A sec, plusieurs alpages appellent au secours

| sam, 18. jui. 2015

Là-haut sur la montagne, l’eau commence à manquer. Six teneurs d’alpage ont tiré la sonnette d’alarme. Des hélicoptères, chargés en eau, volent à leur rescousse. Le règlement de la facture reste en suspens.

PAR FRANCOIS PHARISA

«Une semaine supplémentaire sans eau et la situation deviendrait critique.» Frédéric Ménétrey, secrétaire de la Société fribourgeoise d’économie alpestre (SFEA), est clair: plusieurs alpages doivent être ravitaillés en eau dans les plus brefs délais. Faute de quoi, une désalpe prématurée pourrait être envisagée. Les nouvelles de MétéoSuisse ne sont guère rassurantes. D’éventuels orages sont annoncés pour samedi et dimanche, en seconde partie de journée, mais le soleil et la canicule reprendront leurs droits dès lundi.
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Réunis hier matin, à Fribourg, les représentants de la SFEA et du Service de la protection de la population et des affaires militaires (SPPAM) ont décidé le ravitaillement par hélicoptère de six alpages. Comme lors de l’été caniculaire de 2003. Leur nombre pourrait augmenter en fonction des conditions météorologiques. La coordination de l’approvisionnement au niveau cantonal et, surtout, les questions liées aux coûts des opérations sont encore sujettes à discussions et à négociations.
En urgence, l’alpage des Tservettes, sur les hauts de Grandvillard, a même d’ores et déjà été ravitaillé hier, en fin d’après-midi, par Swiss Helicopter. La précieuse ressource a été puisée dans le lac de Lessoc. Un soulagement pour l’exploitant Jean-François Gachoud. «Dès samedi, nous aurions été complètement à sec. La citerne située au col des Merlas, à une bonne demi-heure de marche du chalet des Tservettes, était vide», assure l’agriculteur, dont le frère Gérard garde le domaine de plaine, au Pont, sur la commune du Flon.
Cette citerne de 16000 litres permet à une trentaine de bovins de s’hydrater. Grâce à huit rotations, Swiss Helicopter a pu acheminer 8000 litres d’eau. Lundi, l’autre moitié sera amenée. «La citerne était pleine le 4 juillet, raconte-t-il. Elle s’est vidée en à peine quinze jours.» Le reste du troupeau, une cinquantaine de têtes, paît, lui, à proximité du chalet des Tservettes, qui bénéficie d’un réservoir de 50000 litres.


Se montrer patients
Cinq autres alpages appellent également à l’aide. Ils devront attendre lundi, voire plus tard dans la semaine. Parmi eux, les alpages de la Gissetta, du Gros Morvaux et de Balachaux, en dessous du Gros-Brun. Leurs exploitants, Joseph et Pierrette Moret, ont été les premiers à faire part de leurs inquiétudes auprès de la SFEA. C’était lundi déjà. «Nous avons pris les devants, car nous savons la procédure longue. Or, nous avons déjà dû déplacer nos bêtes, relève Pierrette Moret. Elles n’avaient plus rien à boire.»
De la citerne de 60000 litres, à Balachaux, il ne reste plus qu’une vingtaine de centimètres d’eau, préservés pour le berger qui occupent également les lieux. «Avec cette chaleur, les vaches peuvent boire jusqu’à huitante litres par jour», assure Pierrette Moret. Les 51 vaches et génisses s’abreuvent désormais au chalet du Gros Morvaux, alimenté par une source. Celle-ci tend pourtant à se tarir, son débit peinant à atteindre un litre par minute. «On devra peut-être conduire les bêtes encore plus bas, à la hauteur du premier chalet, à la Gissetta, si la situation ne s’améliore pas.»


