«Le tournus à la direction médicale adultes perdure»

| jeu, 12. fév. 2015
Après la publication de l’article sur les difficultés rencontrées par les soignants de l’Hôpital psychiatrique de Marsens, d'autres langues se délient. Le Dr Rafael Traber, qui a quitté le RFSM en 2012, demeure en contact avec des collaborateurs.

PAR PRISKA RAUBER

La Gruyère a publié un article le 5 février relatant les difficultés rencontrées par les soignants – à partir des propos d’une dizaine de collaborateurs actuels du Réseau fribourgeois de santé mentale (RFSM): charge de travail ne cessant d’augmenter ou roulement des chefs ne permettant pas de visions d’avenir. Rappelons qu’évidemment, chaque collaborateur fait du mieux qu’il peut pour apporter le meilleur soutien possible aux patients.
Le Dr Rafael Traber a travaillé quatre ans en tant que médecin adjoint au sein du RFSM, jusqu’en août 2012. Il a alors été nommé directeur médical de l’Hôpital psychiatrique de Mendrisio. Aujourd’hui, il est le directeur médical de toute la psychiatrie tessinoise (Organizzazione sociopsichiatrica cantonale). Toujours en contact avec des collaborateurs du RFSM, il confie son désappointement devant «la situation qui n’a pas changé».

Vous faites partie des cinq personnes, quatre médecins cadres et un sous-directeur, qui adressaient en 2011 une lettre à la direction générale pour relever des dysfonctionnements. Quels étaient-ils?
Nous y avons relevé le manque de leadership de la direction médicale notamment, qui provoquait des conflits, entre médecins, entre médecins et infirmiers. Avec pour résultat la négligence dans la prise en charge des patients. Ce qui avait déclenché notre acte, c’est la série de suicides de patients qui ont eu lieu au sein même de l’établissement. Pour que cinq médecins écrivent une telle lettre, vous imaginez bien que la situation était très préoccupante.

Après votre intervention, Anne-Claude Demierre, la directrice de la Santé et des affaires sociales, demande à deux experts extérieurs de mener une évaluation de la situation. Qu’en est-il ressorti?
Une quarantaine d’entretiens avec différents collaborateurs ont eu lieu. On a espéré alors un changement, plus de clarté dans la gestion. Mais nous avons été très déçus. Et puis, durant l’audit, qu’on nous promettait indépendant, le professeur qui en était chargé a été nommé directeur ad intérim. Et la directrice médicale du secteur adultes a quitté son poste avant les résultats. Sans compter que ceux-ci ont été cachés au public et pas vraiment communiqués au personnel, si ce n’est une présentation Powerpoint avec quelques aspects.

Quelque chose de positif est-il ressorti de cet audit, qui a amélioré la situation d’aujourd’hui?
Malheureusement, on voit que la situation n’a pas changé. Il n’y a toujours pas de stabilité. Le tournus à la direction médicale du secteur adultes perdure. On peut s’imaginer qu’avec des directeurs qui restent si peu de temps, le système doit toujours être conflictuel et tendu. D’ailleurs, pendant et après l’audit, le climat était même à l’intimidation. Moi-même, j’ai été intimidé. On m’a convoqué à 6 h 30, devant le conseil d’administration, le directeur général et la directrice de la Santé, pour me sommer de me taire.

Gardez-vous du ressentiment, puisque vous en aviez lors de votre départ?
Pas du tout. Je suis très bien où je suis, vraiment. Mais je suis déçu de voir que les choses n’ont pas changé. Je suis peiné pour le personnel, qui continue à souffrir de cette mauvaise gestion, de ces conflits, de ces changements à répétition.


Et cela peut se répercuter sur le personnel, jusqu’à la qualité des soins, donc jusqu’aux patients?
Evidemment. Et je pense que la population a le droit de savoir.

