«On n’en descend jamais de notre plein gré…»

| sam, 11. oct. 2014
Le Bullois Robin Jacquat est champion de Suisse d’une discipline pratiquée sur une sangle de 3 cm. L’étudiant s’entraîne quinze heures par semaine avec son cousin Antoine. Les deux collégiens racontent l’apprentissage de cette discipline.

PAR KARINE ALLEMANN

Les vieilles baskets trouées collent bien aux personnages. Robin et Antoine Jacquat ont 20 ans ou presque, les cheveux un peu ébouriffés et la décontraction des jeunes collégiens qu’ils sont encore. «C’est vrai que ma mère se bat contre ces chaussures», se marre Robin. Mais si le garçon porte de vieilles semelles toutes élimées, c’est qu’il passe des heures à s’entraîner sur sa slackline, une sangle tendue de 3 centimètres de large. Samedi dernier, il a été sacré champion de Suisse de la discipline.
C’est son cousin Antoine, 19 ans, qui a découvert la slackline il y a quatre ans. «J’ai participé à quatre jours de grimpe avec les journées sportivo-culturelles du CO. Le prof avait aussi amené une slack. Au final, j’ai plus slacké que grimpé. En rentrant chez moi, j’ai dit à ma maman qu’il fallait en acheter une. Puis je l’ai montrée aux copains.» Dont son cousin Robin.
Au début de l’année, les deux athlètes, qui sont dans la même classe au Collège du Sud, ont créé l’association Larmichettes Slackline Crew avec huit autres amis. «Le but est de pouvoir bénéficier d’une salle de gym à Bulle pour s’entraîner, raconte Robin. Pour ça, il fallait une association.» L’idée de la salle de sport, c’est pour sauter au-dessus des tapis. Car tomber sur un sol gelé en hiver, ça fait encore plus mal que d’habitude. «De la slack, on en descend jamais de plein gré», sourit l’aîné des Jacquat.


Des sportifs d’élite
Des différentes disciplines que regroupe ce sport (lire ci-dessous), Robin et Antoine ont privilégié la trickline, aussi appelée la jumpline. C’est-à-dire des sauts, des figures et des vrilles qu’ils effectuent à deux mètres du sol environ, debout, assis et couchés sur la sangle, le tout enchaîné à grande vitesse. «Tous les deux, on vient de la gym, raconte Antoine. Je fais d’ailleurs toujours partie de la FSG Bulle. La jump, c’est ce qui s’en approche le plus. Avec l’aspect freestyle. La gym est hypercarrée. Tandis que la slack, c’est une évasion. Et tout reste à inventer.»
Qui dit sauter sur une corde de 3 centimètres – pour un équipement complet avec les poulies il faut compter entre 400 et 500 francs – dit forcément petits bobos. Une entorse à l’annulaire et au gros orteil pour Robin, une blessure à l’épaule pour Antoine. Rien de bien méchant. «Mais il y a énormément de dommages collatéraux, note le premier. Les vraies blessures, c’est mentalement qu’il faut les gérer. Quand on est couvert de bleus ou de griffures.» Antoine se souvient: «En cours, il nous arrivait de nous appuyer les coudes sur le pupitre le plus longtemps possible pour éviter de s’asseoir, tellement on avait mal aux fesses.» C’est d’ailleurs ce qui a inspiré le nom de leur association. «Quand on veut se poser sur les fesses et qu’on se rate, la slack nous remonte dans le dos. Et là, je vous assure qu’il y a une petite larmichette qui coule...»
Bénéficiant d’un statut de sportifs d’élite, les cousins Jacquat disposent des mardis après-midi de congé pour s’entraîner. Au cumul des séances, ils atteignent facilement les quinze heures d’entraînement par semaine. Samedi dernier à Zurich, ils ont participé à leur deuxième championnat de Suisse, organisé par la Fédération de slackline. Une des seules qui existe dans le monde, la plupart des événements étant organisés par une marque de slackline. En 2013, Antoine avait terminé deuxième, Robin quatrième. La hiérarchie a changé cette année. «Robin était carrément en transe», félicite Antoine, cinquième au final.
La compétition, à laquelle ont pris part une dizaine de concurrents, comprenait une première phase qualificative, puis des finales disputées sous forme de battles. «Entre les qualifications et les quarts de finale, il y avait trois heures d’attente, raconte le nouveau champion de Suisse. On est allés manger une glace, puis on s’est entraînés un peu. On a tenté des figures incroyables qui passaient pour la première fois. Résultat, j’ai mis trois nouveaux tricks (figures) pour la finale. J’ai passé des périlleux et demi comme si j’en faisais tous les jours…»


