La commission d’aménagement présente sa démission en bloc

| jeu, 20. nov. 2014
Faute de pouvoir peser sur l’aménagement, la commission jette l’éponge. Ses membres condamnent notamment le manque de vision de l’Exécutif. La commune se défend

PAR YANN GUERCHANIK

A Bulle, les immeubles poussent comme des champignons et le malaise gagne du terrain. Une semaine après qu’une association de citoyens s’est créée pour dénoncer le «bétonnage» et l’aménagement «anarchique» du chef-lieu gruérien (La Gruyère du 11 novembre), c’est toute la commission d’aménagement (CAm) qui se braque. Mercredi devant la presse, elle a purement et simplement annoncé sa démission avec effet immédiat.
La liste des griefs est longue. Même que les neuf membres  avaient le cœur lourd en déroulant la liste de leurs déceptions urbanistiques. «Aucune des propositions que nous avons faites n’a jamais été prise en compte.» Pire, «la vision à long terme de la commune semble inexistante.» Selon eux, «les difficultés rencontrées aujourd’hui résultent de plans d’aménagement très peu visionnaires.»
Ces plans justement, à commencer par les modifications du Plan d’aménagement local (PAL), la commission se plaint de ne pas les voir passer: «On nous présente les choses sans réellement nous consulter, confie le président Martin Rauber. On nous met systématiquement devant le fait accompli.» En résumé, la commission d’aménagement s’est sentie étouffée.


Coupés dans leur élan
A plusieurs reprises ces dernières années, le Conseil communal s’est pourtant félicité de travailler avec une CAm «très active». «Nous avons tenu cinq assemblées officielles par année, confie Martin Rauber, en plus de  cinq à six séances de travail à l’interne.» En comparaison, les commissions précédentes avaient tout d’une caisse d’enregistrement, elles qui ne se rassemblaient que deux ou trois fois par an, indique Auguste Dupasquier, déjà membre de la dernière commission.
La force de proposition d’un groupe emmené notamment par deux architectes – le président et le vice-président Eric Gobet – a fini par être annihilée. «En janvier dernier, nous avons demandé au Conseil communal s’il valait la peine de continuer à nous investir. Le syndic nous a alors assuré que oui», explique Martin Rauber. Mais les réponses fuyantes se multiplient et le manque d’information persiste.


Un rôle à jouer
En octobre dernier, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. La CAm revient à la charge en adressant une série de questions à l’Exécutif. Des réponses «insatisfaisantes» provoquent la démission à l’unanimité. «Les membres ont toujours travaillé dans la collégialité, au-delà des intérêts partisans, relève Martin Rauber. De même, notre décision n’a aucun rapport avec l’association de citoyens qui vient de se créer.»
Une séance de conciliation est prévue auprès de la préfecture la semaine prochaine. Le Conseil communal se doit en effet de constituer une commission d’aménagement d’au moins cinq membres prévus pour «appuyer» le Conseil «dans l’élaboration du PAL et dans l’application de celui-ci».
«Le PAL ayant été approuvé en 2012, on aurait pu nous dire qu’on n’avait pas vraiment besoin de nous, explique Eric Gobet. Mais ce n’est pas ce que le Conseil communal nous signifiait.» Du coup, la CAm demande à ce qu’on lui présente un cahier des charges. Lequel étend même ses tâches, «sur demande» toutefois du Conseil communal.


Provoquer une réaction
«Nous avons toujours cherché à promouvoir la qualité de vie à Bulle en participant à son développement », relève Pierre-Yves Lüthi. La CAm s’est notamment concentrée sur les espaces publics. Des propositions concrètes, parfois même des plans, ont été présentés. Notamment pour le jardin Anglais ou la place des Alpes. De même, elle a demandé un mandat d’étude parallèle (MEP) pour la place du Centre à la Tour-de-Trême. «Tout cela en vain.»
L’idée d’un parc urbain à l’échelle de l’agglomération a même été lancée. Une sorte «de Central Park» pour donner de l’air à une population toujours croissante. «Le Conseil communal a certes hérité de décisions antérieures et personne ne pouvait prévoir un tel développement, exposent Martin Rauber et Eric Gobet. Mais nous devons prévoir ce genre de projets dès aujourd’hui.»
Or, qu’il s’agisse du concept de stationnement ou de travaux d’aménagement routier, la CAm dit essuyer refus sur refus. «Il nous semble que la politique du Conseil est de suivre machinalement les propositions du bureau d’urbanisme Team+, regrettent les neuf membres. Et cela fait des années que ça dure!»
 «Il doit y avoir beaucoup plus de discussions entre les différents acteurs de l’aménagement, que ce soient les citoyens, l’Exécutif, l’Etat et les intervenants. La structure actuelle ne le permet pas », note par ailleurs François Chardonnens.
La CAm sera tout de même parvenue à doter Bulle d’un architecte de ville. «Mais nous n’avons jamais su exactement quelles étaient ses prérogatives ni quel était le nouveau fonctionnement du département technique», s’offusque Eric Gobet. Par ailleurs, la CAm dit avoir appris sa nomination dans la presse. De même, si elle voit d’un bon œil la généralisation des MEP, elle se désole de se retrouver noyée dans un collège d’experts sans pouvoir participer, en amont, à l’élaboration du cahier des charges.
Avec cette démission en bloc, la commission d’aménagement espère provoquer une réaction salutaire pour le développement de la ville de Bulle. Ses membres ont décidé de poursuivre leur mission au Conseil général ainsi que sur la place publique.

