Le syndrome de la classe éco

| sam, 13. juin. 2015

Le risque de développer une thrombose lors d’un vol de huit heures ou plus doit être pris au sérieux. Car les conséquences peuvent être très graves: l’embolie pulmonaire est fatale dans 10% des cas. Les moyens de réduire les risques sont toutefois très simples.


PAR PRISKA RAUBER

"Je porte toujours des bas de contention lors d’un vol long-courrier." Si le médecin-chef du service de médecine et d’angiologie de l’Hôpital fribourgeois, le professeur Daniel Hayoz, prend cette précaution, autant considérer avec sérieux le risque de thrombose lié aux voyages en avion. L’immobilisme (qui engendre la diminution du flux sanguin), doublé de la faible humidité (la déshydratation entraîne un épaississement du sang) et de la basse pression atmosphérique dans l’habitacle favorisent en effet la formation d’un caillot dans les veines des membres inférieurs.
Le «syndrome de la classe éco» – un terme biaisé d’ailleurs puisque devant la maladie thromboembolique, la lutte des classes n’existe pas – est davantage connu que ses conséquences dramatiques. La formation d’un caillot peut causer une thrombose, suivie d’une embolie si le caillot migre vers le poumon, le privant ainsi d’oxygène. «L’embolie pulmonaire peut tuer. Dans 10% des cas, toute population confondue. Le risque de décès est probablement moindre en cas d’embolie pulmonaire chez les voyageurs en bonne santé», confie le Dr Hayoz.
Difficile par contre d’avancer des chiffres sur l’occurrence des maladies thromboemboliques lors de vols long-courriers. «On estime toutefois qu’en moyenne, dans la population générale, donc de 0 à 100 ans, il surviendra un événement pour mille sujets, par an. Et qu’un vol de plus de huit heures multiplie le risque de thrombose par quatre. Un vol de plus de huit heures, ou deux voyages à la suite de quatre heures ou plusieurs vols en plusieurs jours.»


Pain quotidien
Le risque de mourir dans l’avion d’une embolie pulmonaire est toutefois très rare. «Ce qui peut arriver, c’est que vous atterrissiez à Rio avec une thrombose, sans rien sentir de particulier (voir les symptômes dans l’encadré et le témoignage). Lors du vol de retour, la thrombose peut s’étendre et quelques jours après, à la maison, l’embolie peut être fatale.» Daniel Hayoz ne cherche en rien à épouvanter. Mais comme les événements thromboemboliques «sont le pain quotidien des hôpitaux de soins aigus comme le nôtre», il préfère prévenir, même s’il peut guérir (dans la plupart des cas).  
Prévenir notamment qu’il n’y a pas qu’en avion que le risque est élevé. «Tous longs voyages représentent un ris-que, précise Daniel Hayoz. Les personnes du troisième âge qui se rendent en bus au sud de l’Espagne doivent absolument bouger les jambes toutes les deux heures.» D’autant plus que l’âge est un facteur augmentant la probabilité de développer une thrombose. Comme l’obésité, des antécédents de maladies thromboemboliques, la grossesse ou la contraception hormonale.


Prévenir la thrombose
Le spécialiste conseille aux personnes à risque de consulter leur médecin avant de prendre l’avion, «car on peut leur proposer une prophylaxie. Elle permet de réduire de 80% le taux d’incidence, soit d’éviter le développement d’un caillot.» Et à tout un chacun, il recommande de se lever et de marcher dans l’avion toutes les deux heures, ou de porter, comme lui, des bas de contention. «Très efficaces! Certes ils ne sont pas très agréables et leur coût varie entre 50 et 80 francs. Inutile de préciser que c’est dérisoire comparé au danger et aux dé-sagréments d’une embolie ainsi qu’au coût de son traitement.» Enfin, il déconseille l’alcool, «qui déshydrate», et les somnifères, «qui entraînent l’immobilisation».
Fait étonnant, rares sont les compagnies aériennes qui sont préparées et proactives dans ce domaine. «C’est très regrettable, confie le Dr Hayoz. La raison est que pour ces dernières, “voler” ne doit jamais être associé à “risque”.» Et de confier qu’il y a une vingtaine d’années, il avait essayé d’en approcher pour leur présenter un «système actif» permettant de diminuer sensiblement le risque de thrombose. Il n’a  jamais pu passer les portes… Mais continue à recevoir dans son service, chaque jour, une personne souffrant d’une thrombose ou d’une embolie pulmonaire.

 

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Signes à prendre au sérieux
Thrombose veineuse: les symptômes surviennent le plus souvent quelques jours après la fin du voyage, et sont la plupart du temps muets. «Une douleur à la jambe n’est ressentie que dans 40% des cas», précise le Dr Daniel Hayoz. Sinon, un œdème (gonflement) sur une seule jambe est suspect. La peau peut être luisante, accompagnée d’une sensation de chaleur. Le mollet peut être tendu. Au moindre doute, il faut se rendre chez un médecin afin de réaliser un Echo Doppler. La plus grave complication d’une thrombose est l’embolie.
Embolie pulmonaire: là aussi, les signes peuvent être pauvres et dépendent de la gravité de l’embolie. Sur le plan respiratoire, on a le souffle court et rapide, en rapport avec l’hypoxie (baisse de la concentration d’oxygène dans le sang). Sur le plan cardiaque, une augmentation du rythme des battements qui peut s’accompagner d’une chute de la pression artérielle. Des signes de défaillance cardiaque, avec augmentation du volume du foie et douleurs à la palpation, apparaissent lors d’une embolie pulmonaire massive. Les minutes comptent désormais.
Un caillot de sang qui traverse un cœur déjà malade avant d’atteindre le poumon est l’un des pires scénarios. Car, pour tenter de compenser le manque d’irrigation du poumon, le cœur est doublement sollicité et peut lâcher. «A noter encore qu’une personne en parfaite santé qui fait une embolie peut ressentir des effets à long terme. Si plusieurs mois après un voyage long-courrier il vous semble que vous ne pouvez plus en avant, que vous avez de la peine à respirer, il faut consulter», conseille le Dr Hayoz.

 

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