La gymnastique artistique, la classe biberon du sport d’élite

jeu, 19. mar. 2015
Axel (11 ans) et Clémence (9 ans) Gobet ont intégré les cadres nationaux de la Fédération suisse de gymnastique artistique. Avec six entraînements par semaine à Romont et à Berne, c’est toute la famille d’Orsonnens qui s’organise pour le qui s’organise pour le frère et la sœur.

PAR KARINE ALLEMANN

Le sport d’élite a tellement évolué depuis une ou deux décennies que les jeunes talents s’entraînent désormais entre douze et quinze heures par semaine s’ils entendent réussir à plus haut niveau. C’est vrai pour la majorité des sports et plus personne ne s’en étonne. Même les écoles doivent aménager des horaires spéciaux pour les sportifs. La particularité de la gymnastique artistique est que ces talents-là doivent le faire à 9 ans déjà. Alors, forcément, s’astreindre à un tel rythme d’entraînement demande une organisation de toute la famille.
C’est ce que vivent Axel et Clémence Gobet, respectivement 11 et 9 ans. Le frère et la sœur d’Orsonnens – rencontrés avec leurs parents un soir d’entraînement à Romont avec le Groupe artistique du Sud fribourgeois (GASF) – font partie des cadres nationaux de la Fédération suisse de gymnastique artistique depuis cette année. Ce qui implique des entraînements six jours par semaine à Romont ou à Berne.
La famille Gobet – le petit dernier, Mathieu, vient de commencer la gym artistique – doit donc s’organiser. «J’ai réduit mon temps de travail, explique le papa Jean-Manuel. Mon épouse, pharmacienne à Ursy, travaillait déjà à 60%. En tant que maréchal-ferrant, j’ai pu adapter mes horaires en fonction des déplacements. Mais, c’est sûr que tout tourne autour des entraînements.»
Toutefois, la famille tient à garder un équilibre hors gymnastique. «On essaie d’organiser des activités diversifiées, poursuit Jean-Manuel. Comme aller skier, se promener en montagne, ou simplement griller un cervelas en forêt.»
Reste que tout cela ne se vit pas à la légère. Et, les parents l’avouent, voir leurs enfants autant occupés leur crée passablement de soucis. «On se pose des questions tout le temps, explique le papa. La vraie question est: où est-ce qu’on s’arrête? On se demande toujours si, plus tard, Axel et Clémence vont nous reprocher de les avoir trop poussés, ou de ne pas en avoir fait assez.»
Même questionnement chez la maman Natacha, ancienne gymnaste elle-même: «En fait, on a été pris par le système. On ne les a jamais poussés. Mais ça a commencé une fois par semaine à Berne, puis deux fois, puis trois fois… A chaque nouvelle étape, on a beaucoup réfléchi.»
Le frère et la sœur n’ont pas la même approche. «Axel a d’autres centres d’intérêt, décrit Jean-Manuel. Il adore jouer dehors avec ses copains. D’ailleurs, quand il commence à faire beau, il a plus de peine à partir à l’entraînement. Mais il est content une fois sur place. Tandis que Clémence a vraiment une deuxième vie à Berne. Elle parle déjà allemand, elle y a des copines.»
Pour l’instant, le plaisir affiché par le frère et la sœur à l’entraînement est rassurant pour les parents. «On reste vigilants, précise néanmoins Natacha. Leur motivation et leur plaisir sont des moteurs. Mais on observe pour voir s’ils deviennent fatigués. On demande aussi aux instituteurs à l’école de nous avertir s’ils constatent de la fatigue. Dans ces cas-là, il nous arrive de dire stop pendant deux jours.»


