Ces sportifs extraterrestres qui passent l’été skis aux pieds

| sam, 02. aoû. 2014
Pour Gabriel Karlen et ses coéquipiers de l’équipe de Suisse, les entraînements sont intensifs. L’athlète de Rougemont raconte ses sauts sur tremplins synthétiques. Les sauteurs s’envolent plus souvent en été qu’en hiver.

PAR THIBAUD GUISAN

Les sauteurs à skis sont de drô­les d’oiseaux. Ces athlètes-là ne connaissent pas de saison. La preuve: ils ont bien plus souvent les skis aux pieds durant l’été que l’hiver. «De la fin mai à aujour­d’hui, je suis déjà à 250 sauts», calcule Gabriel Karlen.
Le sauteur de Rougemont, 20 ans, revient de Pologne où il a participé à sa première Coupe du monde d’été. D’ici mi-octobre, le membre du cadre C de Swiss-ski estime qu’il franchira la barre des 300 à 350 envolées. «C’est bien plus que durant tout l’hiver. En pleine saison, nous n’avons presque pas le temps d’entraîner les sauts. Nous sommes beaucoup en déplacement, d’une compétition à l’autre. Nous partons le jeudi et nous rentrons le lundi. Du coup, nous sautons presque uni­que­ment dans le cadre des concours. Cela représente cinq ou six sauts pour un week-end de compétition. Sur la neige, nous nous entraînons surtout juste avant le début de la saison d’hiver, en novembre et début décembre.»


Une pente à spaghettis
Durant l’été, les skieurs alpins trouvent refuge sur les glaciers ou sur les pistes du Chili ou d’Argentine. Les sauteurs à skis, ces extraterrestres, s’éclatent sur les matières synthétiques. Un filet d’eau, qui s’écou­le en continu, remplace la glace dans les rails d’élan du tremplin. La trace est en plastique ou en céramique. Quant à la zone d’atterissage, c’est un tapis synthétique. «Toute la pente sous le tremplin est recouverte de sor­tes de spaghettis en plastique, image Gabriel Karlen. Ça dépend de la météo et de la chaleur. Mais, en général, la pente est arrosée tous les trois sauteurs. C’est important qu’elle soit toujours humide. Sinon, les skis colleraient au tapis.»
 A en croire le jeune Vaudois, les sensations sont «quasi identiques» sur le tremplin synthétique. «La trace d’élan est un peu plus lente, mais on compense en partant d’un peu plus haut. Notre vitesse en sortie de planche est similaire à l’hiver: à 93 ou 94 km/h sur petit tremplin. L’été, l’air est un peu plus chaud. Il nous porte un peu mieux, mais c’est très minime comme différence.» Quant à l’atterrissage, il serait plus aisé que sur la neige. «Il n’y a pas de fausse trace. On voit d’ailleurs moins de chute à l’atterrissage l’été que l’hiver.»
Le matériel est également identique à celui de l’hiver. Gabriel Karlen utilise les skis de la saison écoulée, des lattes de 2,3 m de long. «Par contre, à la fin de l’été, les skis sont finis. On change de paires pour la neige.»
Durant l’été, les sauteurs à skis suisses s’entraînent beaucoup sur les tremplins synthétiques d’Einsiedeln. C’est dans le village schwytzois que Swiss-ski a sa base. Gabriel Karlen y vit d’ailleurs, dans l’internat situé dans l’enceinte de l’abbaye du XIIe siècle. «On s’entraîne toute l’équipe ensemble, explique-t-il. On est un petit groupe, avec seulement dix athlètes, de Simon Ammann à moi…» Des camps sont aussi organisés: l’équipe s’est rendue en fin mai en Allemagne, à Courchevel en juin, en Slovénie début juillet et en Pologne ces derniers jours. «Deux stages sont encore prévus. Durant ces semaines, on peut aligner les sauts.»
La multiplication des envolées est propice au travail technique. «Le point crucial, c’est la sortie du tremplin, explique Gabriel Karlen. Avoir le bon mouvement, dans le bon timing, ça prend des années. L’été, nous pouvons effectuer six sauts lors d’une séance d’entraînement. Le but est de trouver de la stabilité.»
Les entraîneurs scrutent aussi la position des athlètes en l’air. Avec l’appui de la vidéo. «L’objectif est d’utiliser le plus de surface portante. Person­nellement, c’est plutôt un de mes points forts. Je suis léger (n.d.l.r.: une cinquantaine de kilos, pour 1,65 m).»
L’été est aussi dédié à la condition physique, entretenue durant l’hiver. «En général, nous avons trois séances par semaine, les lundis, mercredis et vendredis. La priorité, c’est le renforcement musculaire. Nous travaillons au niveau des abdos, mais, surtout, des jambes. Nous cherchons à augmenter la force explosive des jambes, pour pouvoir pousser le plus rapidement et le plus fort possible en sortie de tremplin.»


