PAR THIBAUD GUISAN

La création d’une aire d’accueil pour les gens du voyage dans le canton de Fribourg se précise enfin. Sur demande du Département fédéral de l’environnement, des transports et de la communication (DETEC), le canton a procédé hier à la mise à l’enquête d’un projet qui fait parler de lui depuis 2008. Hier, soit le jour même où le Grand Conseil se prononçait sur un mandat déposé par plusieurs députés.
Sur la base de la convention signée en novembre 2013 par le canton et la Confédération, c’est une aire d’accueil multifonctionnelle, également destinée à accueillir les poids lourds, qui verra le jour à La Joux-des-Ponts, sur la commune de Sâles.
La mise à l’enquête publique court jusqu’au 13 octobre prochain. Le calendrier est géré par le DETEC et l’Office fédéral des routes (OFROU). «Si tout se passe bien, on peut espérer une mise en service de l’aire à la fin 2017, mais pas avant», annonce Olivier Olivier Floc’hic, porte-
parole de l’OFROU. Prudent, le responsable tempère l’optimisme du canton. Dans un communiqué de presse diffusé hier et devant le Grand Conseil, la Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions indique que «les travaux se dérouleront en 2016, sous réserve d’éventuelles oppositions».
L’OFROU précise son calendrier. «Il faut compter entre dix-huit et vingt-quatre mois pour la mise à l’enquête, note Olivier Floc’hic. Tout dépend du nombre d’oppositions qu’il y aura à traiter. Ensuite, dans un deuxième temps, le projet devra être finalisé dans les détails. Dans une troisième phase, il faudra procéder à un appel d’offres public comme pour tous les chantiers que nous menons.» L’adjudication effectuée, les travaux pourront débuter. «La réalisation n’est de loin pas la période la plus longue de la procédure», remarque Olivier Floc’hic, sans avancer de durée précise pour le chantier en question.

Caravanes côté Alpes
Le projet annoncé en 2013 n’a pas changé. Côté Jura (direction Lausanne), l’actuelle aire de repos sera adaptée et agrandie pour permettre l’accueil de
46 poids lourds supplémentaires. Côté Alpes (direction Fribourg), l’aire sera séparée en deux parties distinctes. La première sera réservée aux poids lourds, avec 12 places à disposition toute l’année. La seconde portion, l’aire multifonctionnelle à proprement dit, aura deux usages selon la période de l’année. De novembre à février, six poids lourds pourront y stationner. De mars à octobre, 40 caravanes de gens du voyage pourront séjourner entre cinq et sept jours.
La Confédération investira 7 millions de francs pour le réaménagement global de l’aire de La Joux-des-Ponts, dont un million pour la réalisation de l’aire multifonctionnelle du côté Alpes. Pour sa réalisation, la Confédération a acquis quelques milliers de mètres carrés à un privé. «L’achat est effectué», confirme Olivier Floc’hic. Le canton versera une indemnité forfaitaire de 700000 francs.
L’accès à l’aire d’accueil multifonctionnelle se fera exclusivement par l’autoroute. L’espace pour les gens du voyage sera séparé de celui réservé aux poids lourds.

Une place surveillée
«Je me réjouis que ce dossier avance, commente Maurice Ropraz, le directeur de l’Aménagement, de l’environnement et des constructions. Nous disposerons d’une place organisée et surveillée par la police. Nous n’avons pas de garantie absolue que l’aire d’accueil de La Joux-des-Ponts sera utilisée, mais nous aurons un moyen de contraindre les gens du voyage à s’arrêter là et non sur les terrains de privés ou de communes, comme c’est le cas aujourd’hui.»
 

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La patience sera de mise
 

«Avec ou sans mandat, toutes les dispositions sont prises en collaboration avec la Confédération»: le conseiller d’Etat Maurice Ropraz a ainsi donné le ton avant que les députés ne votent sur un mandat déposé par 10 députés demandant que le Conseil d’Etat intervienne auprès de l’Office fédéral des routes (OFROU) pour que celui-ci accélère les travaux en vue de la réalisation de l’aire de la Joux-des-Ponts.
Ces députés auraient voulu que l’aire d’accueil pour les gens du voyage ouvre au plus tard en mars 2015.
Le mandat n’a pas passé la rampe. Il a bien obtenu la majorité du Parlement, soit 48 voix contre 12 et 7 abstentions. Mais ce n’était quand même pas suffisant car l’objet aurait dû atteindre la majorité qualifiée soit au moins 56 voix. Tous les partis ont majoritairement voté en faveur du mandat, à l’exception du PLR, dont la majorité a voté contre.

Dédommagements insuffisants
Le débat a surtout porté sur un autre aspect du mandat: ses auteurs demandaient que les frais occasionnés par les déprédations et les déchets des gens du voyage soient pris en charge par le canton tant que l’aire d’accueil n’est pas opérationnelle. Pour rappel, la police cantonale prélève 15 francs par caravane et par jour: cette somme permet de dédommager les propriétaires des terrains. «Dans la majorité des cas, c’est suffisant», a affirmé Maurice Ropraz. Mais pas toujours, a-t-il concédé, comme l’an dernier en Glâne. Selon lui, au nom de l’égalité de traitement, il est difficile d’octroyer une aide à ceux qui subissent des dommages à la suite du passage des gitans et rien à ceux qui subissent des cambriolages ou autres déprédations. Il a encouragé les personnes concernées à déposer plainte et à se constituer partie civile.
L’aire en tant que telle a soulevé le scepticisme de certains députés. Nicolas Repond  (ps, Bulle) a rappelé que l’aire est relativement restreinte et ne peut accueillir que 40 caravanes. Selon lui, les gens du voyage se déplacent souvent en grandes familles, par exemple de 70 caravanes. Ils risquent donc de ne pas apprécier cette aire.

Suisse romande en retard
Son ouverture est attendue en majorité avec impatience. Comme l’a rappelé Nicole Lehner-Gigon (ps, Massonnens), la Suisse est en retard en matière d’aires d’accueil des gens du voyage. Ces derniers sont régulièrement entre 3000 et 5000 à traverser le pays. Il faudrait près de 80 sites pour les accueillir, il y en a 45. Certains cantons, notamment en Suisse alémanique, font figure de bons élèves, en particulier l’Argovie, Zurich, Saint-Gall et les Grisons. La Suisse romande et Berne sont à la traîne et ne disposent pour le moment que de trois aires et de deux sites où les gitans sont tolérés.