«Ne pas se prendre la tête»
Pour les parents, qu’Axel et Clémence gardent des entraînements à Romont est une bonne chose. «De toute façon, nous ne pourrions pas aller six fois par semaine à Berne, note Jean-Manuel. Et puis, à Romont, les entraînements sont un peu plus ludiques. Par le passé, d’autres jeunes de la région sont allés au centre national, mais ils n’ont pas forcément supporté cette pression.»
Car la gym artistique reste un sport d’une grande rigueur. «Clémence a cette volonté d’apprendre, de travailler, même seule. Ça ne la dérange pas du tout. Axel est un peu moins studieux. Par contre, les deux sont de bons élèves. Ça facilite les choses.»
Le frère et la sœur sont-ils dans la compétition l’un envers l’autre? «En général, non. Mais ça reste un frère et une sœur, sourit le papa. Par moments, ils se tirent la bourre et comptent leurs médailles d’or. Nous, on essaie de leur inculquer de rester humbles, de ne pas se prendre la tête ni de se mettre trop de pression. Parce qu’on ne sait pas jusqu’où ça va aller.»
Les dirigeants de la Fédération suisse de gym, eux, misent sur les jeunes Gobet. «Ils font des projections et des plannings sur le long terme, raconte Jean-Manuel. Il faut dire qu’ils investissent beaucoup d’argent sur leurs cadres. De notre côté, on va de six mois en six mois.»
Au fait, combien coûte une saison parmi l’élite? «Moins que pour d’autres sports, sans doute. Car la Fédération finance pas mal de choses et le GASF paie la moitié des déplacements. Par enfant, cela nous coûte peut-être 5000 ou 6000 francs. Et 15000 kilomètres par année…»

 

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«Clémence est une bagarreuse»
Président du Groupe artistique du Sud fribourgeois, Laurent Bovet est aussi l’entraîneur des neuf garçons du GASF, qui compte 20 filles. Fin mai, la société basée à Romont organisera les journées fribourgeoises, qui attireront 620 gymnastes venus de toute la Suisse. «La compétition sera sélective pour les championnats de Suisse juniors filles et, pour les garçons, pour les cadres nationaux, souligne Laurent Bovet. De plus, elle fera aussi office de sélection pour les Jeux européens de la jeunesse.»
Aussi entraîneur des filles du GASF, Bernard Perroud est responsable du centre cantonal. Ancien entraîneur national – deux de ses gymnastes s’étaient qualifiées pour les jeux Olympiques dans les années 1980 – le prof de sport aujourd’hui retraité suit depuis le début Clémence Gobet, sacrée championne de Suisse P1 l’année dernière. «Clémence est une bagarreuse, une gagnante», note son entraîneur, qui fait aussi office de chauffeur pour Berne plusieurs fois par semaine. «Sa morphologie est faite pour la gym artistique et elle a un tonus magnifique. Surtout, elle a déjà la mentalité de la sportive d’élite. Elle voit plus loin. Par exemple, pour sa première année P2, on ne travaille pas pour qu’elle gagne sa catégorie. On prépare une future intégration dans le cadre de sélection pour les championnats d’Europe juniors. Malgré tout, elle ne va pas participer aux épreuves pour finir cinquième…»


Championnat cantonal ce week-end
Ce week-end, ce sera un premier test, avec le championnat cantonal de gym artistique organisé à Wünnewil. Un mental impressionnant et surtout beaucoup de motivation sont ses atouts principaux. «Elle ressent une joie incroyable à faire de la gym, s’enthousiasme Bernard Perroud. C’est un vrai plaisir de travailler avec elle. Quand quelqu’un s’entraîne, il ne doit pas seulement recevoir une information. Ce qui fait la différence, c’est la manière dont il traite cette information. Avec Clémence, il y a vraiment du répondant.» De son côté, la timide jeune fille acquiesce avant de filer vers les barres asymétriques, où son sourire entre deux grands tours est plus révélateur qu’une interview. KA

 

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Entraînement six jours par semaine
Clémence et Axel Gobet s’entraînent six jours par semaine: lundi soir à Romont (17 h - 20 h), mardi après-midi à Berne (16 h 30 - 19 h 30), mercredi à Berne (14 h - 18 h), jeudi à Romont (17 h - 20 h), vendredi à Berne (14 h - 18 h) et samedi à Berne (9 h 30 - 12 h). Officiellement trop jeunes pour entrer dans le programme Sport Art Formation mis sur pied par l’Etat de Fribourg, le frère et la sœur peuvent néanmoins bénéficier des aménagements scolaires propres aux sportifs d’élite. Ainsi, ils ont congé le vendredi après-midi et le mardi matin. Ce jour-là, Axel et Clémence manquent les cours de… gym pour se reposer et ne commencent l’école qu’à 10 h. KA

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