Des tavillons pour effacer dix ans de procédure

| mar, 14. jui. 2015

Epilogue au chalet du Lapé après une lutte intense qui a conduit les propriétaires jusque devant le Tribunal fédéral, en vain. Depuis le début du mois, des tavillons remplacent peu à peu la tôle thermolaquée posée illégalement. Les copropriétaires veulent tourner la page, même s’ils dénoncent un «gâchis».

PAR JEAN GODEL

Une épaisse couche de tavillons est en train de recouvrir le fameux toit à la Mansart du chalet du Lapé. Des lamelles d’épicéa qui mettent un terme à une bataille juridique longue de dix ans. C’est en effet en juillet 2005 qu’une violente grêle endommageait le toit du vénérable chalet de 1742, situé au Petit-Mont, sur la commune de Val-de-Charmey. L’année suivante, son propriétaire Pierre Gendre, décédé en octobre dernier, recouvrait les vieux tavillons de tôle thermolaquée. Un matériau inapproprié selon un arrêté du Conseil d’Etat de 1990 relatif à la conservation du patrimoine architectural alpestre. C’est que ce bâtiment est placé sous protection maximale, en catégorie A.
Hier matin, au moment du café, les tavillonneurs se doutent bien qu’ils sont là sur l’un des plus beaux chantiers de leur vie. Mandatés par l’entreprise Baeriswyl, de Planfayon, il y a, entre autres, le Bernois Wernu Riesen, de Schwarzenburg, et Lucien Carrel, de Vaulruz. Le chantier a commencé à la fin mai par le démontage de la tôle et des anciens tavillons par les hommes de Baeriswyl. Les tavillonneurs, eux, travaillent à huit depuis deux semaines à la pose des 630 mètres carrés de toiture. Ils en auront pour deux mois. La présence des deux pans n’est pas une difficulté en soi. «Faire les bords est un peu plus délicat, explique le Gruérien. Là, il faudra juste en refaire un second au milieu.» Couvrir la borne est aussi apprécié: «C’est le bijou du toit», assure Wernu Riesen.


Bon pour 30 ans au moins
Pas moins de 65 m3 d’épicéa de la région ont été abattus pour fabriquer les 250000 tavillons nécessaires. Chaque point du toit en sera recouvert de douze couches, soit 9 cm de matériau. Alors, oui, une telle toiture devrait durer trente à trente-cinq ans. Voire plus, selon les attaques du temps.
Les deux hommes ne se prononcent pas sur le litige du Lapé. Mais ils soulèvent deux points. D’abord, la grêle peut aussi endommager la tôle: le thermolaquage craquelle et la rouille peut alors faire son œuvre. «Ensuite, la grêle ne détruit pas d’un coup un toit en tavillons, mais elle l’affaiblit», explique Lucien Carrel. Bien souvent, les fuites apparaissent plus tard. Or, selon eux, l’ECAB ne prendrait pas assez ce phénomène en compte.
Un point de vue que partage Dominique Gendre, propriétaire du Lapé avec son frère Frédéric: «Pour la grêle de 2005, on a reçu une moquerie.» Pour lui, c’est là le gros défaut du tavillon: «Il prend dix ans en dix minutes.» La tôle thermolaquée de sa ferme sarinoise a elle aussi pris la grêle, celle, terrible, du 23 juillet 2009. C’était quatorze mois après l’avoir posée: «Comme elle était cabossée, l’ECAB a tout remboursé.»
Lui reste convaincu des avantages de la tôle thermolaquée: «Elle dure quatre à cinq générations. Les tavillons, une seule.» A voir. Car cette fois, le Lapé a été doté d’une sous-toiture qui le protège mieux. Dominique Gendre regrette tout de même d’avoir dû démonter le toit de 2006: «C’était du beau travail. Le canton a fait là un beau gâchis.» Mais au final, lui et sa famille sont soulagés de cet épilogue à une affaire qui les a usés. «Les touristes voient la beauté du tavillon. Nous, le côté fonctionnel de la tôle thermolaquée…»
Estimés à 300000 francs, les travaux seront subventionnés par le canton (20%), la Confédération (20%) et le Fonds suisse pour le paysage (15%). De son côté, Vincent Steingruber, du Service des biens culturels, se dit soulagé, mais pas heureux pour autant: «C’est comme dans toute guerre. Tout le monde est perdant et ce n’est drôle pour personne.»

Commentaires

Bonjour. Beau boulot, même très beau boulot au Lapé, félicitations. Par contre, les chenaux, c'est-à-dire la ferblanterie extérieure en cuivre de la Maison du bois de Bataille, c'est vilain. Pas beau. Ça fait même mal aux yeux.

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