Peut-on espérer qu’avec la nomination du Dr Isabelle Gothuey pour juin, le secteur va retrouver de la stabilité?
L’espérer, oui. Mais cela dit, elle a d’abord été engagée comme sous-directrice puis, avant même de commencer à ce poste, elle a été promue directrice. Le poste de directeur n’a donc pas été mis au con-cours. Après tant de directeurs, partis ou intérimaires, la moindre des choses aurait été de prendre le temps de faire une excellente évaluation des candidats, même par une entreprise extérieure, comme cela se fait dans de nombreuses institutions.

Le directeur général Serge Renevey répondait dans notre édition du 5 février que l’important était qu’il y ait de la stabilité au niveau des cadres et que c’était le cas.
Il y a tout de même eu deux sous-directeurs et trois médecins adjoints qui ont quitté le RFSM. Les Suisses, avec des papiers en règle, qui parlent les langues nationales, ont pu se permettre de partir ouvrir des cabinets. Les médecins étrangers, pour qui c’est plus difficile, restent.

Selon vous, il y a un problème de fond?
Certainement vient-il de la direction générale et du conseil d’administration, qui manquent de clarté, de vision, qui engagent des personnes qui s’en vont peu de temps après, sans doute parce qu’elles sont dépassées ou incapables de tenir dans un tel climat de tension.
Et pourquoi ce sont des médecins adjoints qui ont dû écrire une lettre pour demander un audit? Pourquoi la prise en main d’un problème ne vient-elle pas de la direction? Pourquoi la directrice de la Santé «tombait des nues» en apprenant qu’il y avait cette crise au sein du RFSM en 2011? Il manque clairement d’un monitorat. Lorsque Madame Demierre dit dans vos colonnes qu’elle n’a pas d’indicateurs qui montrent de problèmes, soit c’est un mensonge, soit ça prouve qu’il manque vraiment un système de gestion de la qualité qui pourrait les relever, comme des audits réguliers.

On a entendu dire que la psychiatrie fribourgeoise avait vingt ans de retard par rapport à ce qui se réalise dans le canton de Vaud, par exemple. Qu’en dites-vous?
Au contraire, je trouve le concept psychiatrique du RFSM très moderne, voire exemplaire. Le problème, c’est qu’avec cette discontinuité des chefs, cette incapacité de la direction à l’autocritique, à se remettre en question, il est difficile de l’appliquer.

 

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D’abord une affaire interne
Anne-Claude Demierre, directrice de la Santé et des affaires sociales ainsi que présidente du conseil d’administration du RFSM:

Pourquoi le public n’a-t-il jamais rien su de cet audit?
Il s’agissait d’une analyse des structures et des modes de gouvernance du RFSM près de trois ans après sa constitution. Plusieurs éléments avaient incité le conseil d’administration à entamer une réflexion, en particulier la volonté d’un premier bilan de l’organisation mise en place et aussi certaines difficultés rencontrées au sein de l’organisation. Il avait été décidé de donner cette évaluation à des experts externes et d’intégrer largement les collaborateurs à cette analyse. Les informations ont été données à tout le personnel de manière transparente sur les conclusions des experts. Il s’agissait avant tout d’une affaire interne au RFSM et il n’y avait pas lieu de le communiquer proactivement au public.

Le Dr Traber dit: «Lorsque Mme Demierre dit dans vos colonnes qu’elle n’a pas d’indicateurs qui montrent de problèmes, soit c’est un mensonge, soit ça prouve qu’il manque vraiment un système de gestion de la qualité qui pourrait les relever, comme des audits réguliers.» Votre réaction?
Le Dr Traber ne travaille plus depuis quelques années au sein du RFSM, pour des motifs sur lesquels je ne me prononcerai pas et ses allégations sont celles d’une personne qui n’est plus au fait des développements actuels de l’institution. De plus, il me prête des paroles qui ne figurent pas dans vos colonnes en tant que telles.

Retrouvez l'intégralité de ce dossier dans notre édition papier de ce jeudi 12 février

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