Les projets durables de l’ONG Kam For Sud ont tenu le coup

| mar, 23. juin. 2015

Les tremblements de terre d’avril et mai derniers, au Népal, ont relativement épargné les projets de Kam For Sud. L’ONG tessinoise du Gruérien Daniel Pittet y est très active depuis 1998. Elle y défend une approche durable. Le point sur les dégâts avec ce spécialiste de la reconstruction postcatastrophe.

PAR JEAN GODEL

Le Népal, le Brocois Daniel Pittet, 48 ans, le connaît bien. Il y a travaillé trois ans, entre autres pour la DDC et, accessoirement, y a rencontré la Tessinoise Silvia Lafranchi, devenue son épouse en 2001. Elle y a passé cinq années de sa vie pour diverses ONG et y a aussi achevé un master en sciences de l’environnement de l’EPFZ. Tous deux sont les chevilles ouvrières d’une organisation non gouvernementale tessinoise, Kam For Sud (KFS), fondée par Silvia Lafranchi et un groupe d’amis en 1998 et qui peut compter sur le soutien de nombreux Gruériens.
Kam For Sud: Kam pour kasturi mirga, nom népalais du cerf musqué, animal précieux au Népal; For pour forum, au sens de plate-forme d’échange; Sud pour sustainable development (développement durable). Très active au Népal, l’ONG y mène une demi-douzaine de projets et emploie 27 personnes sur place, des locaux. Elle a donc été aux premières loges lors des tremblements de terre des 25 avril et 12 mai derniers.
Du coup, KFS a immédiatement lancé divers programmes d’urgence et de reconstruction devisés entre 1 et 2 millions de francs – le budget ordinaire de l’organisation tourne autour de 300000 francs par an. «Nous nous sommes limités à intervenir là où nous avons nos projets pour mettre nos réseaux à profit», résume Daniel Pittet, de retour de près d’un mois au Népal.
Silvia, elle, était partie quatre jours après le premier séisme pour évaluer les besoins et fixer la méthodologie la plus appropriée. «Ça nous a permis de porter secours très vite aux personnes les plus touchées», souligne Daniel Pittet.


Orphelinat indemne
Ingénieur et architecte spécialisé en architecture durable et en reconstruction postcatastrophe, Daniel Pittet avait apporté son expertise lors de la construction, par KFS, de la ferme-orphelinat de Tathali, dans la vallée de Kathmandu (La Gruyère du 4 janvier 2011). Résultat: aucun dégât, alors même que le village a été en grande partie détruit.
Quant à l’école de Saipu, le premier projet de KFS mené en 1999, elle a été si endommagée qu’elle a dû être démolie par mesure de sécurité. Elle avait été construite avec le soutien financier de KFS, mais par les gens du village et avec leurs techniques. «On va la reconstruire avec des mesures antisismiques», assure le Gruérien.
A Saipu, à un jour de marche et de bus de la capitale, un tiers des maisons ont été démolies alors que 50% ont été si fragilisées qu’elles devront être abattues. Installé dans un vieux bâtiment que KFS avait prévu de reconstruire de longue date, le dispensaire du village n’a d’ailleurs pas tenu.
A Kathmandu, KFS dispose d’un centre d’accueil de jour qui vient en aide à septante enfants. Leurs familles sont si pauvres qu’elles ne peuvent leur offrir l’écolage. Heureusement, les locaux ont tenu. «Ça nous a permis de mettre immédiatement en place un système d’approvisionnement en eau et en nourriture pour nos enfants et les familles nécessiteuses du quartier.»


Solidarité des Gruériens
Après vision locale par un coordinateur de KFS Népal, un appel à des abris d’urgence a été lancé en Suisse. «On a été complètement dépassés, témoigne Daniel Pittet, très reconnaissant envers un tel élan de solidarité: on a reçu plus de 700 tentes, dont 150 rien qu’en Gruyère où les gens se sont mobilisés spontanément. La Protection civile de Locarno nous a offert sa logistique et dix tonnes de matériel ont été acheminées par avion-cargo.» En tout, KFS a ainsi pu soutenir 6000 personnes.


Une ONG bien intégrée
Sur place, Silvia Lafranchi Pittet a participé à plusieurs réunions de coordination du Corps suisse en cas de catastrophe. Objectif: éviter les doublons et développer les synergies. KFS a ainsi pu bénéficier de l’aide du Programme alimentaire mondial qui lui a offert deux transports de fret par hélicoptère vers Saipu.
Une coordination que Daniel Pittet a poursuivie. Mais là où beaucoup d’ONG pratiquent la technique de l’arrosoir, KFS a pris le temps d’établir les besoins réels. «Avant l’arrivée du matériel, on a établi des listes de priorités en effectuant des sondages auprès de la population.» Une approche rendue possible grâce au réseau de l’ONG sur place. «On est passés par les maîtres d’école. Ça a très bien fonctionné.»
A Saipu, une enquête me-née par KFS avec l’aide des instituteurs a détaillé l’ampleur des dégâts, mais aussi la situation sociale des familles afin de mieux cibler les interventions. Kam For Sud offrira d’abord un soutien technique tenant compte des matériaux et de la main-d’œuvre disponibles dans cette région inaccessible. Il s’agira aussi de développer des normes antisismiques adaptées à un tel contexte.
Dans un second temps, l’ONG assurera la formation du personnel en favorisant là encore des techniques durables et contextualisées: «Notre approche consiste toujours à faire participer les populations locales, on ne leur impose jamais nos solutions», insiste Daniel Pittet.

 

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Croissance organique

En dix-sept ans, Kam For Sud (KFS) a grandi de façon organique, un projet en appelant un autre, analyse Daniel Pittet, membre du comité.
Ainsi, en plus des projets déjà évoqués ci-dessus, il faut citer un programme de parrainage d’enfants (plus de 200 à ce jour) issus de familles en grande difficulté économique. Ce qui leur permet de continuer à fréquenter l’école et d’échapper à différentes formes d’abus ou d’exploitation. KFS Népal est en étroit contact avec le Social Welfare Council du pays auprès duquel elle est enregistrée comme ONG locale. Une reconnaissance institutionnelle garante de transparence et de légalité. «Chaque cas est examiné en profondeur. La priorité est toujours donnée, quand c’est possible, au maintien de l’enfant dans sa famille.»


Changements climatiques au Mustang
Daniel et Silvia Lafranchi Pittet ont à cœur d’orienter autant que possible leurs projets vers le développement durable. Ainsi la ferme-orphelinat de Tathali est-elle gérée selon les critères bio, tant pour les cultures que pour le traitement des eaux ou des déchets. Dans le désert d’altitude du Mustang, un projet plus récent est même consacré aux conséquences des changements climatiques sur le régime hydrique de la zone. «C’est que la fonte accélérée des glaciers du Haut-Himalaya perturbe le débit d’irrigation et pousse certaines populations à déserter leur village», explique le Brocois d’origine.
Une évaluation a eu lieu en 2012 dans trois villages, en partenariat avec la Haute Ecole spécialisée du Tessin. Résultat: «Pour deux d’entre eux, il n’y a pas d’alternative à la délocalisation. Mais pour le troisième, on doit pouvoir résoudre le problème sur place.» Aujourd’hui, KFS coordonne les interventions menées par des ONG allemandes et françaises.
Daniel Pittet insiste sur un point: l’entier des dons va aux projets. Les frais administratifs sont intégralement couverts par les revenus du Bazar Kam For Sud, à Locarno, à un jet de pierre de la Piazza Grande, ainsi que par diverses activités culturelles en Suisse. JnG

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