Jouer aux écureuils
«Plus de trois semaines qu’il n’est pas tombé une goutte.» Sur leur alpage aux Sciernes d’Albeuve, les frères Boschung, Charly et Christian, de La Tour-de-Trême, transbahutent des litres d’eau par tracteur toute la journée. Prévenants, ils font des réserves. Comme Tic et Tac. «Nous avons fabriqué la semaine dernière deux citernes qui récupèrent l’eau de nos trois sources. Rien ne doit être gaspillé», explique Charly Boschung.
L’eau est amenée 200 mètres plus haut. A la Grosse Orgevalette, aux alentours de 1500 mètres, et au Creux, vers 1600 mètres, là où 197 bovins broutent sous le cagnard. En outre, plusieurs allers-retours entre l’alpage et la plaine sont effectués. «Nous parvenons à acheminer ainsi 8000 litres, que nous stockons en vue de jours plus difficiles.»
Des réserves qui ne seront pas superflues. Prochainement, les deux Tourains conduiront leur bétail à 1700 mètres, sur l’alpage de Chenau, où la première herbe n’a pas encore été mangée. Une citerne de 45000 litres, pleine à ras bord, attend les bêtes. «Mais sans pluie, elle sera elle aussi rapidement à sec, craint Charly Boschung. Nous sommes montés au premier chalet le 25 mai. On devait y redescendre normalement début août, mais nous devrons retarder l’échéance, la seconde herbe peine à repousser.» D’où l’importance d’être suffisamment riche en eau pour pouvoir rester en haut plus longtemps.
Sous forme d’averses ou d’un ravitaillement par hélicoptère, le salut des alpages ne pourra venir que du ciel.

 

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Qui va payer la note?
De l’eau pour les bovins, une facture salée pour les exploitants… Ravitailler un alpage par hélicoptère coûte cher. Très cher. D’où des négociations entre les différentes parties. «Nous avons longuement discuté avec Swiss Helicopter et le Service de la protection de la population et des affaires militaires. C’est maintenant au Conseil d’Etat de prendre la décision finale, certainement en début de semaine prochaine», indique Frédéric Ménétrey, secrétaire de la Société fribourgeoise d’économie alpestre. «Nous espérons que les frais seront entièrement pris en charge par le canton», poursuit-il, relayant ainsi les espoirs de tous les teneurs d’alpage concernés.
Selon le principe de subsidiarité, l’armée n’interviendra que là où Swiss Helicopter ne pourra le faire. L’armée assure le ravitaillement gratuitement, mais ce n’est pas le cas de l’entreprise basée à Epagny. «Si le canton refusait de s’acquitter de la facture, celle-ci serait répartie entre les différents teneurs d’alpage, qu’ils aient bénéficié de l’aide de l’armée ou de celle de Swiss Helicopter», explique Frédéric Ménétrey.
Selon les tarifs en vigueur chez Swiss Helicopter, la minute de vol coûte 42 francs. Or, une rotation varie de quelques minutes à une petite dizaine de minutes. Tout dépend de la distance entre l’alpage et l’endroit où l’eau est puisée.
Une rotation permet d’amener 800 litres. En prenant l’exemple d’un temps de rotation de cinq minutes et d’une citerne d’une capacité de 20000 litres, le ravitaillement ne nécessiterait ainsi pas moins de 25 rotations, soit 5250 francs. FP

 

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L’herbe pourrait aussi manquer  
La quantité d’herbe disponible pose un deuxième problème. Bien que nettement moins urgent dans l’immédiat que le manque d’eau. Une fois la première herbe mangée, les troupeaux sont déplacés dans le courant de l’été pour profiter de la seconde pousse. Or, pour l’heure, celle-ci peine à apparaître. Les pâturages ne pouvant pas être arrosés, seule la pluie peut résoudre l’équation. «Sur certains alpages, le risque d’une désalpe avancée d’une à deux semaines plane. Faute d’herbe, les exploitants qui louent du bétail pourraient le rendre plus tôt que prévu. De même pour les propriétaires, qui pourraient décider de rentrer au bercail», explique Philippe Dupasquier, président de la Société fribourgeoise d’économie alpestre et lui-même teneur de l’alpage du Lity, sur les hauts de Lessoc. Seulement, l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Notamment en plaine, où les exploitations sont confrontées au même problème. Les prés ont été fauchés, une fois les bêtes parties pour l’alpe, mais le regain peine à pousser. «Dans le pire scénario, on devrait donner aux bêtes le foin prévu pour cet hiver, répercutant le problème ces prochains mois», redoute Philippe Dupasquier. FP

 

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