chia, il y a vraiment des alpages qui ont mal. C’est à chialer.»

 

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Piscines et buvettes boivent la tasse, alors que les loisirs indoor se délectent


Les pelouses des piscines et les sentiers de randonnée restent déserts. En cause: la pluie incessante de ce mois de juillet. Les activités d’intérieur, elles, affichent le sourire.

PAR SOPHIE MURITH, PRISKA RAUBER, SOPHIE ROULIN, YANN GUERCHANIK

Sombre et pluvieux, ce mois de juillet n’aura pas été celui des activités en plein air. Piscines, remontées mécaniques, buvettes d’alpage et autres font la grimace. Mais le malheur des uns fait le bonheur des autres, comme le veut l’adage. Ceux à qui l’été et la chaleur ne sourient habituellement pas se délectent de cette météo maussade. Cinéma, bowling et halle d’escalade connaissent de belles affluences. Tour d’horizon non exhaustif.

Piscines
«J’espère que nous atteindrons les chiffres d’une année très moyenne.» Le caissier communal de Broc est désappointé lorsqu’il évoque la fréquentation de la piscine. Ouverte (sur le papier) de début juin à fin août, elle a accueilli ses baigneurs le week-end de la Pentecôte (8-9 juin) «et, depuis, c’est misérable, indique Jean-Pierre Leu. Comment voulez-vous? Il fait un jour de beau, mais il repleut le lendemain. Ça ne donne même pas envie aux habitués de venir.»
A la fin juin, même les enfants, en colonie ou en activités de plein air, ont déserté la piscine de Broc cette année. Certes, relativise le caissier, «à part en 2003, il y a toujours un mauvais mois entre juillet et août».
Un peu mieux lotie parce que chauffée, la piscine de Bulle ne voit pas la foule affluer. «On fait beaucoup moins qu’à l’habitude», commente l’un des gardiens, sans avancer de chiffre ni de statistique.

Bains de la Gruyère
«Nous sommes contents de ce mois de juillet, reconnaît Béatrice Ambühl, directrice des Bains de la Gruyère, à Charmey. Mais il est vrai que nous sommes souvent à l’inverse des autres acteurs touristiques.» Les infrastructures thermales ont enregistré 5000 entrées de plus le mois dernier par rapport à l’année précédente à la même période. «Il faut tempérer ce résultat, car le mois de juillet 2013 avait été particulièrement mauvais en termes d’entrées. Il avait fait très beau.»

Remontées mécaniques
«Les chiffres au 22 juillet indiquent déjà une baisse d’environ 40% par rapport à l’an dernier.» Depuis treize ans qu’il travaille pour les remontées mécaniques de Moléson, Antoine Micheloud n’a jamais vu ça. «Habituellement, les variations sont de l’ordre de plus ou moins 20%. Dans les chiffres, on a rarement vu des effets pareils sur un mois», commente le directeur des remontées mécaniques.
Une situation que l’on retrouve dans les autres stations gruériennes. «C’est triste, commente pour sa part Jean-
Marie Buchs, directeur de l’Office du tourisme de Bellegarde. On a souvent dû fermer alors que c’est la pleine saison. Mais s’il fait beau, alors on transporte davantage de monde à la journée que l’année dernière.» Charmey a également dû se résoudre à fermer plus d’une fois sa télécabine. Directeur de l’Office du tourisme, Christophe Vallet souligne néanmoins que mai et juin ont été excellents. «Mais, maintenant, il faut que la météo tourne. Sans cela la saison sera difficile.»
Sans point de comparaison puisqu’il s’agit de sa première saison d’exploitation estivale, La Berra vit également un été délicat. «On bénéficie de la curiosité les jours de beau, mais l’affluence est très différente en cas de mauvais temps», note Philippe Gaillard. Responsable de l’exploitation, il regrette de ne pas avoir pu ouvrir en juin alors que la météo était clémente. A Moléson, ce même mois a permis d’enregistrer une hausse de 20% de fréquentation par rapport à l’an dernier. «C’est le meilleur mois de juin de notre histoire!» se réjouit Antoine Micheloud.

Nuitées stables
De façon générale, les nuitées n’ont pas subi de baisse significative dans la région gruérienne. Les hébergeurs de la ville de Gruyères déplorent toutefois les réservations de dernière minute sur lesquelles ils ne peuvent pas compter cet été. Mais l’affluence demeure forte, tant la cité comtale fait office de passage obligé du circuit touristique. «Les visiteurs étrangers ont réservé leur séjour et ils maintiennent leur programme», constate Pascal Charlet.
Le directeur de La Gruyère Tourisme relève un avantage: «Notre offre comprend bon nombre d’activités indoor.» Les visiteurs se pressent d’ailleurs plus nombreux aux Offices de tourisme pour s’enquérir des alternatives en cas de mauvais temps.

Loisirs indoor
Tous aux abris! En juillet, les vacanciers se sont repliés sur les activités d’intérieur. Sur le cinéma notamment. «Les salles bulloises ont enregistré 6000 entrées durant ce premier mois de vacances, contre 3000 en juillet 2013», relève Xavier Pattaroni. Le programmateur du groupe Cinemotion fait remarquer que juillet 2012, un été maussade également, avait fait mieux encore avec 7000 entrées. «Cela dépend aussi des films. En 2012, L’âge de glace 4 avait été le carton de l’année et il était programmé en été.»  Anecdote révélatrice: le Passeport vacances de la Gruyère a trouvé refuge au Prado durant la première semaine des vacances.
Du côté du Musée gruérien, on constate aussi une hausse de fréquentation. Le conservateur Christophe Mauron note des visites de groupes non agendées et la venue des touristes. «En juillet-août, ils ont tendance à venir en Gruyère sans s’arrêter à Bulle. Le mauvais temps change la donne. De même, on a plus de visiteurs de la région qui cherchent des alternatives.»
Les vacanciers trouvent encore un plan de remplacement au bowling FunPlanet ou à la halle d’escalade Laniac. Exemple parlant, cette dernière ferme en grande partie ses portes durant l’été. «Mais, ce mois de juillet, nous avons ouvert tous les week-ends, indique le responsable Ruben Carpentier. L’année prochaine, nous prévoyons d’inaugurer un petit parc de blocs. Ainsi, nous resterons ouverts la saison estivale en proposant à la fois une activité intérieure et extérieure.» Par les temps qui courent, la complémentarité s’avère en effet de plus en plus comme un pari gagnant.
 

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