Honorer son grand-papa
Même si la compétition n’est pas le plus important pour les jeunes athlètes, le titre de champion de Suisse a eu une saveur toute particulière pour Robin. «J’avais perdu mon grand-papa (n.d.l.r.: Claude Jacquat, lire en page 13) le jeudi. C’est quelqu’un qui s’est toujours battu pour le sport. Il avait laissé comme message qu’il ne voulait pas qu’on le pleure, mais qu’on l’honore. C’était ma façon de l’honorer.»
Ce titre ne pousse pas les deux Bullois vers d’autres ambitions. Ils participeront peut-être à des events internationaux à l’avenir. Mais, le printemps prochain, ils passeront leur bac. Alors les garçons l’assurent, les études seront leur priorité. Ensuite, Robin veut entrer à l’EPFL et Antoine devenir ostéopathe. Quid de la slackline? «On verra où le vent nous porte», sourit Robin. Les deux cousins sont plutôt cool. Pas question de se prendre la tête pour une activité aussi freestyle.

 

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Sur le pont de la Poya

Les cousins Jacquat ont choisi la discipline de la trickline, où il s’agit avant tout de sauter sur la sangle. Il existe aussi la shortline (pour les débutants), la longline (où le but est de mettre le plus de longueur possible), la waterline (qui se pratique au-dessus de l’eau) et la rodeo (la sangle n’est pas tendue et forme un U, les pratiquants tentent de rester debout sur cette immense balançoire). Mais la discipline la plus spectaculaire, c’est la highline. Qui, comme son nom l’indique, se pratique dans les hauteurs. Le plus souvent en montagne. Président de la Larmichettes Slackline Crew, Hugo Minnig en est un des chefs de file en Suisse. La semaine prochaine à Moléson, le menuisier de Marsens fera partie des spécialistes invités par unebonnidée.ch pour les Rencontres européennes de highline.
«La plupart des meilleurs slackeurs européens seront présents», souligne Hugo Minnig. Le show et les tentatives de record suisse (détenu par le Zurichois Sam Volery et ses 90 mètres, en juin dernier, déjà à Moléson) auront lieu au sommet vendredi, samedi et dimanche, de 10 h à 12 h et de 14 h à 16 h.
Mais Hugo Minnig est ce qu’il convient d’appeler un puriste. Alors, l’aspect compétition, ce n’est pas son truc. «L’arrivée des sponsors peut vite pourrir le climat et amener à des prises de risques ou à des tentatives de tricherie. Il y a assez de sports basés sur la compétition pour que la highline reste en dehors de ça.»
Le Marsensois de 21 ans se déplace volontiers d’un spot à l’autre. Aux Gastlosen, en Suisse centrale ou ailleurs en Europe. Voire pas trop loin, du côté de Fribourg. Avec deux copains, Hugo Minnig s’est offert un joli «kiff»: le pont de la Poya, avant qu’il ne soit terminé (photo). S’il n’existe évidemment pas d’autorisation pour cela, les trois amis, expérimentés, ne sont pas des têtes brûlées pour autant. «Ces deux immenses tabliers nous appelaient depuis un moment… Ils ne demandaient qu’à être reliés», sourit le jeune homme. Qui précise: «C’est un projet réfléchi, pensé et longuement préparé. On n’a absolument rien touché et, comme toujours nous étions assurés avec un baudrier, des anneaux de sécurité et une deuxième corde.» Au final, 36 mètres «de pur bonheur» entre Saint-Léonard et le Schoenberg. Comme quoi les premiers à avoir passé le pont d’un bout à l’autre n’étaient pas les officiels d’hier, mais trois petits gars, un petit matin, qui ont décidé de marcher dans les airs… KA

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