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«Il faut lever cette incompréhension»
Chef du département technique de Bulle, Jean Hohl voit dans la démission de la commission d’aménagement (CAm) «un problème de civisme». Lors de la récente révision de la Loi sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATeC), rappelle-t-il, le Grand Conseil a maintenu l’attribution exclusive des compétences en la matière à l’Exécutif. «La commission d’aménagement, émanation du Législatif, est censée donner un préavis sur ce que le Conseil communal envisage de décider. Peu importe que son avis soit suivi ou non.»
«Le Conseil communal, fait remarquer le syndic Yves Menoud, est aussi un représentant de la population.» Cela dit, la CAm n’est pas prise à la légère, assure-t-il, «mais son rôle est bien défini». Par la LATeC – la CAm «appuie» l’Exécutif. Par le règlement du Conseil général – la commission exerce «la surveillance quant au respect de la loi, des règlements, des plans et des conditions du permis».
Enfin, il y a son cahier des charges qui lui donne des prérogatives supplémentaires. La CAm est ainsi consultée non seulement pour ce qui touche au PAL, mais aussi, entre autres, pour les Plans d’aménagement de détail (PAD). Elle est enfin impliquée dans les mandats d’étude parallèle (MEP). «Ses membres n’y sont d’ailleurs pas toujours très loquaces…» lâche Yves Menoud.


L’Exécutif ne manque pas de vision
Lui refuse le reproche de manque de vision fait au Conseil communal: «Le PAL est précisément notre vision, à quinze ans, de Bulle. Peut-être y en a-t-il d’autres, mais on ne peut pas en changer tout le temps.» Autre grief entendu: en tant que force de proposition, la commission serait trop souvent «mouchée» par l’Exécutif. «C’est faux! Nous avons engagé un architecte de ville à sa demande», rappelle le syndic.
Quant au MEP qu’elle a demandé pour le centre de La Tour-de-Trême, il n’a pas été refusé, mais reporté: «Ce secteur a été refait il y a peu, nous avons d’autres priorités.» Pour le syndic, le fait que les propositions de la CAm ne sont pas toujours acceptées ne doit pas être vécu comme un échec: «Le Conseil communal prend simplement ses responsabilités.» C’est d’ailleurs pour cela que, quand il le fait, il présente des projets en partie finalisés à la CAm pour préavis: «On ne peut pas toujours tout reprendre à zéro.»
Enfin, Yves Menoud assume la relation privilégiée que la commune entretient avec le bureau d’urbanisme Team+, cheville ouvrière de la révision du PAL: «La question se pose, en effet. Mais il y a une nécessité de continuité dans l’aménagement du territoire, qui est un processus long. On ferait autrement qu’on nous reprocherait d’être incohérents.»
Le syndic précise pourtant que, pour des objets plus restreints, d’autres bureaux sont invités. Enfin, ajoute Jean Hohl, le MEP corrige précisément ce poids de Team+ à Bulle, en rassemblant autour d’une même table plusieurs bureaux.


Revoir le modus vivendi
«Ce qui arrive montre qu’il y a incompréhension: il faut la lever», conclut Yves Menoud. Le Conseil communal a donc avisé le préfet: «Etant donné l’existence d’un dysfonctionnement, j’ai convoqué une séance de conciliation le 26 novembre», se borne à expliquer Patrice Borcard en l’état. A l’issue de cette réunion, Yves Menoud espère un revirement de situation: «Tout est ouvert.» En tout cas, il se dit prêt à revoir le modus vivendi entre les deux organes: «Je suis enclin à continuer à travailler avec cette commission au vu de ce qu’elle a apporté à la commune.» JnG

Commentaires

Et bien moi je ne lis là que des déclarations vides de sens!!! Purement de la langue de bois. Nombreux sont ceux qui voteront pour l'initiative Ecopop, toutes couleurs politiques confondues !
Le plus hallucinant est certainement la vision très démocratique, qu'a notre ingénieur en chef, de la Cam. «La commission d’aménagement, émanation du Législatif, est censée donner un préavis sur ce que le Conseil communal envisage de décider. Peu importe que son avis soit suivi ou non.» Mettez donc des plantes vertes à la place et enseignez leur votre vision du civisme.
Bravo pour votre courage et détermination.

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