Chronique sans fard d’une année sur l’alpage

| jeu, 07. mai. 2015
photo de Mélanie Rouiller
Les photographes Mélanie Rouiller et Marie Rime publient "Le chalet d’alpage comme choix de vie". Des images qui croisent les regards et des textes qui racontent la vie là-haut. Un témoignage contemporain à mille lieues de l’iconographie romantique.

Par Jean Godel

 

«Il y a ceux qui chantent la montagne et ceux qui la vivent, m’a-t-on dit. Et il y a là une sacrée différence.» Tout est dit dans ces lignes de Mélanie Rouiller, auteure, avec Marie Rime, du livre Le chalet d’alpage comme choix de vie, qui vient de paraître aux Editions de l’Hèbe, à Charmey. Une sélection d’images des deux photographes fait l’objet d’une exposition au Musée gruérien, du 9 mai au 20 septembre. «Avec ce livre, on est loin du romantisme du geste magnifié de l’armailli», a volontiers concédé Christophe Mauron, conservateur au Musée gruérien, hier en conférence de presse.

L’ouvrage est construit com-me une chronique contemporaine. Celle de la photographe gruérienne Mélanie Rouiller, bien connue des lecteurs de La Gruyère. Du 20 février au 5 décembre 2014, elle a rendu plusieurs visites à neuf teneurs d’alpages, entre Veveyse, Gruyère et Singine. Des hommes et des femmes qui ont fait le choix de vivre là-haut et dont elle rend compte de l’existence. Sans fard.

«Il a fallu oublier les travaux des autres. Photographier un sujet qu’on croit connaître m’a beaucoup plu», apprécie Mélanie Rouiller. Bien peu de bredzons, en effet, dans ses pages. Mais des salopettes trempées de sueur, des jeans crottés et des pieds nus sur le sol mouil-lé. Des jets de purin qui déchirent le gris du ciel, des panneaux solaires et des pick-up américains.

«Du jamais-vu!»
Comme en contrepoint, les images crépusculaires de chalets de Marie Rime sont plus construites: pose lente, éclairage au flash portable, ambiance mystérieuse. L’univers de la jeune Gruérienne (La Gruyère du 28 mars) offre un étonnant prologue au récit des quatre saisons. Marie Rime fait preuve d’une grande maîtrise: ici, elle impose sa vision du chalet d’alpage. Une vision qui semble magnifiée au premier abord. Pourtant, par leur étrangeté, ses images renou-vellent l’iconographie, assure Christophe Mauron: «Ces portraits de chalets dans la pénombre, c’est du jamais-vu!»

La nuit et le jour; rêve de vies sur l’alpe et labeur des journées sans fin. Ce livre multiplie les points de vue: «On est loin de la villégiature pour citadins romantiques…» sourit le conservateur. L’éditeur Jean-Philippe Ayer, lui, est heureux de ce croisement des regards: «Onirique chez Marie Rime, concentré sur les rencontres, les êtres et la rudesse de leur vie chez Mélanie Rouiller.»

Sans aucune nostalgie
Celle-ci est aussi l’auteure des textes. Des récits savoureux, à la première personne du singulier, qui font de cet ouvrage bien plus qu’un livre d’images. Mélanie Rouiller n’explique rien, elle raconte. Souvent pince-sans-rire, son humour dit le bonheur d’être là-haut. Ses mots simples sentent le feu de bois humide, la pluie froide et le café lyophilisé. Sa chronique n’appelle aucune nostalgie, bien au contraire: c’est la montagne comme on la connaît aujourd’hui. Point.

Parmi ces teneurs photographiés figurent deux familles de «vrais» paysans – les autres le sont-ils moins? Pour elles aussi, c’est un choix de monter à l’alpage. Un choix de moins en moins évident d’ailleurs.

Regard sur le patrimoine
Directrice du Musée gruérien, Isabelle Raboud Schüle veut voir dans ce livre le témoignage vivant, actuel et en évolution, d’une pratique ancestrale qui figure sur l’inventaire du patrimoine immatériel de la Suisse. «Ce livre enrichit le regard sur ce patrimoine. Car les traditions ne subsistent que par ceux qui les vivent.» Pour Christophe Mauron, il vaut aus-si par sa valeur documentaire tant il est vrai que les images contemporaines sur ce thème de l’alpage sont encore peu nombreuses.

Pour marquer le coup, l’institution organise un colloque samedi matin. Un éclairage sur la saison à l’alpage dans le cadre du programme «Le printemps des traditions vivantes au musée», organisé avec les Editions de l’Hèbe et Patrimoine Gruyère-Veveyse. Se succéderont des témoignages (Jean-Jacques Glasson, Samuel Dupasquier, Gérard Morard), des conférences (Serge Ros-sier, Isabelle Raboud-Schüle, Christophe Mauron, Denis Buchs) et une présentation du livre et de l’expo par leurs auteures.


Bulle, Musée gruérien, vernissage public vendredi 8 mai, 18 h 30. Colloque samedi 9 mai, de 10 h à midi

 

Marie Rime à Paris
Une autre actualité concerne la photographe et plasticienne Marie Rime. La Charmeysanne de 25 ans a décroché une résidence à l’atelier Jean Tinguely que ville et Etat de Fribourg se partagent à la Cité internationale des arts de Paris. Entre 2015 et 2016, communique la ville de Fribourg, elle plongera dans le monde de la haute couture qu’elle abordera par
le biais des «petites mains», ses artisans de l’ombre. Elle prévoit de suivre des stages dans divers ateliers célèbres pour s’y initier aux diverses techniques. Elle réalisera ensuite ses propres créations qu’elle mettra en scène dans une série de photographies. Le jury s’est dit séduit «par le concept et la précision de ce projet» à la touche personnelle «immédiatement reconnaissable». Formée à l’ECAL (Lausanne), Marie Rime a, entre autres, vu une série de photographies sur les tireurs sportifs publiées sur le site internet du New York Times Magazine (La Gruyère du 28 mars).

 

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