Des haltères de 83 kg
Les sauts de haies, mais aussi des exercices de flexion avec haltères sont au programme. «On descend doucement en pliant les genoux et on se relève le plus rapidement possible. Les char­ges varient en fonction des athlètes. Personnellement, je porte jusqu’à 83 kg.»
L’été des sauteurs à skis se termine à la mi-octobre. Avec les championnats de Suisse, qui ne connaissent qu’une version estivale. En attendant, Gabriel Karlen profite du week-end de la Fête nationale pour prendre un peu de repos dans le Pays-d’Enhaut. «Ça faisait longtemps que je n’étais pas revenu à la maison», sourit le sportif bourlingueur.

 

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Premier Grand Prix à Wisla
Le week-end dernier, en Pologne, Gabriel Karlen a participé au premier Grand Prix de la saison. «C’est l’équivalent de la Coupe du monde», explique le sauteur de Rougemont. Le circuit mondial estival, géré par la Fédération internationale de ski, existe depuis 1994. Sur le grand tremplin de Wisla, le Vaudois a manqué la qualification (promise aux 48 meilleurs) pour le concours individuel.
Avec un bond à 113,5 m, il s’est classé 56e. «J’ai eu de la peine à m’habituer à un tremplin que je ne connaissais pas. J’étais un peu déçu, car je n’ai pas réussi à reproduire mes derniers bons entraînements. J’ai eu deux sauts d’essais, avant celui de qualification. A chaque fois, j’ai sauté trop tôt au bout de la planche. J’ai perdu beaucoup de mètres.» L’hiver dernier, Gabriel Karlen avait manqué deux fois la qualification pour un concours de Coupe du monde: à Innsbruck et à Planica. «Mais ça faisait plaisir de retrouver la Coupe du monde. C’est intéressant de pouvoir se comparer à l’élite mondiale. En plus, les Polonais sont des fans de saut à skis.»


Avec Simon Ammann par équipe
A Wisla, Gabriel Karlen a aussi participé au concours par équipe avec Simon Ammann, Gregor Deschwanden et Marco Grigoli. La Suisse s’est classée 8e. Le Vaudois avait déjà sauté avec ces coéquipiers l’hiver dernier à Planica, lors des finales de la Coupe du monde. «A Wisla, on a atteint un premier objectif en nous qualifiant parmi les huit premiers pour la finale. Par contre, nous n’avons pas réussi à gagner un ou deux rangs. C’était dans nos cordes. Personnellement, j’ai mieux sauté que lors des qualifications, mais ce n’était pas encore du grand Gabriel.»


«Troisième meilleur Suisse»
A la fin de la semaine, du 8 au 9 août, la Coupe du monde d’été s’arrête à Einsiedeln. «Je participerai aux qualifications, annonce Gabriel Karlen. Après, pour les étapes suivantes, notamment celle de Courchevel, ça dépendra des résultats. Actuellement, je suis le troisième meilleur sauteur suisse, derrière Ammann et Deschwanden. J’espère conserver ma bonne forme jusqu’à l’hiver.» TG

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